Analyse du Kandjour/Avertissement

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Csoma de Körös
Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Tome 2p. 133-144).

ANALYSE
DU KANDJOUR
RECUEIL DES LIVRES SACRÉS DU TIBET
PAR
Alexandre CSOMA, de Körös
HONGROIS-SICLIEN, DE TRANSYLVANIE
Traduite de l’anglais et augmentée de diverses additions et remarques
PAR
M. LÉON FEER


Le vingtième volume du recueil anglo-indien intitulé Asiatic Researches, volume in-4o de 585 pages, imprimé à Calcutta en 1836, renferme quatre articles du fondateur des études tibétaines, Alexandre Csoma, de Körös, qui venait de publier (en 1834) une grammaire et un dictionnaire de la langue à laquelle il se proposait d’initier le monde savant.

Ces quatre articles sont :

I
Analyse du Dulva, pages 41-93
53 pages.
II
Notice sur la vie de Çâkya, pages 285-317
33 pages.
III
 
Analyse du Cher-phyin, du Phal chen, du Dkon-tsegs, du Do-de, du Nyang-das et du Gyut, pages 393-552
160 pages.
IV
 
Extrait des matières contenues dans le Bstan-Hgyur, pages 553-585
33 pages.
——
Total
279 pages.

Ainsi sur 585 pages que compte ce volume, les mémoires de Csoma en prennent 279, c’est-à-dire un peu moins de la moitié. Mais ces mémoires sont plus importants encore par le sujet traité que par la place occupée. En faisant connaître la vaste littérature sacrée du Tibet, Csoma jetait la lumière sur toute une partie de l’histoire de l’esprit humain encore ignorée, et qui excitait une curiosité d’autant plus vive. Non seulement il révélait ainsi un monde pour ainsi dire inconnu, mais encore il apportait un secours précieux à d’autres études dont les littératures indienne, indo-chinoise et chinoise étaient déjà ou allaient devenir l’objet. Les livres sanscrits bouddhiques dont M. Hodgson venait de retrouver au Népal d’importants fragments n’étaient que les débris d’une littérature presque perdue dont le canon sacré du Tibet était un équivalent demeuré intact ; les livres bouddhiques de la Chine, ceux de Ceylan, de Birmanie et de Siam, dont on commençait à aborder l’étude, avaient avec le même canon une parenté plus ou moins étroite, mais bien constatée : l’étude simultanée de tous ces recueils de langues diverses, d’arrangement notablement différent, mais semblables par leurs traits généraux, et provenant d’une source unique, devait gagner en force et en étendue par l’appui mutuel que ces travaux variés pourraient se prêter. Si l’on avait fait pour les livres de Ceylan, du Népal, de la Chine, ce que fit Csoma pour ceux du Tibet, l’étude du bouddhisme considéré dans son ensemble aurait fait d’étonnants progrès. Mais le travail du voyageur hongrois de Transylvanie est unique. On a bien étudié quelques livres, des fragments des autres littératures bouddhiques ; la littérature tibétaine est la seule dont nous ayons un tableau d’ensemble, un résumé complet, nécessairement un peu inégal, plus bref dans certaines parties, plus développé dans d’autres, mais nous donnant, après tout, une image exacte et fidèle. Csoma n’a pas seulement établi des jalons pour ceux qui voudraient étudier le bouddhisme tibétain, il a fourni une masse abondante di- renseignements de toute nature, ouvert un vaste répertoire, donné un fil conducteur à tous les savants qui devaient après lui s’occuper du bouddhisme, même à eux qui choisiraient la branche la plus divergente de celle qu’il avait adoptée lui-même. Quant à celle-ci et à celles qui s’en rapprochent le plus, il les a ou fondées ou puissamment fortifiées. Tous les tibétanistes, Schmidt, Schiefner, Foucaux, n’ont fait qu’entrer dans la voie qu’il leur avait tracée. Et Burnouf qui a créé avec un savoir si étendu, une intuition si profonde, une originalité si forte, une branche voisine de cette étude, celle du bouddhisme indien, est certainement bien redevable à Csoma.

