Académies et sociétés savantes, 2e trim. 1830

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APPENDICE.

Nous avons promis à nos lecteurs que la Revue des Deux Mondes ne resterait étrangère à aucune des grandes divisions de la science soumises à l’investigation de l’esprit humain. Nous commençons à remplir dès aujourd’hui cette promesse en publiant un exposé complet, quoique rapide, des sujets qui nous ont paru dignes de fixer l’attention publique dans les séances de plusieurs Académies et Sociétés savantes, depuis le mois de mai 1830.

ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.

PARIS.Académie des Sciences. — Séance du 3 mai 1830. — M. Julia, de Fontenelle adresse une note sur un fossile humain trouvé près des Martres-de-Veyre. — M. Arago présente ensuite quelques éclats d’un gros chêne frappé de la foudre, qui lui ont été remis par M. le duc de Chartres. — M. Becquerel lit un mémoire sur un procédé électrochimique pour retirer le manganèse et le plomb des dissolutions où ils se trouvent. — M. Coquebert de Montbret fait un rapport sur un ouvrage allemand relatif aux moyens de doubler la production de la laine chez les moutons. L’auteur pense et cherche à prouver qu’il est possible de porter les sucs nourriciers vers la peau, et d’accroître ainsi la quantité et la beauté de la laine. — M. Dureau de la Malle lit un mémoire sur le développement des facultés intellectuelles des animaux, qui, par une foule d’idées originales et neuves, et surtout par une multitude de faits curieux, captive l’attention de l’assemblée en l’égayant quelquefois.

— 10 mai. — M. Beltrami adresse de nouveaux manuscrits du Mexique, ornés de figures et de hiéroglyphes. — M. le docteur Emmanuel Rousseau adresse également une lettre avec de nouveaux documens sur la propriété fébrifuge du houx. — M. Couchy présente à son tour l’extrait d’une de ses savantes leçons faites au collége de France. Il est suivi par MM. Gay-Lussac et Magendie, qui font un rapport sur le mémoire de M. Leroux, pharmacien à Vitry-le-Français, relatif à l’analyse chimique de l’écorce du saule et à la découverte d’un principe immédiat propre à remplacer le sulfate de kinine. « Il ne s’agissait rien moins, dit M. Magendie, que de savoir s’il existe dans quelqu’un de nos végétaux indigènes un principe qui puisse tenir lieu des alcalis que l’industrie extrait de l’écorce du kinkina… M. Leroux, envoyant à l’Académie deux produits extraits de l’écorce du saule hélix, l’un qu’il nommait salicine et qu’il regardait alors comme une base salifiable végétale de l’autre qu’il appelait sulfate de salicine, les annonçait comme devant posséder le pouvoir fébrifuge… La salicine a été l’objet d’expériences faites à la Charité et à l’Hôtel-Dieu. Plusieurs médecins nous ont adressé un certain nombre d’observations où le pouvoir anti-fébrile de la salicine ne peut être révoqué en doute. » Il résulte, comme on voit, de ce rapport, que M. Leroux a découvert dans l’écorce du saule hélix un principe qui jouit évidemment de la propriété fébrifuge, à un degré qui se rapproche de celui du sulfate de kinine, et cette découverte est sans doute une des plus importantes qui depuis long-temps aient été faites en thérapeutique. — La séance est terminée par un rapport sur le mémoire de M. Bennati, relatif au mécanisme de la voix humaine dans le chant ; ce rapport est fait par MM. Cuvier, de Prony et Savart.

— 17 mai. — M. Larrey communique quelques détails sur la maladie et les derniers momens de l’illustre savant que l’Académie vient de perdre, M. Fourrier. — M.  Cauchy annonce qu’il est parvenu à déduire la théorie générale du mouvement de la lumière des équations qu’il a données dans ses exercices mathématiques. — MM. Sylvestre et Flourens font un rapport sur la méthode d’enseignement primaire, à l’usage des aveugles et des sourds-muets, par M. Charles Barbier. — On lit ensuite un mémoire de M. Réveillé-Paris, sur l’existence et les causes organiques du tempérament mélancolique.

— 24 mai. — M. Cauchy fait connaître la suite de ses travaux sur l’application du calcul au mouvement des ondes lumineuses, et M. Dupetit-Thouars lit un mémoire sur l’éducation des sourds-muets.

