Acte du saint et œcuménique concile de Florence pour la réunion des Églises/Traduction

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concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome 
Traduction par Adolphe d'Avril.
Benjamin Duprat / And. Guéraud et Cie (Publication du Bulletin de l'Œuvre des pèlerinages en Terre-Sainte, t. II, n°18p. 11-16).


ACTE


DU SAINT ET ŒCUMÉNIQUE CONCILE DE FLORENCE[1].




EUGÈNE Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu.


Ad perpetuam rei memoriam :


Avec le consentement à tout ce qui est écrit ci-dessous de notre Très-Cher Fils en Jésus-Christ, Jean Paléologue, Illustre Empereur des Romains (grecs), des lieutenants de nos Vénérables Frères les Patriarches et des autres représentants de l’Église orientale ;


Que les cieux se réjouissent et que la terre tressaille[2] ! La muraille qui séparait l’Église occidentale et orientale a été renversée du milieu de nous. La paix et la concorde sont revenues, car celui qui des deux peuples n’en a fait qu’un[3], le Christ, cette pierre angulaire[4], a réuni les deux Églises par le lien puissant de la charité et de la paix, et les maintient dans une unité perpétuelle. Après un long nuage de chagrin, et après la grande et affreuse obscurité d’un dissentiment quotidien, le flambeau serein d’une union désirée par tous vient de luire. Qu’elle se réjouisse donc l’Église notre Mère, qui voit revenus à l’unité et à la paix ses fils jusqu’à présent dissidents entre eux : elle qui auparavant pleurait amèrement sur leur séparation, que maintenant avec une joie ineffable elle rende des actions de grâce au Dieu tout-puissant, à cause de leur admirable union. Que partout dans l’univers tous les fidèles se congratulent, et que tous ceux qui sont chrétiens se réjouissent avec l’Église catholique, leur Mère. Car voici que les Pères occidentaux et orientaux, après un très-long temps de discussion et de discorde, s’exposant aux dangers de la mer et de la terre, et ayant surmonté toutes les fatigues, se sont réunis, joyeux et empressés, en ce saint concile œcuménique, avec le désir d’une sainte union, et avec le désir de rétablir l’antique charité ; ils n’ont pas été frustrés dans leur intention. Car, après une longue et laborieuse enquête, éclairés enfin par la clémence du Saint-Esprit, ils ont accompli cette union très-sainte et très-désirée. Qui donc pourrait rendre des actions de grâce suffisantes au Dieu tout-puissant pour un tel bienfait ? Qui ne serait pas étourdi par les ressources de la miséricorde divine ? Quel cœur de fer ne serait pas amolli par une si grande bonté du Très-Haut ? Ce sont là des œuvres divines, qui ne sont pas dues à la faiblesse humaine ; et, par conséquent, on doit les accepter avec une vénération extraordinaire, et en louer Dieu. À Toi, la louange, à Toi, la gloire, à Toi, l’action de grâce, Christ, source des miséricordes, qui as apporté un si grand bien à ton Épouse, l’Église catholique, et qui as fait éclater, parmi notre génération, les miracles de ta bonté, pour que tous racontent tes merveilles. En effet, Dieu nous a accordé un bienfait vraiment immense, vraiment divin. Nous voyons de nos yeux ce que beaucoup avant nous ont désiré ardemment, et qu’ils n’ont pu contempler.

Donc, les latins et les grecs s’étant réunis dans ce saint concile œcuménique ont montré beaucoup de zèle, en particulier, pour discuter avec soin, et après une enquête assidue, cet article qui est relatif à la procession du Saint-Esprit. Les témoignages provenant des divines Écritures ayant été produits, ainsi que les autorités de plusieurs saints Docteurs orientaux et occidentaux, on a trouvé que quelques-uns disent que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, et d’autres que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils ; mais on a reconnu que tous avaient voulu exprimer la même doctrine sous ces définitions différentes.

De leur côté, les grecs ont déclaré qu’en disant que le Saint-Esprit procède du Père, ils n’ont pas l’intention d’exclure la procession du Fils ; mais ils ont ajouté qu’ils s’abstiendront de dire que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, parce que, dans leur idée, les latins, en formulant cette doctrine, semblent exprimer que le Saint-Esprit procède de deux principes et de deux inspirations (spirationibus, πνεύσεων).

De leur côté, les latins ont déclaré qu’en disant que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ils n’ont pas l’intention de refuser au Père d’être la source et le principe de toute déité, de celle du Saint-Esprit comme de celle du Fils ; qu’ils n’ont pas non plus l’intention de dire que le Fils ne procède pas du Père, ni de poser deux principes et deux inspirations ; mais ils ont, au contraire, déclaré, comme ils l’avaient toujours fait, qu’il n’y a qu’un seul principe et qu’une seule inspiration.