Les quatre articles insérés dans ce volume XXe des Recherches asiatiques sont d’inégale importance, moins peut-être en raison de leur valeur propre qu’en raison de la nature de chacun d’eux. Le premier et le troisième tiennent l’un à l’autre et forment un tout dont l’importance est capitale. En effet, ils constituent ensemble l’analyse complète du canon sacré tibétain. Sans doute on a étudié plus à fond certaines parties de ce vaste recueil ; ce qui permet d’ajouter aux renseignements accumulés par Csoma un certain nombre de détails fort utiles. Mais on peut affirmer que ; pour l’ensemble, Csoma n’a pas été dépassé et ne le sera pas de sitôt. L’analyse du Kandjour, refaite sur nouveaux frais et d’après un plan plus vaste que celui de Csoma, suppose une capacité et une quantité de travail qu’on ne doit attendre de personne. C’est par la somme des efforts individuels qu’on complétera peu à peu l’œuvre du voyageur hongrois, dont les parties essentielles ne seront pas modifiées, et qui sera toujours le guide des travailleurs, en même temps qu’elle offre au simple amateur, désireux uniquement de se renseigner sur les résultats de la science, une lecture intéressante et instructive. On ne trouve, nulle part, sous un plus petit volume, un résumé plus fidèle et plus complet du bouddhisme et de sa littérature.

Le troisième mémoire de Csoma est une étude spéciale, l’analyse plus détaillée de deux ou trois ouvrages, notamment du Lalitavistara, celui dont le compte rendu est le plus développé dans l’analyse du Kandjour. Très important à l’époque où il a paru, ce travail est maintenant bien dépassé par la traduction que M. Foucaux a donnée du Lalitavistara. Mais il ne faut pas oublier que Csoma a été l’initiateur ; il a inspiré l’idée de ce travail et en a comme fourni la préparation. Son mémoire, qui occupe une place importante dans l’histoire des études tibétaines et bouddhiques, est encore aujourd’hui un excellent résumé.

Quant au quatrième mémoire, ils consiste en une liste des ouvrages les plus marquants de la vaste collection tibétaine extra-canonique intitulée le Tandjour. C’est ce que nous avons encore de plus complet sur ce recueil, qui compte deux cent vingt-cinq volumes et représente par conséquent le double du Kandjour augmenté du quart. Tout maigre et insuffisant qu’il est en lui-même, cet extrait d’index, vu la rareté des documents et l’étendue colossale du recueil, est d’un précieux secours.

Nous croyons pouvoir laisser de côté le deuxième mémoire de Csoma, d’autant plus que la réimpression du Lalitavistara de M. Foucaux doit faire partie des publications de M. Guimet et que nous conservons tout ce que dit Csoma de cet ouvrage dans l’analyse du Kandjour. L’index abrégé du Tandjour, malgré sa sécheresse, nous semble devoir être retenu ; nous le donnerons en appendice. Mais l’objet principal de la présente publication est la traduction de l’analyse du Kandjour. C’est à cette analyse que le vingtième volume des Asiatic Researches doit d’être devenu le plus précieux de la collection. Elle ne se trouve nulle part ailleurs ; elle n’a été traduite dans aucune langue ni réimprimée en aucun lieu, soit à part soit dans un recueil quelconque : ce qui fait qu’elle est maintenant presque introuvable. Il était donc bien nécessaire de rendre accessible aux lecteurs le grand travail de Csoma, et, puisque cette publication se fait en France par des Français, il est juste, quoique la langue anglaise ne doive pas embarrasser les personnes qui entreprendraient cette lecture, de la donner en français. C’est donc une traduction française de l’analyse de Csoma que nous offrons au public. Mais les travaux faits depuis 1836 sont assez nombreux et ont donné assez de résultats pour que la reproduction pure et simple du travail de Csoma ne paraisse pas suffisante. Il nous faut donc entrer dans quelques détails sur le plan d’après lequel nous avons conçu cette publication.

