Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/14

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Texte établi par Jean HervezBibliothèque des curieux (éditions Briffaut) (p. 83-86).

Bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE XIV

TUMULTE QUI ARRIVE DANS LE CAMP DES
ALLIÉS


Separateur-7-Vaguelettes orienté bas
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Tandis que les soldats exposaient leur vie, les généraux s’occupaient à quelque chose de plus amusant. On donna dans le camp des alliés un magnifique repas à l’occasion de la fête de Termobanel, général des Omines ; rien de tout ce qui peut contribuer à la bonne chère ne fut épargné. Les plus habiles cuisiniers d’entre les Macres firent connaître qu’ils portaient leur art jusqu’à la perfection. Pendant le festin on ne songea qu’à bien se réjouir. Les Nicomidains juraient, les Lidercores chantaient ; les Todéves médisaient, les Caginiens méditaient la destruction de quelque royaume et le meurtre de quelque monarque : chacun suivait son penchant. Tout allait le mieux du monde, quand la Discorde vint apporter le trouble dans les lieux consacrés aux plaisirs. On fut sur le point de voir se renouveler les combats des Centaures et des Lapites. Un Lidercore, pris de vin, attaqua une Todéve. Celle-ci, qu’on n’insultait pas impunément, répondit avec vivacité. Des paroles on en vient bientôt aux mains. Cependant, comme le lieu n’était pas propre à vider une querelle, on se donna un rendez-vous. Les deux champions se levaient déjà pour se transporter sur le champ de bataille. Un Cerutedir qui avait été témoin de la dispute, voulut en empêcher les suites ; il arrête l’impétueux Omine et lui dit d’un ton impérieux qu’il eût à modérer ses emportements.

Le Lidercore fit sentir par une action très expressive combien son discours lui déplaisait. Aussitôt tous les convives sont en rumeur. Chacun prend parti dans la dispute, les ustensiles de Comus furent changés en autant d’instruments du dieu Mars. Cela veut dire en bon français et sans aucun style figuré ni poétique, qu’on prit pour armes tout ce qui se trouva sur la table. On se saisit des plats et des assiettes, bientôt on les voit voltiger en l’air avec une active rapidité ; tout se mêle, tout se confond ; les coups sont portés au hasard, mais toujours assénés avec vigueur. Termobanel, le brave Termobanel fait des prodiges de valeur. Il empoigne une cruche pleine de vin et la brise sur la tête de l’auteur de tout ce désordre ; le blessé, plus sensible à la perte de la liqueur bachique qu’à l’effusion de son sang, prétend s’en venger sur un Pacicnu. Il lui arrache impitoyablement la moustache et la foule aux pieds. Le malheureux Omine épilé frémit de rage en se voyant dépouillé de son plus bel ornement.

Les Todéves, au défaut d’armes meurtrières, se servent de leurs dents et de leurs ongles, elles mordent, elles déchirent, elles égratignent, et laissent sur tous les visages de sanglantes traces de leur rage et de leur fureur.

Les choses auraient été poussées plus loin si un Caginien, par son éloquence, n’eut arrêté les effets de cette funeste division. Peu à peu il calma les esprits. On sépara les combattants, qui en furent quittes pour quelques contusions, égratignures et écorchures. De peur que la dispute ne vînt à se renouveler, Kulisber ordonne qu’on se retire. La plupart eurent bien de la peine à traîner leurs corps chancelants jusque dans leurs tentes. Il y en eut même plusieurs que le sommeil surprit avant qu’ils pussent arriver chez eux.


Vignette de fin de chapitre
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