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Année des dames/2/28 juillet

La bibliothèque libre.
Crevot, libraire (2p. 37-39).

28 juillet. — Mme BOUQUET.

Madame Bouquet, belle-sœur du député Guadet, s’était retirée dans une maison de campagne, auprès de Bordeaux, où elle se livrait à son goût pour la bienfaisance. Après les proscriptions du 31 mai 1793, plusieurs députés de la Gironde, proscrits et fugitifs, erraient sans asyle, car alors une loi infâme faisait de l’hospitalité un crime d’état. Guadet, connaissant les douces vertus de sa belle-sœur, conduisit chez elle quatre députés poursuivis comme lui. Elle les reçut avec empressement. — Que tous les malheureux viennent ici, s’écria-t-elle, je ne crains que pour eux et non pour moi… Elle les logea dans un souterrain profond, où elle leur porta tous les jours à manger. Tout était extrêmement rare et cher. On ne délivrait à Mme Bouquet qu’une livre de pain par jour ; mais elle y joignait des haricots et des pommes de terre, dont elle avait fait une provision secrète. Ses hôtes ne se levaient qu’à midi, pour ne faire qu’un repas ; et elle mangeait très-peu pour leur laisser davantage. Au bout d’un mois de soins si généreux, Guadet fut arrêté dans sa maison ; les autres députés, forcés de quitter leur retraite, périrent bientôt. Elle fut traînée elle-même dans les prisons de Bordeaux, et interrogée sur ses crimes politiques : — Si l’humanité, si les liens du sang sont des crimes, dit-elle, tous les vrais Français méritent la mort… Le tribunal la condamna à porter sa tête sur l’échafaud ; et cette tête, qui n’avait médité que le bien, tomba le 28 juillet 1793.