Disons d’abord qu’il existe deux recensions ou éditions du Kandjour, qui ne diffèrent que par l’ordre et l’arrangement des matières. Mais nous ne croyons pas devoir insister sur celle, que Csoma n’a pas eue à sa disposition, qu’il a peut-être connue, mais dont il ne parle pas d’une manière expresse. Elle a été de la part de Schmidt, l’éminent mongoliste et tibétaniste de Saint-Pétersbourg, l’objet d’un important travail plus difficile à trouver que celui de Csoma, et dont les tibétanistes seuls peuvent tirer parti : il est en quelque sorte fermé au grand public que nous ne fatiguerons pas en lui en parlant longuement. L’édition dont Csoma a fait usage pour son analyse est plus répandue, plus populaire : c’est celle dont la Bibliothèque Nationale à Paris et la bibliothèque de l’India Office à Londres possèdent chacune un exemplaire. Elle compte exactement cent volumes répartis inégalement entre sept sections, savoir :


III .... 13 volumes. 277 ouvrages ou recueils.
III .... 21 223 ouvrages distincts.
III .... I 6 245 chapitres d’un seul ouvrage[1].
IV .... I 6 244 ouvrages.
IV .... 30 270 ouvrages.
VI .... I 2 271 ouvrage.
VII ....22 299 ouvrages distincts[2].
——
——
100 volumes.
689 ouvrages.

Il y a donc près de sept cents ouvrages de toute grandeur, depuis le plus court, réduit à une seule lettre, jusqu’au plus étendu, qui occupe six volumes et 2272 feuillets. Tous ces ouvrages sont, à très peu d’exceptions près, traduits du sanscrit, et les titres sont en général reproduits dans la langue du texte original et en tibétain.

Csoma, après avoir donné quelques renseignements généraux sur l’ensemble de la collection, passe successivement en revue les sept sections, donnant en sanscrit, en tibétain, en anglais les titres des ouvrages qu’elles renferment, faisant ordinairement suivre ces titres d’analyses plus ou moins détaillées de ces ouvrages, indiquant même les numéros des feuillets occupés par chacun d’eux et parfois ceux où figure tel ou tel passage saillant qui a été jugé digne d’être signalé. Pour la première section, qui a un caractère plus spécialement historique, il donne une analyse suivie de la plus grande portion, notant les points essentiels, racontant avec détails quelques épisodes, et ajoutant à tous ces renseignements l’indication des folios du volume où le lecteur peut en aller chercher la confirmation dans le texte original. Le travail de Csoma, si complet qu’il soit en lui-même, nous a paru pouvoir être utilement agrandi et développé :

1o Par une liste alphabétique des six cent quatre-vingt-neuf ouvrages dont il nous fournit les titres,

2o Par une liste alphabétique des noms de personnages et de lieux cités dans l’analyse,

3o Par des rectifications ou des additions que motivent et justifient les résultats acquis par suite des travaux effectués depuis Csoma.

Ces trois parties me paraissent également nécessaires : la difficulté est de savoir sous quelle forme et de quelle manière il convient de les présenter.

Pour commencer par la liste alphabétique no 1, il serait intéressant de reproduire sous chaque titre d’ouvrage, les renseignements fournis par Csoma et de consigner à la suite de ceux-ci les résultats connus depuis ; mais ce procédé aurait le double inconvénient de répéter ce qui se trouve déjà dans l’analyse, et d’obliger le lecteur de recourir sans cesse de l’analyse à la table. Il nous a donc paru préférable, après bien des tergiversations, de mettre les données nouvelles dans le corps même du travail de Csoma, à la place qui leur convient, en les distinguant par des procédés typographiques, de manière que le lecteur puisse voir du premier coup d’œil ce qui est de Csoma et ce qui est de son traducteur et continuateur. La liste alphabétique no 1 se réduit alors aux titres des ouvrages accompagnés de mentions très brèves.

