Recherche systématique des formules les plus propres à calculer les logarithmes/02

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ANALISE INDÉTERMINÉE.


Recherche systématique des formules les plus propres
à calculer les Logarithmes.
Par M. Thomas Lavernède.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
SECONDE PARTIE
Application des équations obtenues dans la première partie.

38. Nous avons cherché, dans la première partie de ce mémoire, à obtenir des équations qui, ne différant entre elles que par leur dernier terme, eussent des racines commensurables. Ces racines sont, dans toutes celles auxquelles nous sommes parvenus, exprimées d’une manière générale en fonctions d’une ou de plusieurs indéterminées, et, lorsqu’on substitue à ces indéterminées des nombres rationnels, on arrive à des équations numériques qui jouissent des mêmes propriétés que les équations littérales. On trouve cependant quelquefois, par la substitution, des équations numériques qui ne satisfont pas aux conditions prescrites. Lorsque cela a lieu, les deux équations ont, l’une et l’autre, une ou plusieurs racines égales à zéro. Cette circonstance, qui dépend des nombres substitués, est, comme nous l’avons démontré (n.o 24), incompatible avec la nature de nos équations ; mais on peut aisément l’éviter par la considération des différens facteurs qui entrent dans les racines. Ainsi nous pourrons toujours, à l’aide des équations générales, obtenir des équations numériques jouissant des propriétés qui ont fait l’objet de nos recherches.

Il est évident, ainsi que nous l’avons déjà fait observer, que les premiers membres de ces équations sont des polynômes qu’on peut substituer à et dans l’équation :

pour avoir des formules logarithmiques de la forme B (n.o 2). Mais alors, d’après les remarques du n.o 3, il est nécessaire, pour que ces formules soient aussi convergentes qu’elles peuvent l’être, de faire en sorte que la différence entre les derniers termes soit aussi petite que possible, sans nuire à la forme de ces polynômes. Cela exige un choix dans les valeurs à donner aux indéterminées qui entrent dans les expressions des racines de nos équations. On trouvera ces valeurs indiquées dans les numéros suivans qui renferment les formules logarithmiques les plus avantageuses qu’il soit possible de déduire des résultats auxquels nous sommes parvenus dans la première partie.

39. 1.re formule. Si on prend l’équation du second degré :

dont la résultante est , en faisant ,

il viendra :

et l’équation donnera la formule connue :

40. 2.me formule. Si on suppose dans les équations (n.o 29), on aura :

et

ou

et

faisant ensuite :

et

il viendra :

et l’équation donnera :

Cette formule se trouve dans la préface des tables trigonométriques décimales de M. de Borda.

Les équations

et

ou

et

qu’on obtient en faisant dans les équations D (n.o 9), ou dans les équations E (n.o 10), ne sont autre chose que des transformées de celles qui donnent la formule précédente (voy. n.o 25 ), et elles en fournissent une équivalente, M. Muller, dans son Traité des fluentes, n.o 225[1], propose, pour calculer les logarithmes, la fraction . Dans l’exemple qu’il donne, il fait , et a la fraction . Il calcule le logarithme de cette fraction, et conclut ensuite :

41. 3.me formule. Si on suppose dans les équations I (n.o 14), on aura les suivantes :

et

ou

et

faisant ensuite :

et

il viendra :

et l’équation donnera :

Cette formule a été trouvée par M. Haros, employé aux bureaux du cadastre[2].

42. 4.me formule. Si on suppose dans les équations K (n.o 14), on aura les suivantes ;

et

ou

et

faisant ensuite :

et

il viendra :

et l’équation donnera :

Cette formule est plus convergente que la précédente, et ne fait dépendre le logarithme cherché que de cinq autres logarithmes.

43. Il est facile de déduire les équations numériques qui donnent les deux dernières formules des équations (n.o 34). On peut avoir, les premières, en faisant ; et les secondes, en faisant , et divisant ensuite toutes les racines par 2.

En supposant, dans les équations , et divisant ensuite toutes les racines par 6, on trouve les équations :

et

ou

et

qui donnent une formule logarithmique moins avantageuse que les deux précédentes, mais qui peut encore être utile.