— 31 mai. — M. A. Chevallier annonce le succès de son procédé de blanchiment des édifices par l’acide hydrochlorique étendu d’eau. — M. Cauchy présente deux mémoires, le premier sur la théorie des nombres, le second ayant pour titre : Détermination des racines primitives dans la théorie des nombres. Il dépose également un mémoire sur la théorie de la lumière. — MM. Latreille, Dumeril et Cuvier font un rapport sur un mémoire de M. Milne Edwards, concernant une disposition particulière de l’appareil branchial chez quelques crustacées. — M. Poinsot lit un mémoire très-étendu sur la théorie et la détermination de l’équateur du système solaire. — On nomme correspondant de la section de botanique M. Wallich, de Calcutta, et de la section de zoologie M. Quoy, de Rochefort. — Une commission chargée de décerner le prix fondé par M. de Montyon fait son rapport. Sur sa proposition, l’Académie arrête qu’un prix de 8,000 fr. sera décerné à M. Aldini, inventeur des moyens pour préserver les pompiers de l’action de la flamme dans les incendies[1].

— 7 juin. — La continuation du mémoire de M. Poinsot occupe presque en entier cette séance. — L’Académie nomme à la majorité de 39 suffrages sur 44 votans, M. Arago secrétaire perpétuel pour la section des sciences mathématiques, en remplacement de M. Fourrier.

— 14 juin. — M. Récamier adresse un mémoire relatif à la guérison des cancers, par le moyen de la compression. — M. Théod. de Saussure en présente un sur la variation de la proportion d’acide carbonique contenu dans l’atmosphère. — M. Donamel fait la description d’un procédé simple et facile pour dessécher les viandes fraîches. — M. Duperrey adresse la 17e livraison de la partie zoologique du Voyage de la Coquille autour du Monde. Il remet aussi une carte de l’équateur magnétique d’après les observations qu’il a recueillies dans son voyage. — M. Héron de Villefosse fait un rapport très-favorable sur un ouvrage allemand de M. le comte de Muller, intitulé : Description historique et technique des inondations extraordinaires qui ont eu lieu les 3 et 4 février de l’année 1825 sur les bords de la mer du Nord, et sur les rivages des fleuves qui s’y jettent entre Anvers et Lubeck. — M. Navier fait en son nom et en celui de M. Prony un rapport sur le projet d’un nouveau mode de construction pour les ponts de fer, proposé par M. Delaporte. — M. Cauchy annonce qu’il est parvenu à déduire de ses formules le phénomène de la dispersion des couleurs, seule difficulté que cet honorable académicien eût à vaincre pour achever de soumettre à l’analyse tous les phénomènes de l’optique. — M. Coquebert de Montbret, rapporteur de la commission de statistique pour les prix Montyon, termine la séance en proclamant que le prix a été adjugé à M. Pugis, auteur d’une notice statistique sur le département de l’Ain.

— 21 juin. — La commission chargée d’adjuger le prix d’astronomie fondé par M. de Lalande décerne ce prix à M. Gambart, de Marseille, qui a observé la dernière comète et en a donné les élémens. Elle propose en outre d’accorder deux médailles, l’une à M. Gambey et l’autre à M. Perlat. Cette proposition est adoptée. — M. Picard fait un rapport sur les sourds-muets. Il est suivi par M. Navier, qui communique quelques détails sur un ouvrage de M. Fourrier, intitulé Analyse des équations déterminées ; que le célèbre auteur a laissé presque entièrement inédit. — M. Thénard lit des observations sur la lumière qui jaillit de l’oxygène soumis à une forte pression. — M. Geoffroy-St-Hilaire lit en son nom et au nom de M. Serres un rapport sur une fille bicéphale, née à Olus, arrondissement de St-Girons. M. Cauchy continue la seconde partie de son mémoire sur la théorie de la lumière. — M. le baron Roussin fait ensuite un rapport verbal sur un nouveau projet de boussole, présenté par M. Longeville. — M. Audoin donne la description d’un nid d’araignée construit avec un art extraordinaire. — M. Deleau termine par la lecture d’un manuscrit intitulé : Recherches physiologiques sur la formation des sons et le développement du langage. — Pendant le cours de cette séance, on a procédé à l’élection d’un membre correspondant pour la section de géométrie. M. Gergonne a obtenu la presque totalité des suffrages.

— 28 juin. — L’académie reçoit ampliation de l’ordonnance qui approuve la nomination de M. Arago à la place de secrétaire perpétuel. L’honorable membre commence à remplir les fonctions de sa nouvelle charge. — M. Marcel de Serres adresse à l’académie plusieurs échantillons de débris fossiles qui datent d’une haute antiquité. — M. Arago donne les élémens de la dernière comète observée par M. Walz, astronome de Nîmes. Il fait ensuite la lecture d’une lettre de M. Auguste Delarive, de Genève. Cette lettre est relative à l’action de l’acide sulfurique sur le zinc et aux causes productrices de l’électricité. — M. Girou de Buzaraingue lit un mémoire sur Roquefort, ses caves, ses fromages et l’agriculture de ses environs. — M. Arago fait connaître les recherches de M. de Humboldt, relativement à la marche de l’aiguille aimantée dans différens lieux du globe.