Quant aux rectifications dont le travail de Csoma serait susceptible, elles sont au fond assez peu nombreuses et, en général, de peu d’importance ; malgré cela, elles auraient pour effet de dénaturer le texte ou de le surcharger de notes ; il nous a semblé que le mieux était de les réduire au minimum. Nous avons donc fait très peu de corrections ; les plus importantes trouveront place dans les articles additionnels ou dans quelques notes aussi peu multipliées que possible. Pour le titre des ouvrages du Kandjour dont la traduction comporterait une bonne partie des modifications dont nous parlerons, nous les ferons au moyen de la liste alphabétique no 1 ; cette liste fournira la traduction de ces titres telle que nous la proposons ; les titres donnés dans l’analyse reproduisent l’interprétation de Csoma. Par ce moyen, il n’y aura pas de confusion possible ; l’œuvre de Csoma reste intacte, et les modifications suggérées par des études ultérieures ne sont pas perdues.

Il nous reste à donner des explications sur la transcription des termes sanscrits et tibétains. Csoma les a tous transcrits ; il donne à la vérité les mots tibétains en caractère indigènes, et nous avons suivi son exemple : il eût pu, à la rigueur, s’en passer, car il n’en est pas un dont il ne donne en même temps la transcription. Pour le sanscrit, il transcrit toujours et s’abstient d’employer les caractères indigènes ; enfin il donne rarement le tibétain sans placer à côté l’original sanscrit, et souvent à la suite d’un mot sanscrit il indique l’équivalent tibétain. On peut même dire qu’il a été dans cette voie plus loin qu’il n’était nécessaire ; car il donne souvent, dans une partie avancée de son travail, ces équivalents pour des noms qui se sont déjà présentés bien souvent ; mais la nouveauté du sujet excusait, peut-être même justifiait les répétitions. Ces motifs n’existent plus ; toutefois nous avons cru devoir suivre Csoma, mais en modifiant la transcription, ce sur quoi nous nous expliquerons tout à l’heure ; nous dirons seulement maintenant que la liste alphabétique no 1 contient uniquement les titres sanscrits originaux des ouvrages. Il était en effet bien inutile de répéter les titres tibétains ; nous nous sommes borné à mettre à la suite une petite liste des titres tibétains dont l’original sanscrit est inconnu.

Cette liste complémentaire des titres tibétains non transcrits n’est pas la seule que nous ayons ajoutée à la liste no 1. Nous avons groupé une portion des ouvrages qui la composent sous des rubriques diverses selon leur nature ou selon certaines indications contenues dans les titres. Il en résulte plusieurs classifications qui nous paraissent présenter un certain intérêt et que nous croyons propres à servir d’appendices à la liste principale.

La liste no 2 ne devrait contenir que des noms sanscrits ; car tous les noms propres qu’on rencontre dans le Kandjour sont des traductions de noms sanscrits. Seulement ces noms originaux ne sont pas tous connus ; il est vrai qu’on peut toujours, ou du moins presque toujours, restituer la forme sanscrite d’un nom tibétain donné ; mais cette restitution est, dans bien des cas, douteuse. Or nous n’avons cru pouvoir nous la permettre que dans ceux où elle est certaine. Il en résulte que cette liste présente un mélange assez singulier de noms sanscrits et de noms tibétains, inconvénient fâcheux, mais inévitable, et que nous avons cru devoir préférer à celui d’une double liste. Nous avons même pensé qu’il convenait de ne pas écarter les noms tibétains, même lorsqu’il était possible de le faire. Nous donnons donc les noms tibétains connus, mais en renvoyant aux noms sanscrits originaux sous lesquels on trouvera les renseignements cherchés. Ainsi les mots Ri-rab, Ma-drospa, reviennent fréquemment dans l’analyse ; nous les donnons dans notre liste, mais en renvoyant pour Ri-rab à Meru, pour Ma-dros-pa à Anavatapta ; et c’est sous les mots Anavatapta et Meru qu’on trouvera ce que Csoma nous apprend sur Madros-pa et Ri-rab.

