Addition aux documents biographiques

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ADDITION

AUX DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES
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CONTRAT DE MARIAGE

DE M. DUPUITS ET DE MADEMOISELLE CORNEILLE[1]

Passé devant Me  Nicod, notaire à Gex-la-Ville, le 9 février 1763.
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L’an 1763, et le 9 février après midi, par devant moi Pierre-François Nicod, puisné, notaire royal au bailliage de Gex, demeurant à Gex-la-Ville, soussigné, et en présence des témoins ci-après nommés, sont comparus :

Pierre-Jacques-Claude Dupuits, écuyer, cornette au régiment de dragons Colonel-Général au service du roi, fils de feu M. Pierre-François Dupuits, gentilhomme de la vénerie du roi, et conseiller auditeur en la chambre des comptes de Dôle, demeurant à Macconex, et agissant de l’autorité et consentement de M. Jean-Gaspard Dupuits, son oncle et curateur, aussi ici présent, d’une part ;

Et demoiselle Marie-Françoise Corneille, fille de Jean-François Corneille, écuyer, et de dame Marie-Louise Rosset, ses père et mère, native d’Évreux, demeurant actuellement au château de Ferney, pays de Gex, auprès de messire François-Marie Arouet de Voltaire, chevalier, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et de l’Académie française, seigneur de Ferney, Tournay, Régny, Chambézy et autres places : et auprès de dame Marie-Louise Mignot, veuve de messire Nicolas-Charles Denis, écuyer, commissaire ordonnateur des guerres, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, dame de Ferney ; ladite demoiselle Corneille, mineure, agissante de l’autorité et consentement donné, par lesdits sieur et dame Corneille, ses père et mère, au mariage contracté par les présentes, comme conste par acte passé devant Dupont et ..., conseillers du roi, notaires à Paris, le 3 février de la présente année 1763, dûment scellé lesdits jour et an, qui demeure annexé au présent contrat, et avec l’agrément dudit seigneur de Voltaire et de ladite dame Denis, aussi ici présents, d’autre part ;

Lesquels sieur Dupuits et demoiselle Corneille ont promis et promettent s’unir par un légitime mariage, et de le faire célébrer et bénir incessamment en la sainte église dudit Ferney.

En considération duquel futur mariage, la demoiselle Corneille, épouse, agissante du consentement dudit seigneur de Voltaire, se constitue en dot et pour elle audit sieur Dupuits toute la somme à laquelle montera le produit, net de frais, de la nouvelle édition des œuvres d’illustre Pierre Corneille, grand-oncle paternel de la demoiselle épouse, qui se fait actuellement au profit de ladite demoiselle épouse par les soins, avec les remarques et sous les yeux dudit seigneur de Voltaire, ainsi que de toutes les souscriptions faites ou à faire pour ladite édition. Sur lequel produit net de ladite édition il sera toutefois préalablement pris, ainsi qu’il a été convenu comme une condition du présent mariage, la somme de 12,000 livres pour être employée en contrats de rente perpétuelle, au profit desdits sieur et demoiselle époux, sur les aides et gabelles ou sur tels autres fonds publics ou particuliers qu’ils choisiront, pour les arrérages de ladite rente appartenir aux sieur et dame Corneille, père et mère de la demoiselle épouse, pendant leur vie et, après la mort de l’un d’eux, au survivant jusques à sa mort, après laquelle lesdits sieurs et demoiselle époux, ou les leurs, entreront en jouissance de ladite rente. À l’effet de laquelle constitution de dot ledit seigneur de Voltaire promet de faire rendre compte sous ses bons offices aux sieurs Cramer, libraires à Genève, du produit net et des frais de ladite édition et desdites souscriptions le plus tôt possible après la vente de ladite édition, pour être ledit produit, et sous la déduction des susdites 12,000 livres, remis et délivré audit sieur époux, que la demoiselle épouse constitue son procureur irrévocable pour ce, et lequel en fera quittance et confession en faveur le ladite demoiselle épouse.

De plus, ladite demoiselle épouse, du consentement dudit seigneur de Voltaire, se constitue une rente annuelle et viagère de 1,396 livres, dont le contrat est expédié à Paris, chez Me  Delaleu, notaire, au profit dudit seigneur de Voltaire et de ladite demoiselle Corneille sur les revenus du roi, en vertu de son édit de 1760, et laquelle somme ledit seigneur de Voltaire se rend garant et promet de payer les arrérages au choix des futurs époux.

Et ledit seigneur de Voltaire veut bien constituer en dot à ladite demoiselle Corneille la somme de 20,000 livres, que ledit seigneur de Voltaire promet et s’oblige être payée après son décès à ladite demoiselle épouse, soit pour elle audit sieur époux ou aux leurs, sans intérêt toutefois jusques audit terme de paiement. Laquelle somme de 20,000 livres sera exigible tant sur l’hypothèque de la terre de la Marche en Bourgogne que sur les autres biens dudit seigneur de Voltaire.

