Abrégé de l’histoire romaine (Florus)/Avant-propos

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Abrégé de l’histoire romaine (Florus)
Traduction par sous la direction de Désiré Nisard.
Collection des auteurs latinsFirmin Didot15 (p. 625-626).
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ABRÉGÉ
de
L’HISTOIRE ROMAINE.

LIVRE PREMIER

Avant-propos. — Le peuple romain, depuis le roi Romulus jusqu’à César Auguste, a, pendant sept cents ans (1), accompli tant de choses dans la paix et dans la guerre, que, si l’on compare la grandeur de son empire avec sa durée, on le croira plus ancien. Il a porté ses armes si avant dans l’univers, qu’en lisant ses annales ce n’est pas l’histoire d’un seul peuple que l’on apprend, mais celle du genre humain (2). Il a été en butte à tant d’agitations et de périls, que, pour établir sa puissance, le courage et la fortune semblent avoir réuni leurs efforts.

Aussi ce sont principalement ses progrès qu’il importe de connaître : cependant, comme le plus grand obstacle à une entreprise est son étendue, et que la diversité des objets émousse l’attention, j’imiterai l’art de ceux qui peignent les contrées de la terre (3) ; j’embrasserai, comme dans un cadre étroit, le tableau entier de l’empire ; et j’ajouterai, je l’espère, à l’admiration qu’inspire le peuple roi (4), si je parviens à retracer dans ses proportions et dans son ensemble son universelle grandeur.

Si donc l’on considère le peuple romain comme un seul homme (5), si l’on envisage toute la suite de son âge, sa naissance, son adolescence, la fleur, pour ainsi dire, de sa jeunesse, et enfin l’espèce de vieillesse où il est arrivé, on trouvera son existence partagée en quatre phases et périodes.

Son premier âge se passa sous les rois, dans l’espace de près de deux cent cinquante années (6), pendant lesquelles il lutta, autour de son berceau, contre les nations voisines (7). Ce sera là son enfance (8).

L’âge suivant, depuis le consulat de Brutus et de Collatin jusqu’à celui d’Appius Claudius et de Quinctus Fulvius, embrasse deux cent cinquante ans (9), durant lesquels il subjugua l’Italie. Cette période agitée fut féconde en guerriers, en combats ; aussi peut-on l’appeler son adolescence.

De là, jusqu’à César Auguste, s’écoulèrent deux cents années (10), qu’il employa à pacifier tout l’univers. C’est alors la jeunesse de l’empire et sa robuste maturité.

Depuis César Auguste jusqu’à nos jours, on ne compte pas beaucoup moins de deux cents ans (11), pendant lesquels l’inertie des Césars l’a en quelque sorte fait vieillir et décroître entièrement. Mais, sous le règne de Trajan, il retrouve ses forces, et, contre toute espérance, ce vieil empire, comme rendu à la jeunesse, reprend sa vigueur.

I. — De Romulus. — (An de Rome 1-38.) — Le premier fondateur et de Rome (13) et de l’empire fut Romulus, né de Mars et de Rhéa Sylvia (14). Cette vestale en fit l’aveu pendant sa grossesse ; et l’on n’en douta bientôt plus, lorsqu’ayant été, par l’ordre d’Amulius, jeté dans le fleuve avec Rémus, son frère, il ne put y trouver la mort : le Tibre arrêta son cours (15) ; et une louve, abandonnant ses petits, accourut aux cris de ces enfants, leur présenta ses mamelles, et leur servit de mère. C’est ainsi que Faustulus, berger du roi, les trouva auprès d’un arbre ; il les emporta dans sa cabane, et les éleva. Albe était alors la capitale du Latium. Iule l’avait bâtie, dédaignant Lavinium (16), fondée par son père Énée. Amulius, quatorzième descendant de ces rois (17), régnait, après avoir chassé soit frère Numitor, dont la fille était mère de Romulus. Celui-ci, dans le premier feu de sa jeunesse, renverse du trône son oncle Amulius, et y replace son aïeul. Chérissant le fleuve et les montagnes qui l’avaient vu élever, il y méditait la fondation d’une nouvelle ville. Rémus et lui étaient jumeaux ; pour savoir lequel des deux lui donnerait son nom et ses lois, ils convinrent d’avoir recours aux dieux. Rémus se place sur le mont Aventin, son frère sur le mont Palatin (18). Rémus, le premier, aperçoit six vautours ; mais Romulus en voit ensuite douze. Vainqueur par cet augure (19), il presse les travaux de sa ville, plein de l’espoir qu’elle sera belliqueuse : ainsi le lui promettaient ces oiseaux habitués au sang et au carnage.

Pour la défense de la nouvelle ville, un retranchement semblait suffire ; Rémus se moque de cette étroite barrière, et la franchit d’un saut par dérision ; on le tua, et on ne sait si ce fut sur l’ordre de son frère (20). Il fut du moins la première victime qui consacra de son sang les murailles de la ville naissante.

C’était plutôt l’image d’une ville qu’une ville véritable que Romulus avait créée ; les habitants manquaient. Dans le voisinage était un bois sacré ; il en fait un asile (21) ; et soudain accourent une multitude prodigieuse d’hommes, des pâtres latins et toscans, quelques étrangers d’outre-mer, des Phrygiens qui, sous la conduite d’Énée, et des Arcadiens qui, sous celle d’Évandre, s’étaient répandus dans le pays. De ces éléments divers il composa un seul corps (22), et il en fit le peuple romain.

La cité se bornait à une seule génération, un peuple d’hommes. Il demanda donc des épouses à ses voisins ; et, ne les ayant pas obtenues, il les en