Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Allons, douce Élégie

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 272-273).

LV[1]


 
Allons, douce Élégie, à qui dans mes beaux jours
J’ai tant fait soupirer d’inquiètes amours,
Ta voix n’est pas toujours à gémir destinée.
Près d’un lit maternel vient bénir l’hyménée.
Descendons sur ces bords dont Pomone et Cérès
Ont au Dieu de la vigne interdit les guérets,
Où la Seine, superbe au milieu de ses îles,
De ses blonds Neustriens baignant les monts fertiles,
Sous leur vaste cité qu’enrichissent ses eaux,
De l’Océan lointain appelle les vaisseaux[2].
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Déesse à l’œil timide, au front noble et serein,
Pudeur, fille du ciel, quel est-il cet humain.
Libre enfin des fureurs qu’allume un premier âge,
Qui ne préfère point au honteux esclavage
Des plaisirs qu’un remords accompagne en tous lieux
Un souris de ta bouche, un regard de tes yeux ?
Volupté vertueuse et délicate et pure !…

Mais aujourd’hui que ton règne est méconnu… tu rougis sans doute de te voir défendue par des magistrats débauchés qui traînent dans l’ordure une vieillesse flétrie.

Tout flétri de sommeil ou de veilles impures. Tacite.

  1. Édition G. de Chénier.
  2. Cette pièce fut composée à Rouen, en 1792, pendant les divers séjours qu’André y fit à cette époque (G. de Ch.)