Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Fragment d’une poésie de Niemcewicz

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 2 (p. 363-364).


FRAGMENT D’UNE POÉSIE

ADRESSÉE À MISS COSWAY, PAR NIEMCEWICZ.


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Trop heureux Niemcewicz, dont la muse fidele
Ouvre à ta renommée une porte nouvelle ;
À sa langue étrangère enseignant tes vertus,
Te présente à l’encens de peuples inconnus,
Et fait luire tes traits, et ton âme, et ta grâce
Jusqu’aux bords nébuleux que la Baltique embrasse.
Les sept astres du Nord, parmi les chênes verts,
Le verront aux pasteurs de fourrures couverts,
Tel qu’Orphée au milieu de sa troupe farouche,
Apprendre ce doux nom qui vivra sur sa bouche,
Ton nom, ton nom si doux, l’honneur de sa chanson.
Pour entendre ta voix et redire ton nom,
De l’âpre Niemen les Naïades sacrées
Brisant les durs remparts de glaces azurées
Lèveront à l’envi leurs baux visages blancs,
Ceints d’humides roseaux et de glaçons brillants.

Ton nom réveillera, chanté par les feuillages,
L’écho de Podolie en ses grottes sauvages.
Les belles, dont la martre, au noir duvet luisant,
Presse le jeune sein, quand sous leur char glissant
Le froid hiver durcit la Vistule écumante,
Diront : « Cette étrangère est donc bien séduisante ! »
Prêts à braver le Russe en un combat mortel,
Les Polaques guerriers invoqueront le ciel,
Pour qu’une autre Cosway, comme toi noble et pure,
De son écharpe blanche entoure leur armure.

« Niemcewicz sera toujours ami de Saint André[1]. »

  1. Voy. tome I, p. viii.