Anthologie féminine/Marguerite d’Angoulème

La bibliothèque libre.
Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 29-31).

MARGUERITE D’ANGOULÊME

(1492-1549)


Fille du duc d’Angoulême et sœur de François Ier, Marguerite naquit à Angoulême ; elle épousa en premières noces le duc d’Alençon, et en secondes noces Henri d’Albret, roi de Navarre ; sa fille, Jeanne d’Albret, eut pour fils Henri IV. Dès l’âge de sept ans, elle composait des vers latins et entendait le grec et l’hébreu ; à cette époque, la langue latine était encore employée dans les lettres, et surtout à la cour. Elle tenait un salon de beaux esprits, dont firent partie Calvin, Clément Marot, son poète en titre, et Dolet. Elle protégea Amyot et fonda huit chaires à la Sorbonne. Elle écrivait dans un excellent style. Son principal ouvrage est l’Heptaméron, recueil de contes libres, imité du Décaméron de Boccace ; elle a laissé en plus des Lettres et des Poésies, les Marguerites de la Marguerite, dont nous donnons ci-après quelques fragments, après avoir terminé cette courte biographie par le jugement de Littré sur cette savante princesse.

« Il faut, à côté de la conteuse spirituelle moitié gaie, moitié sérieuse des Nouvelles, voir en elle la femme pleine de cœur et de sens qui se montre dans les lettres la protectrice éclairée des savants, la princesse tolérante en matière de religion en un temps où il n’y avait pas de tolérance, enfin celle qui, entourée de toutes grandeurs, a dit d’elle-même qu’elle avoit porté plus que son faix de l’ennui commun à toute créature bien née. »


Portrait de François Ier, son frère

De sa beaulté il est blanc et vermeil,
Les cheveulx bruns, de grande et belle taille ;
En terre il est comme au ciel le soleil,
Hardi, vaillant, sage et preux en bataille,
Fort et puissant, qui ne peut avoir peur.
Que prince nul, tant soit-il grand l’assaille.
Il est bégnin, doux, humble en sa grandeur,
Fort et constant et plein de patience,
Soit en prison, en tristesse ou malheur.
Il a de Dieu la parfaicte science
Que doit avoir ung roy tout plein de foy,
Bon jugement et bonne conscience.


satyres et nymphes de la reine de navarre

Un jour très clair que le soleil luisait,
Et moins ardent un chacun induisait
Chercher au loin les campagnes fleuries,
Sombres forêts et riantes prairies…
............
Ainsi parlant, pensant toute seule être,
Je vois de loin trois dames apparaître,
Saillant d’un bois, haut, feuillé et épais,
Dont un ruisseau très clair pour mettre frais
Entre le bois et le pré se mettait.
Portant le noir, et l’une et l’autre était…
............


MARGUERITE DE NAVARRE À FRANÇOIS Ier
(Tolède, 1525.)

. . . . . . . . . . . . . . .

Monseigneur, suis contraincte d’attendre encore samedy, mais je vous envoye quelqu’un qui bien au long vous contera ce que demain et tous ces jours aura esté faict, afin que ayant passé plus avant il vous plaise entendre les bons tours qu’ils vous font, et si sçay bien qu’ils ont grand peur que je m’en ennuye, car je leur donne à entendre que, s’ils ne font mieux, je m’en veux retourner. .....