Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Bergamotte crassane

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Bergamotte Crassane.

Synonymies : Crassane, Crésane (Académie). — Crasanne (Duhamel). — Crassane d’automne.

(Spécimen récolté sur espalier.)

Cette variété est certainement d’origine française, mais on ignore l’année de sa première production et la contrée où elle a pris naissance. La Quintinie la range au nombre des poires nouvellement connues à l’époque où il écrivait son Instruction pour les jardins, c’est-à-dire vers 1660 à 1680. À son avis, la Crassane devait être cultivée en buisson, forme qui était alors l’équivalent de nos pyramides, inconnues de son temps. La Quintinie rend justice aux excellentes qualités de cette poire, mais ne lui fait cependant pas l’honneur de la comprendre dans le tableau d’un espalier de 300 poiriers dont il donne une liste complète, et dans laquelle il fait figurer nombre de poires de deuxième et de troisième ordre, telles que les Bergamottes d’automne, les Robine, les Messire-Jean, etc.

On ne peut guère douter de la facilité de culture, de la rusticité de la Crassane lors de son apparition, si l’on considère que ni Merlet ni même Duhamel ne la classent parmi les fruits d’espalier.

De nos jours, au contraire, cette variété n’est plus cultivable que sous cette forme, à l’exposition du midi ou mieux du levant. On ne la cultive plus en haut-vent ni en pyramide ; elle ne donnerait aucun bon résultat sous ces formes, que l’on ne peut risquer, même dans le centre de la France, que dans des jardins très-abrités et tout à fait exceptionnels.

L’arbre réussit bien sur coignassier ; néanmoins tous les auteurs qui l’ont décrit s’accordent à recommander de le greffer de préférence sur franc, et de lui donner autant que possible une terre substantielle et un peu humide. Notre expérience personnelle nous a, en effet, démontré que les poires de Crassane récoltées sur les arbres cultivés dans un sol semblable, sont toujours supérieures, en volume et en saveur, à celles produites par les arbres plantés dans un terrain sec et léger.

La Crassane est encore aujourd’hui une variété très-estimée. Ce fruit est assez gros, arrondi, déprimé, ordinairement plus large que haut, ayant de 8 à 10 centimètres de largeur sur 7 à 9 de hauteur. La queue est très-longue, menue, arquée, vert-clair et implantée dans une cavité étroite, unie, souvent accompagnée d’une petite gibbosité. Le calice, petit, irrégulier, est placé dans un léger enfoncement ; ses divisions sont noires et en partie caduques.

L’épiderme est rude, gris-verdâtre, tavelé de petits points roux ; il jaunit légèrement à la maturité, surtout du côté frappé des rayons solaires.

La chair est fondante, beurrée, blanc-jaunâtre ; l’eau, très-abondante, est sucrée, vineuse, relevée d’une légère âpreté qui plaît à beaucoup de personnes. Quelques concrétions pierreuses, plus ou moins abondantes, selon la nature du sol, entourent le trognon.

L’arbre est très-vigoureux et donne beaucoup de bois.

Les branches à fruits sont grises, grêles, assez longues ; les supports sont également gris, ridés à la base, renflés au sommet.

Les rameaux de l’année sont roux-clair, tiquetés de points gris.

Les feuilles sont larges, ovales, plates et terminées en pointe ; elles sont serretées peu profondément. Le pétiole est cannelé, vert-jaunâtre, très-long. Les stipules sont linéaires ; les mérithalles courts.

La Crassane produit abondamment et porte ses fruits en bouquets. La maturité de cette poire arrive en novembre et se prolonge souvent jusqu’en décembre ; elle a donc aussi le mérite de se conserver assez longtemps sans blettir.

A. Royer.