44. 5.me formule. Si on suppose dans les équations (n.o 36), on aura, après avoir divisé toutes les racines par 2, les équations numériques suivantes :

et

ou

et

faisant ensuite :

et

il viendra :

et l’équation donnera :

45. 6.me formule. Si, dans les mêmes équations (n.o 36), on suppose , on aura les suivantes :

et

ou

et

faisant ensuite :

et

il viendra :

et l’équation donnera :

46. 7.me formule. Si on suppose dans les équations (n.o 29), ou dans les premières équations du n.o 33, on aura les suivantes :


et


ou


et


faisant ensuite :


et


il viendra :

et l’équation donnera :

47. Les formules comprises dans les numéros précédens peuvent toutes être employées d’une manière avantageuse, relativement au degré d’exactitude qu’on désire dans le résultat, et exigent des calculs de même genre. Dans ce qui va suivre, nous ne donnerons des applications que d’une seule, ce que nous dirons de celle-ci pouvant servir à conclure par analogie ce qu’il y aurait à dire sur chacune des autres. Nous choisirons de préférence, pour ces applications, la formule du numéro précédent, qui est du sixième degré, parce qu’elle est la plus convergente.

48. Pour donner une idée complète de l’application de la formule :

supposons qu’on veuille, indépendamment de tout ce qui a été publié jusqu’ici, et par son moyen, calculer des tables de logarithmes suivant le système de Briggs ; la difficulté qu’on rencontrera est celle dont nous avons parlé dans le n.o 3. Il faudrait, pour pouvoir calculer le logarithme de l’un des nombres , que ceux des autres fussent donnés, et, d’après l’hypothèse, aucun logarithme n’est censé connu. On remédie en général à cet inconvénient, lorsqu’on emploie des formules du genre de la précédente, en substituant successivement à différentes valeurs, jusqu’à ce qu’on obtienne au moins un nombre d’équations, dans lesquelles il n’entre que les logarithmes de nombres premiers ; et, au moyen de ces équations, on détermine ensuite la valeur de chacun de ces logarithmes. Si, par exemple, on met successivement à la place de , dans la formule les nombres on aura les équations :

Ces dix équations ne renferment que les logarithmes des huit premiers nombres simples  ; et, comme on n’a besoin que de huit équations pour déterminer huit inconnues, il est clair (le logarithme de 5 n’entrant que dans deux équations ) qu’on en déduira quarante-quatre systèmes de huit équations, qui pourront tous servir à trouver les valeurs de ces logarithmes. De tous ces systèmes, celui des huit dernières étant le plus avantageux, parce qu’il contient les séries les plus convergentes, prenons ces huit équations et faisons, pour abréger :

nous aurons :

équations qui, étant résolues suivant les règles ordinaires, donnent :

En calculant d’abord ces huit valeurs dans la supposition de M=1, et ajoutant ensuite celles des logarithmes de 2 et de 5, on aura le logarithrne Népérien de 10 ; le quotient de l’unité divisée par ce logarithme, sera le module des tables, et, en multipliant les valeurs trouvées par ce module, on parviendra aux valeurs des logarithmes tabulaires des huit premiers nombres simples. Dès-lors les logarithmes de tous les nombres, depuis 1 jusqu’à 22 inclusivement, pourront être déterminés ; et on trouvera ensuite successivement les logarithmes de tous les nombres premiers, sans que rien puisse gêner dans l’application de la formule. Pour avoir, par exemple, le logarithme de 23, on pourra faire :

et on aura :

ou

On parvient encore à des équations qui donnent le logarithme de 23, sans employer des logarithmes des nombres premiers plus grands que 23, en faisant :

et même cette dernière hypothèse est la plus avantageuse. En général, on peut faire le nombre dont on demande le logarithme, égal à l’une quelconque des quantitéspourvu qu’aucune des autres ne devienne par là un nombre premier ou un multiple d’un nombre premier dont le logarithme soit inconnu. Le tableau suivant présente toutes les valeurs moindres que 1000, qu’il est possible de substituer à x dans la formule, pour avoir des équations qui donnent le logarithme d’un nombre premier p, plus petit que 100, sans qu’il soit besoin de connaître le logarithme d’aucun nombre premier plus grand que p.

49. Le moyen employé dans le numéro précédent pour avoir les logarithmes des huit premiers nombres simples, pourrait également servir pour trouver un plus grand nombre de logarithmes, c’est-à-dire qu’on pourrait établir, par un plus grand nombre d’équations, les rapports qui existent entre un plus grand nombre de logarithmes, et déduire ensuite de ces équations les valeurs particulières de chacun d’eux. Nous allons donner ici vingt-cinq équations entre les vingt-cinq logarithmes des nombres premiers plus petits que 100. Elles pourront servir à déterminer ces logarithmes au moyen de séries très-convergentes, et dont les termes n’ont que l’unité pour numérateur, condition très-avantageuse pour la simplicité du calcul. Il faut, pour les obtenir, substituer successivement à , dans la formule U, les nombres suivans :

Équations.

La convergence des séries contenues dans ces équations est telle, que le cinquième terme de la première, qui est la moins rapide, n’influe que sur le 61.me chiffre décimal, et le troisième terme de la dernière sur le 65.me.