Société centrale d’agriculture. — Cette société a tenu, le 18 avril 1830, sa séance publique annuelle, présidée par M. le ministre de l’intérieur. Le compte rendu des travaux de la société, pendant l’année 1829, a été suivi de la lecture d’un mémoire de M. le vicomte Héricart de Thury, sur le concours pour le percement des puits artésiens. Cette méthode, d’après les faits recueillis et cités par le savant rapporteur, s’est répandue avec rapidité, non-seulement en France, mais dans toutes les contrées de l’Europe.

La société a entendu ensuite la lecture de plusieurs autres rapports, et a distribué des encouragemens à des mémoires sur différentes questions d’économie rurale. La séance a été terminée par l’annonce des prix proposés pour le concours de 1831. Ces prix, de 1,500 fr., sont : pour le meilleur mémoire sur la cécité des chevaux ; pour la construction d’une machine à battre le blé et à vanner ; pour le percement de puits artésiens ; pour la culture du pavot, dit œillette. La société propose en outre, pour 1834, trois prix, de 3,000, 2,000, et 500 fr., à décerner à ceux qui auront semé, dans les départemens méridionaux, la plus grande étendue de terrain en chêne liége, et un prix de 1,000 fr. au meilleur mémoire qui décidera si la maladie du pied des bêtes bovines, connue sous le nom de crapaud ou piétin, est ou non contagieuse.


Société française de statistique universelle. — Cette société, fondée il y a seulement quelques mois, compte déjà dans son sein huit cents membres français et étrangers. En réunissant ainsi pour le même objet les esprits les plus distingués des différentes parties du globe, elle doit prétendre à un rapide succès.


Société d’enseignement élémentaire. — Séance publique annuelle du 16 avril 1830. — Cette séance fort brillante était présidée par M. de Lasteyrie. Des échantillons d’écriture, de dessin linéaire et de couture décoraient les colonnes de la salle ; ces échantillons provenaient des écoles élémentaires de Paris, d’Amiens, de Nancy, etc., et même de celles du Sénégal. Trois jeunes Éthiopiens, amenés par M. Drovetti en France, et placés dans l’institution de M. Regnaud, au Bourg-la-Reine, ont été présentés à l’assemblée. Les progrès de ces jeunes enfans sont fort remarquables ; ils paraissent doués d’une grande intelligence. M. Delacourt a rendu compte de l’état des écoles gratuites du département de la Seine, qui reçoivent environ 5,000 élèves. Elles sont au nombre de 28, dont 8 destinées aux adultes et 4 aux filles. Les recettes se sont élevées à 50,197 fr. 92 c., et les dépenses à 48,207 fr. 96 c. Plusieurs rapports et discours ont été prononcés par M. de Gérando, Herpin et Renouard. Dans l’intervalle qui les séparait, les élèves des diverses écoles de la Société, qui apprennent également la musique par la méthode mutuelle, ont exécuté avec beaucoup d’ensemble plusieurs morceaux, qui dénotaient chez eux un profond sentiment musical, et ont fait ressortir en même temps le zèle empressé de leur habile professeur, M. Bocquillon Wilhem.


Société anglaise de géographie. — Au moment où une société française de statistique universelle était fondée à Paris par M. César Moreau, plusieurs savans anglais, animés par l’exemple qui leur était donné, se réunissaient pour doter à leur tour leur pays d’un établissement scientifique qu’on était surpris de n’y pas trouver, celui d’une société de géographie. En conséquence, une assemblée nombreuse a eu lieu à Londres, le 26 mai dernier, sous la présidence de M. John Barrow, pour accomplir un but aussi désirable. Les résolutions suivantes y ont été adoptées :

1o La société sera appelée Société géographique de Londres. — 2o Le nombre des membres ordinaires ne sera pas limité, mais le nombre des membres honoraires étrangers sera fixé ultérieurement. — 3o Aussitôt que le nombre des souscripteurs sera parvenu à trois cents, une assemblée générale sera convoquée pour nommer un président, deux vice-présidens, un trésorier, des secrétaires et un conseil, chargés de diriger les affaires de la Société et pour approuver, modifier et changer, s’il est nécessaire, les réglemens, autant qu’il sera jugé convenable pour la prospérité de l’établissement . . . . . 8o Le prix d’admission des membres sera de 3 liv. sterl., et la souscription annuelle de 2 liv. sterl. Les deux sommes pourront être compensées par le paiement une fois fait de 0 liv. sterl. ; 9o lesdites sommes seront placées dans les fonds publics pour être employées ensuite de la manière que la Société ordonnera . . . . . 13o Le commandeur, M. Konochie, est nommé secrétaire de la société.

Signé Arthur de Capell Brooke, président.

Suit une liste de 124 membres de la Société géographique de Londres, parmi lesquels on remarque les noms des hommes les plus honorables et les plus célèbres de la Grande-Bretagne.

  1. Voyez notre dernier cahier.