Anthologie féminine/Mme Vien

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Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 271-273).

ROSE-CÉLESTE VIEN

Née à Évreux, morte à Paris ; fille du général Bâche, elle épousa le fils du célèbre peintre Vien, le maître de David. Elle mérite d’être signalée par sa connaissance, assez rare chez les femmes, des langues grecque et latine. Nouvelle Mme Dacier, elle s’est appliquée à des traductions d’ouvrages de ces deux langues mortes. Nous avons d’elle une très remarquable traduction d’Anacréon (1825), — et une de Basia de Jean Second (1832). — Elle a écrit des poésies de son chef d’une facture très classique et d’un style très pur. On cite particulièrement, la Statue de Saint-Victor, légende du moyen âge, les Deux Chevaliers, et enfin la Romance de minuit, bien connue à l’époque et dont voici quelques stances :

 J’entends sonner la douzième heure,
 Et dans ma paisible demeure
 Le doux sommeil entre sans bruit ;
   Il est minuit…
 Avant de clore la paupière,
 La tendresse attire une mère
 Vers l’enfant que berce la nuit ;
   Il est minuit.


LA FLEUR DES RUINES

Qu’elle est belle la fleur qui, du sein des ruines.
Du voyageur ému vient frapper les regards ;
Sur cette vieille tour, dont les débris épars
 Couvrent au loin le flanc de ces collines,
Brille son disque d’or comme, au printemps nouveau,
Un rayon de soleil qui luit sur un tombeau.
Vierges ! cueillez la rose aux couleurs purpurines,
Je préfère la fleur qui croît sur ces ruines.

Fleur de la solitude ! honneur des monuments.
Toi seule viens parer les débris éloquents
De ces marbres brisés par la fureur des âges !
Sur ces créneaux détruits par les vents, les orages,
   Tu braves les autans,
Et ta tige remplit chaque fente que creuse

   De sa faux envieuse
   L’inexorable temps.
  ........