C’est par des moyens bien plus pénibles, qu’Abraham Sharp a calculé avec 61 chiffres décimaux, 1.o les logarithmes de tous les nombres plus petits que 100, 2.o les logarithmes de tous les nombres premiers depuis 100 jusqu’à 1100, 3.o les logarithmes des quarante-un nombres compris depuis 999980 jusqu’à 1000020 inclusivement.

50. Après avoir montré, dans ce qui précède, comment on pourrait construire des tables de logarithmes à l’aide de la formule il nous reste à donner un exemple des calculs qu’exigerait ce travail. Pour cela, supposons que, les logarithmes de tous les nombres premiers depuis 1 jusqu’à 1100 étant connus, on demande celui de 1297. En faisant , nous aurons  ; et la formule (en se

bornant au seul premier terme de la série ) donnera :

Or, dans cette équation, les logarithmes des nombres et sont donnés par l’hypothèse, puisqu’on a et . Il ne reste donc plus qu’à évaluer en décimales la fraction ; après quoi l’opération sera réduite à de simples additions. En procédant à cette évaluation, on trouve d’abord  ; puis , et enfin,



On achève ensuite le calcul comme on le voit ici :

Résultat exact jusques au 45.me chiffre inclusivement, et qui surpasse la vraie valeur du logarithme cherché de

ainsi qu’il est facile de le vérifier en observant que

, et que ces trois derniers logarithmes sont au nombre de ceux qui ont été calculés par Sharp.

51. Il est bon de remarquer que la fraction

est toujours réductible. En effet, elle peut toujours être mise sous l’une ou l’autre des deux formes suivantes ;

et

Or, quelle que soit celle sous laquelle on la considère, on voit aisément que, 1.o ses deux termes sont divisibles par 4 ou 16 ou 32, quand x est de la forme ou ou , et qu’ils sont toujours divisibles par 32, lorsque x est un nombre impair ou de la forme  ; car alors les deux nombres et deviennent pairs, et leur différence étant 14, ou, plus généralement, un nombre impairement-pair, si l’un est divisible par 2, l’autre l’est nécessairement par 4. On peut en dire autant des nombres.

2.o Les deux termes de la fraction sont toujours divisibles par 9 ; car x est essentiellement de l’une des trois formes. Or, la première rend divisibles par 3 les nombres ; la seconde, les nombres  ; et la troisième, les nombres.

3.o Les deux termes de la fraction sont divisibles par 25, lorsque x est de l’une des trois formes ; car la première rend divisibles par 5 les nombres ; la seconde, les nombres  ; et la troisième, les nombres .

D’après ces considérations, je crois qu’on fera bien, lorsqu’on voudra, pour une valeur donnée de , évaluer cette fraction en décimales, de la mettre sous une des formes précédentes, parce qu’étant sous ces formes, on peut aisément, avant de procéder au calcul, débarrasser ses deux termes des facteurs qui leur sont communs.

52. Pour qu’on puisse toujours juger du degré d’exactitude qu’on doit attendre des formules comprises dans les n.os 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46, nous placerons ici le tableau suivant qui met sous les yeux le nombre des chiffres décimaux exacts, donnés par chacune d’elles, lorsque égale ou ou ou ou soit qu’on néglige entièrement la série du second membre, soit qu’on se serve de son premier terme.

désignation
des formules.
Nombre des chiffres décimaux exacts,
donnés par chaque formule.
En négligeant la série,
et
étant,
En prenant le 1er terme
de la série, et
étant,
102 103 104 105 106 102 103 104 105 106
Formule du 2.d degré, n.°39. 4 6 8 10 12 13 19 25 31 37
Formule de M. de Borda, n.°40. 5 8 11 14 17 17 26 35 44 53
Formule de M. Haros, n.°41. 6 10 14 18 22 18 30 42 54 66
Formule du 4.e degré, n.°42. 6 10 14 18 22 20 32 44 56 68
Formule du 5.e degré, n.°44. 6 11 16 21 26 19 34 49 64 79
Formule du 5.e degré, n.°45. 6 11 16 21 26 20 35 50 65 80
Formule du 6.e degré, n.°46. 8 14 20 26 32 24 42 60 78 96