Et comme de toutes ces explications il se dégage une seule et même interprétation de la vérité, ils ont arrêté et convenu unanimement dans un même sentiment et dans un même esprit l’union suivante qui est sainte et agréable à Dieu.

En conséquence, au nom de la Sainte-Trinité, du Père, du Fils et du Saint-Esprit, avec l’approbation de ce saint concile universel de Florence, nous décidons que l’article de foi dont il s’agit, sera cru, accepté et professé par tous les chrétiens de la manière suivante :

Que le Saint-Esprit est (est, ἐστί) éternellement du Père et du Fils et tire son essence et son être du Père et en même temps du Fils, et procède éternellement de l’un et de l’autre, comme d’un seul principe et d’une inspiration unique. Nous déclarons qu’en disant que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, les saints Docteurs et Pères doivent être compris en ce sens que le Fils est tout aussi bien que le Père, selon les grecs, cause, et, selon les latins, principe de la substance du Saint-Esprit. Et parce que le Père, en engendrant son Fils unique, lui a donné tous ses attributs, excepté celui d’être lui-même le Père, cette expression que le Saint-Esprit procède du Fils signifie que le Fils de toute éternité l’a du Père, par lequel il a été lui-même engendré de toute éternité.

Nous définissons, en outre, que l’explication consistant dans les mots Filioque a été ajoutée au symbole rationnellement, licitement et à cause d’une nécessité alors impérieuse, pour déclarer la vérité.

De même que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ est contenu véritablement dans le pain de blé, aussi bien azyme que fermenté, et que les prêtres peuvent consacrer également l’un ou l’autre pain, chacun suivant l’usage de son Église occidentale ou orientale.

De même, si des hommes vraiment pénitents sont morts dans l’amour de Dieu, avant qu’ils aient racheté leurs fautes et omissions par une pénitence suffisante, leurs âmes sont purifiées après la mort par les peines du purgatoire, et pour qu’elles soient relevées de ces peines, les secours des fidèles vivants leur sont utiles, c’est-à-dire le sacrifice de la messe, les prières, les aumônes et les autres offices de piété que les fidèles ont l’usage de faire les uns pour les autres, suivant les institutions de l’Église.

Les âmes qui, après le baptême, n’ont subi aucune tache de péché, et les âmes qui, ayant subi la tache du péché, en ont été lavées, soit pendant qu’elles étaient unies au corps, soit après la mort, comme il a été dit plus haut, ces âmes, dis-je, sont reçues de suite dans le ciel et voient clairement le Dieu triple et un, mais les unes plus parfaitement que les autres, chacune selon son mérite.

De même nous définissons que le Saint-Siége apostolique et le Pontife romain exerce la primauté (tenere primatum, τό πρωτείον ϰατέχειν) dans tout l’univers ; que ce même Pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, prince des apôtres, qu’il est le véritable vicaire du Christ, le chef de toute l’Église (caput, ϰεφαλήν), le père et le docteur de tous les chrétiens, et qu’à lui, en la personne du bienheureux Pierre, Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné plein pouvoir de faire paître, de régir et de gouverner l’Église universelle, comme cela est contenu dans les actes des conciles œcuméniques et dans les sacrés canons.

Renouvelant l’ordre[5] établi dans les canons, nous définissons de la manière suivante l’ordre entre les autres vénérables Patriarches, c’est-à-dire que le Patriarche de Constantinople soit le second après le très-saint Pontife romain, le Patriarche d’Alexandrie le troisième, le Patriarche d’Antioche le quatrième, et le Patriarche de Jérusalem le cinquième, tous leurs priviléges et tous leurs droits étant d’ailleurs maintenus intacts.


Donné à Florence, en session publique synodale, tenue solennellement dans l’église de Sainte-Marie-Majeure, l’année de l’incarnation de Notre-Seigneur, 1439, le 9 juillet, l’année neuvième de notre Pontificat.


Suivent les signatures du Pape, de l’Empereur, des Légats des Patriarches, etc., etc.

  1. Le texte original se trouve en latin dans l’ouvrage intitulé : La Russie sera-t-elle catholique ? par le P. Gagarin, de la Compagnie de Jésus, Paris, Douniol, 1856, et en grec, dans le travail déjà cité de M. Pitzipios.
  2. Ce verset du Psaume xcv se chante à l’introït le jour de l’Épiphanie.
  3. Saint Paul aux Éphésiens, ch. ii, v. 14.
  4. Isaïe, ch. xxviii, v. 16, et saint Paul aux Éphésiens, ch. ii, v. 20.
  5. Cette définition a pour objet principal de reconnaître au siége de Constantinople le rang qui lui avait été contesté à plusieurs reprises. Voir à ce sujet la lettre du pape Nicolas Ier à Michel Bogoris, roi des Bulgares. (Histoire de Photius, par l’abbé Jager, 2e édition, pages 138 et 165, et Illyricum sacrum, à l’Appendix du tome VIII, Venise, 1819.)