La dame veuve Denis donne et constitue aussi en dot à ladite demoiselle Corneille la somme de 12,000 livres, qu’elle promet et s’oblige aussi être payée six mois après son décès à ladite demoiselle épouse, soit pour elle audit sieur époux ou aux leurs, sans intérêt toutefois jusques au terme du paiement ; et les héritiers dudit seigneur de Voltaire et de la dame Denis ne seront tenus à aucune garantie quelconque envers la demoiselle épouse, les siens et ayants cause, et sujets à aucun recours pour la représentation des susdites sommes de 20,000 livres et de 12,000 livres constituées en dot, dès qu’elles auront été payées par lesdits héritiers audit sieur époux.

A été déclaré et réservé par ledit seigneur de Voltaire et la dame veuve Denis que, dans le cas de mort de la demoiselle épouse avant eux, sans enfants vivants du présent mariage, ils veulent et entendent que la moitié des susdites sommes de 20,000 livres et de 12.000 livres par eux respectivement constituées, leur demeure et ne puisse être exigée, et qu’après leur mort il soit payé audit sieur Dupuits, s’il est lors vivant, l’autre moitié des susdites deux sommes pour appartenir en propre audit sieur Dupuits ; de même au cas où, par l’événement de la mort dudit seigneur de Voltaire et de la dame Denis, ou de l’un d’eux avant la demoiselle épouse, la somme constituée ci-dessus par chacun d’eux eût été payée ou exigible, et qu’ensuite la demoiselle épouse vînt à décéder sans enfants vivants du présent mariage, ledit seigneur de Voltaire et la dame Denis veulent et entendent que la moitié de la somme constituée par chacun d’eux, qui aurait été payée ou exigible, revînt aux héritiers naturels de chacun d’eux, et que l’autre moitié restât en propre audit sieur Dupuits, s’il était vivant, sinon elle reviendrait aussi et devrait être restituée aux héritiers naturels dudit seigneur de Voltaire et de dame Denis respectivement.

Déclarant encore ledit seigneur de Voltaire et ladite dame Denis, par une suite de leur affection pour lesdits sieur et demoiselle époux, que tant qu’ils jugeront à propos, ou l’un d’eux, de se tenir auprès d’eux, qu’ils veulent bien leur fournir le logement et la table et autres choses, ainsi qu’aux enfants qu’ils pourront avoir, et à leurs domestiques, gratuitement, sans qu’il puisse être exigé pour ce aucune pension desdits époux, et sans que leurs héritiers puissent faire contre lesdits sieur et demoiselle époux, ou les leurs, aucune imputation ou compensation sur les sommes constituées en dot ci-dessus.

Pour assurance de laquelle dot ledit sieur époux affecte et hypothèque en faveur de la demoiselle épouse tous ses biens présents et à venir, afin que, le cas de restitution arrivant, toutes les sommes qu’il aura reçues en vertu des constitutions dotales en capitaux faites ci-dessus à la demoiselle épouse, aux siens ou à qui de[2] riage, ou qu’il n’y en ait pas, la somme de 10,000 livres, que ledit sieur époux aura et retiendra sur les sommes constituées en dot. Laquelle somme sera toutefois réversible après le décès de l’époux aux enfants lors vivants, qui seraient nés du présent mariage, par égale part, mais à défaut d’enfants appartiendra purement et simplement audit sieur époux.

Ainsi convenu et accordé entre les parties, qui ont promis exécuter le contenu ci-dessus à peine de tous dépens, dommages et intérêts, à l’obligation de leurs biens.

Fait, lu et passé à Ferney, dans le château dudit seigneur de Voltaire, en présence de M. Louis-Gaspard Fabry, avocat à la cour, maire subdélégué de monseigneur l’intendant, et premier syndic général du tiers état du pays de Gex, et de M. Jean-François de Liessey, officier du prince souverain[3], demeurant à Paris, de présent audit Ferney, et de sieur Jean-Louis Wagnière, demeurant audit Ferney, témoins requis, qui ont signé avec ledit sieur et demoiselle époux, ledit seigneur de Voltaire, Mme  Denis, et M. Jean-Gaspard Dupuits.

Dupuits, Corneille, J.-Gaspard Dupuits, Voltaire, Mignot Denis, Dupuits, Fabry, Liessey, Wagnière, et Nicod, notaire.

Contrôlé et insinué à Gex, le 20 février 1763. Reçu 625 livres, sauf erreur.

Signé : Delachaut.



  1. Publié par M. Vayssière, dans Voltaire et le Pays de Gex ; Bourg, 1876, in-8o.
  2. Il y a ici une lacune de quelques mots.
  3. De même la désignation du prince souverain est omise.