Annales de l’Empire/Édition Garnier/Conrad Ier

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CONRAD Ier,
dixième empereur.

Les seigneurs germains s’assemblent à Vorms pour élire un roi. Ces seigneurs étaient tous ceux qui, ayant le plus d’intérêt à choisir un prince selon leur goût, avaient assez de pouvoir et assez de crédit pour se mettre au rang des électeurs. On ne reconnaissait guère dans ce siècle le droit d’hérédité en Europe. Les élections, ou libres ou forcées, prévalaient presque partout ; témoin celles d’Arnoud en Germanie, de Gui de Spolette, et de Bérenger en Italie, de don Sanche en Aragon, d’Eudes, de Robert, de Raoul, de Hugues Capet en France, et des empereurs de Constantinople : car tant de vassaux, tant de princes, voulaient avoir le droit de choisir un chef, et l’espérance de pouvoir l’être.

On prétend qu’Othon, duc de la nouvelle Saxe, fut choisi par la diète, mais que, se voyant trop vieux, il proposa lui-même Conrad, duc de Franconie, son ennemi, parce qu’il le croyait digne du trône. Cette action n’est guère dans l’esprit de ces temps presque sauvages. On y voit de l’ambition, de la fourberie, du courage, comme dans tous les autres siècles ; mais, à commencer par Clovis, on ne voit pas une action de magnanimité.

Conrad ne fut jamais reconnu empereur ni en Italie ni en France. Les Germains seuls, accoutumés à voir des empereurs dans leurs rois depuis Charlemagne, lui donnèrent, dit-on, ce titre.

Depuis 913 jusqu’à 919. Le règne de Conrad ne change rien à l’état où il a trouvé l’Allemagne. Il a des guerres contre ses vassaux, et particulièrement contre le fils de ce duc de Saxe auquel on a dit qu’il devait la couronne.

Les Hongrois font toujours la guerre à l’Allemagne, et on n’est occupé qu’à les repousser. Les Français, pendant ce temps, s’emparent de la Lorraine. Si Charles le Simple avait fait cette conquête, il ne méritait pas le nom de Simple ; mais il avait des ministres et des généraux qui ne l’étaient pas. Il crée un duc de Lorraine.

Les évêques d’Allemagne s’affermissent dans la possession de leurs fiefs ; Conrad meurt en 919[1] dans la petite ville de Veilbourg. On prétend qu’avant sa mort il désigna Henri duc de Saxe pour son successeur, au préjudice de son propre frère. Il n’est guère vraisemblable qu’il eût cru être en droit de se choisir un successeur, ni qu’il eût choisi son ennemi.

Le nom de ce prétendu empereur fut ignoré en Italie pendant son règne. La Lombardie était en proie aux divisions ; Rome, aux plus horribles scandales, et Naples et Sicile, aux dévastations des Sarrasins.

C’est dans ce temps que la prostituée Théodora plaçait à Rome sur le trône de l’Église Jean X, non moins prostitué qu’elle.


  1. Le 23 décembre 913, selon Voltaire, dans le Catalogue des empereurs, et selon l’Art de vérifier les dates, qui cite Quedlimbourg au lieu de Weilbourg. (Cl.)