Dans quel ordre faut-il ranger ces mots étrangers, et d’abord les mots tibétains, qui sont les plus bizarres ? Csoma a imaginé de distinguer par l’impression certaines lettres initiales qu’on ne fait pas sentir dans la prononciation ; et nous avons suivi son exemple, malgré les difficultés typographiques qui eu résultent. Ce n’est pourtant pas que l’avantage de ce système soit en réalité aussi grand qu’on pourrait le croire ; car on n’en est pas beaucoup plus éclairé sur la prononciation. En lisant dans Csoma le mot tibétain bkra, on croit qu’il suffit de prononcer kra. Nullement : le mot s’articule ta, et l’on ne peut véritablement en figurer la prononciation qu’en changeant toutes les consonnes. Cependant il est certain que le b ne se prononce pas, et d’ailleurs il y a, par des raisons grammaticales que nous n’avons pas à expliquer ici, un avantage réel à imiter le procédé de Csoma. La conclusion à tirer naturellement de là, c’est que les lettres initiales imprimées différemment ne devraient pas compter, et que le mot bkra devrait se trouver non au B, mais au K. Les dictionnaires tibétains sont faits selon ce système : mais Csoma, en faisant le sien, ne s’y est pas conformé et il y a rangé les mots dans l’ordre où les mettrait un auteur qui ignorerait la valeur des lettres initiales muettes. C’est aussi l’ordre que nous avons adopté, non pas à cause du dictionnaire de Csoma, mais parce que notre table des noms propres doit pouvoir être et sera consultée par des lecteurs étrangers au tibétain, qui, pour trouver un nom, le chercheront naturellement à la lettre par laquelle il commence.

Pour les noms sanscrits, il n’existe pas de difficulté de ce genre ; le sanscrit ignore les lettres muettes initiales, et la proportion des noms sanscrits de notre liste dépasse de beaucoup celles des noms tibétains. Tous ces mots, sanscrits et tibétains, se présentent, dans cette liste, selon l’ordre des lettres de notre alphabet, et non de l’alphabet sanscrit ou tibétain, entièrement différent du nôtre. Si notre travail était destiné aux savants exclusivement, nous serions bien obligé de suivre l’ordre des alphabets indigènes ; mais, comme nous voulons que les personnes les plus étrangères aux études indiennes puissent en profiter, il nous est impossible d’adopter un autre ordre que celui de notre alphabet. Ainsi a fait Childers dans son dictionnaire pâli : je le lui ai reproché, en ajoutant toutefois que l’adoption de cet ordre se justifiait si, dans la pensée de l’auteur, son travail devait servir non pas seulement aux indianistes, mais à toute personne désireuse d’y trouver des renseignements sur le bouddhisme. Maintenant je me vois dans la nécessité de demander pour moi-même le bénéfice de l’excuse par laquelle j’ai atténué ma critique de l’ordre alphabétique suivi par Childers dans son dictionnaire.

Mais alors je suis obligé de faire connaître la valeur que je donne à nos lettres, d’autant plus que je me suis écarté notablement sur ce point de mon auteur. Tandis qu’il écrit Ushnisha, — Chatur, — pariprichch’ha, — j’écris Uṣniṣa, — Catur, — paripṛccha. Je ne puis donner ici la théorie et le système de ma transcription ; je dirai seulement qu’elle est fondée essentiellement sur deux principes : ne rendre un signe indigène que par un signe romain, — donner à nos lettres des valeurs qu’elles n’ont pas toujours dans notre langue, mais qu’elles ont dans quelqu’une des langues européennes. Les dérogations à ces deux règles sont motivées par des impossibilités absolues ou par la nécessité de créer des caractères nouveaux : Voici, du reste, notre alphabet :

a, â, se prononcent a (tache) à (tâche)
b, bh[3], b
c, ch, tch
ç, se prononce ch faiblement.
d, dh, se prononcent d.
[4], ḍh, se prononcent d.
e, se prononce ê
f, ne s’emploie pas.
g, se prononce dur (garde, guerre, guide, gomme).
gh, comme ci-dessus.
h, h (haine).
i, î, se prononcent i.
j, se prononce dj.
ĵ, j.
k, kh. k.
l, m. l, m.
ṃ,
se prononce en général d’une façon nasale comme l’n de chanter.
n, ṇ, se prononcent n.
ñ, gn (gne).
ng, nng avec g dur.
o, se prononce o.
p, ph, se prononcent p.
q, ne s’emploit pas.
r, se prononce r.
ṛ, ri avec i très faible.
s, ç, jamais z.
ṣ, ch fort.
t, se prononcent t.
ts, et ts, ts.
u, se prononce ou.
v, v.
w = v
ou w anglais (très rare, propre au tibétain.
x, se prononce kch.
y, i.
z, dz se prononce z, dz.
: ne se prononce pas et est analogue à notre s final dans les amis, les hommes, les biens (spécial au sanscrit).[5]

D’après cela, Axayamati-paripṛccha se prononcera : Akchayamati-paripritcha.

