Par la harpe et par le cor de guerre/Appel aux Bretons

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xv

APPEL AUX BRETONS

Pour Dieu et pour la Pairie !


Ne vous avais-je point dit, voici longtemps, — Que nous serions foulés aux pieds en notre pays ? — Que nous n’aurions qu’avanies — Et non des marques de tendresse de la part de la France ? — Que nous serions entravés — Comme les bœufs et les moutons ?

Ne voyez-vous point les coutelas — Briller autour de vos poitrines ? — Écoutez le vent de mort — qui courbe les arbres sur le pays. — Je vous le dis : Voici venir le jour — Où l’on doit mourir ou triompher en Bretagne.

L’on a vu ces jours-ci — Des traîtres, accompagnant les Français, — Faire l’apologie des jours d’angoisse — Où l’écluse de notre sang était ouverte. — Ils viennent nous lancer le défi, — Bras dessus, bras dessous avec le Français.

Et nous faudra-t-il encore ployer la tête, — Ainsi que des agneaux sans défense ! — Avaler, réavaler notre rancœur, — Et chaque jour verser de l’eau dans noire sang ! — Un chatouillement passe dans mes ongles, — Mes dents grincent dans ma bouche.

Je m’étrangle de fureur — Quand je te considère, ô mon pays d’Arvor ! — N’ouvriras-tu les yeux — Qu’alors que tes veines seront encore tranchées ? — Mon cœur, en un champ de digitales, — Galope d’un quadruple galop rouge.


Ah ! les paroles ne suffisent plus ! — Voici l’ère des œuvres néfastes. — Force nous est enfin de comprendre — Que nul n’est plus le maître chez soi. — Dites-moi donc encore, ô aveugles, — Que ce n’est ici qu’un mauvais rêve !


Qui donc donne appui aux fripons — Pour jeter sur les routes vos sœurs ? — Serait-ce donc vous qui aide- riez — À la destruction du Bien en Bretagne ? — Dites-moi donc si jamais — Vous montrâtes de la haine envers vos sœurs ?


Si vous ne criez : mépris pour la Loi ! — Demain viendra le tour de vos prêtres. - Ensuite on fermera vos églises, — Puis viendra la confiscation de vos biens. — Alors, soudain, vous sciez garrottés, — Dans l’écurie, avec les bestiaux.

Depuis quand les Brelons — Qui furent jadis gens de renom, — Ont-ils aux mains des ampoules — Quand ils doivent défendre l’Arvor ? — Quoi donc, damnation de mes os ! — Qu’avez-vous encore à ménager ?

Votre liberté perdue, — Qu’avez-vous donc encore à perdre ? — Il me serait préférable de mourir — Plutôt que d’avoir un licou sur la tête, — Plutôt que de voir l’Étranger — Régner en maître dans la maison paternelle !

Que les Bardes de Bretagne — Lèvent bien haut leurs furieuses voix ! — Le plus grand amour des Celtes, — La Liberté est sous le joug ! — En avant, hommes de cœur, — Pour relever l’honneur du nom breton.