53. Si on calculait des tables de logarithmes par une quelconque de ces formules, soit en négligeant entièrement la série du second membre, soit en se servant de son premier terme, on pourrait aisément se faire un moyen d’obtenir cinq ou six chiffres décimaux exacts de plus que n’en donnerait, dans l’un ou l’autre cas, la formule employée. Il suffirait pour cela de déterminer d’avance le logarithme de la partie constante du premier ou du second terme de la série multipliée par le double du module ; car, en retranchant ensuite de ce logarithme celui de la partie du dénominateur, qui peut influer sur les premiers chiffres du quotient, on aurait pour reste un logarithme répondant à un nombre qui exprimerait la valeur du premier ou du second terme de la série, au moins dans ses premiers chiffres significatifs. Ainsi, par exemple, en nous servant toujours de la formule U, si on sait que

et

en retranchant de la somme des doubles des logarithmes des nombres , qui entrent dans le premier calcul de la formule, on aura pour reste un logarithme qui différera peu de celui du produit du premier terme de la série, par le double du module. Il en sera de même par rapport à la valeur du second terme de la série multipliée par , si on ôte de trois fois la somme  ; car le logarithme restant sera celui de cette valeur, considérée seulement dans ses premiers chiffres significatifs.

Pour ne rien laisser à désirer à cet égard, soit repris l’exemple du n.o 50 ; on aura :

et, en tirant cette somme du calcul déjà fait, il viendra

logarithme dont le triple est :

Retranchant maintenant ce triple de , on trouvera pour reste :

La caractéristique négative , qui se trouve dans ce résultat, indique d’abord que le premier chiffre significatif du nombre correspondant, est du 46.me ordre décimal, et la fraction ( réduite, si on veut, à sept chiffres comme dans nos tables usuelles) appartenant au logarithme de 8969666, j’en conclus que la valeur trouvée pour le logarithme de 1297, doit être diminuée de la quantité  ; ce qui s’accorde avec ce que nous avons vu dans le numéro précité.

Si surpassait 10000, on pourrait se contenter de retrancher de six fois le logarithme de, ou de dix-huit fois ce même logarithme.

54. Je terminerai ce mémoire en faisant observer que les équations obtenues dans la première partie expriment toutes des propriétés des progressions par différence. En prenant, par exemple, celles qui ont fourni la formule et multipliant leurs racines par pour plus de généralité, on aura :

et

ou

et

ce qui nous apprend que, dans la progression

le produit des quarrés des et termes est égal au produit des et termes, moins fois la sixième puissance de là différence . Mais étant variable, il est évident que la propriété que nous venons d’énoncer aura lieu, quelle que soit sa valeur ; elle aura donc lieu lorsque deviendra , ou, ce qui revient au même, quelque part qu’on prenne l’origine de la progression, qui peut d’ailleurs être prolongée indéfiniment à droite et à gauche. Cette propriété subsistera encore, si x devient , n’étant pas un multiple de  ; donc, en général, dans la progression,

le produit des quarrés des et termes est égal au produit des et termes, moins fois la sixième puissance de la raison ou différence .

Si on passe maintenant de cette dernière progression aux équations correspondant à la propriété que nous venons d’y observer, on verra que ces équations ne sont autre chose que des transformées de celles dont nous sommes partis ; transformées qu’on obtient en augmentant d’abord les racines d’un multiple de , et ensuite de la quantité . On doit seulement remarquer qu’après ces transformations, les racines ne sont plus divisibles par , comme elles l’étaient auparavant, et que est alors un facteur commun à toutes les différences des racines. Ce que nous venons de dire nous met en droit de conclure, 1.o que les transformées auxquelles on parvient en augmentant ou diminuant les racines de deux équations telles que celles dont nous nous sommes occupés, conservent entre elles la même différence qui se trouvait entre ces équations, et ne peuvent conséquemment pas fournir des formules logarithmiques plus avantageuses ; 2.o que, lorsqu’on a deux équations, telles que les différences entre les racines ont un facteur commun , on peut, en augmentant ou diminuant ces racines d’une quantité égale au reste de la division de l’une d’elles par , faire que toutes ces racines deviennent des multiples de , et puissent, par conséquent, être divisées par cette quantité, ce qui conduit à des équations plus simples et plus utiles. Ainsi, par exemple, si l’on avait les deux équations,

et

ou

et

dont les racines sont des nombres impairs, et diffèrent conséquemment entre elles d’un multiple de 2, en augmentant ces racines d’une unité, et les divisant ensuite par 2, on aurait :

et

ou

et

équations qui ne sont que des transformées de celles qui nous ont donné la formule du n.o 42 ; transformées qu’on aurait eu mettant dans ces dernières à la place de

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  1. Traité analitique des Sections coniques, Fluxions et Fluentes, etc., par M. Muller, professeur de mathématiques à l’école royale de Volwich ; traduit de l’anglais, par l’auteur. Paris 1760.
  2. Voyez le Complément d’Algèbre de M. Lacroix.