Prajña-vardhani-Dhâranî se prononcera Pradjgnâ-vardanî-dâranî.

Aṣṭa-Çatakam se prononcera Achta-çatakam.

Brahma-viçesa-cinti se prononcera : Brama-viçecha-tchinti.
Chos-bcu-pa se lira : Tchos-tchou-pa.
Bkra- çis-chen-pohi-mdo se lira Kra-chis-tchenn-pohi-do.
Nam-mkahi-sñing-po se lira Nam-kahi-gning-po.
Tsigs-su-hcad-pa-h-i-pa se lira Tsigsou-tchad-pa-ji-pa.

Nous savons bien que, malgré toutes ces explications, notre transcription paraîtra bizarre aux personnes qui ne sont pas familiarisées avec elle ; mais c’est là une difficulté insurmontable. Si nous voulions écrire les mots tibétains et sanscrits en conservant aux lettres la valeur qu’elles ont en français, nous arriverions à des monstruosités. Il vaut mieux simplifier autant que possible ; voilà pourquoi nous écrivons paripṛccha ce que Csoma écrit pariprichch’ha et Burnouf paripritchtchha.

Sauf ces modifications orthographiques, les additions signalées plus haut, la disposition particulière donnée dans l’analyse à certaines énumérations de manière à frapper l’œil du lecteur pour rendre les diverses parties du tableau plus sensibles, sauf enfin l’abréviation de certaines phrases stéréotypées placées en tête des comptes rendus de divers volumes des sections VI et VII, nous avons reproduit exactement l’œuvre de Csoma. Le lecteur, en se reportant au vingtième volume des Asiatic Researches, pourra se convaincre que les légères modifications que nous nous sommes permises n’altèrent en rien l’œuvre du voyageur hongrois, et pour faciliter le contrôle, nous mettons en marge de notre traduction les numéros des pages de l’original. En résumé notre publication se compose :

1o De la traduction entière et fidèle de l’analyse du Kandjour avec certaines additions du traducteur soigneusement distinguées du travail de l’auteur ;

2o D’une table alphabétique des titres sanscrits des ouvrages du Kandjour, avec traduction nouvelle de ces titres, indications sommaires et renvois aux volumes du Kandjour d’après Csoma[6] ;

3o D’une liste de noms propres cités dans l’analyse du Kandjour avec mention des détails qui s’y rapportent et renvois aux volumes du Kandjour d’après Csoma.

Les articles portant les numéros 2 et 3 ne sont pas du tout l’œuvre de Csoma ; mais ils ont pour base le travail de ce savant voyageur sans lequel ils n’auraient pu être faits.

Ces trois divisions sont suivies d’une quatrième comprenant des traductions de certaines portions du Kandjour ; mais on peut la considérer comme formant une section à part.

  1. Cet ouvrage compte 2272 feuillets ; nous en considérons les divers chapitres comme autant d’ouvrages distincts.
  2. Quelques menus ouvrages ont été omis de même que dans la section V. Les chiffres ne sont donc pas d’une exactitude rigoureuse ; mais on peut les considérer comme représentant avec une approximation très suffisante le nombre des récits réunis dans le Kandjour.
  3. h suivant immédiatement une consonne y ajoute une aspiration étrangère à nos habitudes.
  4. Les points sous certaines lettres indiquent une modification de prononciation étrangère à nos habitudes.
  5. : représente une légère aspiration au lieu de h, dans les mots tibétains seulement ; c’est à peu près comme l’esprit doux grec.
  6. Cette taille est complétée par quelques listes spéciales plus restreintes dans lesquelles divers ouvrages sont groupés diversement d’après certains caractères communs.