Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/34

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 702-705).

CHAPITRE XXXIV

fêtes mobiles du calendrier ecclésiastique chrétien — fête de pâques


On donne le nom de computistes à ceux qui s’occupent des calculs relatifs au calendrier ecclésiastique.

Les fêtes religieuses principales sont réglées sur les mouvements de la Lune et par conséquent elles ne correspondent pas chaque année aux mêmes dates, elles sont mobiles.

La Résurrection avait suivi de près l’équinoxe ; on voulut donc célébrer Pâques vers l’époque où ce phénomène astronomique arrive.

La Résurrection suivit une pleine Lune ; il parut alors convenable de faire intervenir la marche de notre satellite dans la fixation du jour de Pâques.

Voici comment la fête de Pâques se détermine pour une année quelconque. On suppose que, dans toutes les années, l’équinoxe arrive le 21 mars. On cherche quel jour, après l’équinoxe, la première pleine Lune a lieu : Le dimanche de Pâques est celui qui suit immédiatement cette pleine Lune. Il résulte de là que Pâques ne peut pas arriver plus tôt que le 22 mars, car la règle dit que ce sera le premier dimanche après la pleine Lune, si cette pleine Lune arrive le 21 ou après le 21 mars.

L’autre limite, ou la date la plus tardive où l’on puisse célébrer cette même fête, est le 25 avril. En effet, si la pleine Lune tombe le 20 mars, ce ne sera pas la Lune pascale, cette pleine Lune arrivera le 18 avril ; et si c’est un dimanche, ce ne sera que le dimanche suivant 25 avril, que Pâques pourra être célébré. La fête de Pâques a été célébrée le 22 mars, en 1598, 1693, 1761, 1818, et le sera en 2285. Elle a été célébrée le 25 avril, en 1666, 1734, et elle reviendra à cette même date en 1886, 1943, 2038, 2190, etc.

Du 22 mars au 25 avril, ces deux termes compris, il y a 35 jours. Pâques peut donc occuper trente-cinq places différentes.

Les fêtes mobiles, telles que l’Ascension, la Pentecôte, la Trinité, la Fête-Dieu, etc., celles dont les positions dans l’année sont toujours séparées par un nombre déterminé de jours de la fête de Pâques, peuvent varier dans les mêmes limites de 35 jours.

Lorsque, pour la première fois, on adopta la règle d’après laquelle on fixe le jour de Pâques, on avait, sur le mouvement de la Lune et du Soleil, des idées que les observations n’ont pas confirmées ; néanmoins, on détermine la Lune pascale d’après ces idées préconçues, en se servant de périodes que nous indiquerons plus tard, réglées sur le nombre d’or, les épactes, etc.

Cette Lune pascale, cette Lune conventionnelle, peut arriver à son plein un jour ou deux avant ou après la Lune vraie ou la Lune moyenne astronomique. De là, de fréquentes réclamations du public. Il ne sait pas généralement que Pâques se règle sur une Lune fictive, imaginaire, et non sur la Lune réelle ; il accuse d’ignorance, ou tout au moins d’inattention, les astronomes qui, d’après le témoignage de ses yeux, l’induisent maladroitement à célébrer Pâques un mois trop tard. Cependant les astronomes ne sont pour rien dans ces erreurs ou plutôt dans ces irrégularités.

Ainsi, en 1798, Pâques aurait dû être célébré, d’après la marche réelle de la Lune, le dimanche 1er  avril ; il ne le fut que le dimanche d’après. Citons un second exemple : en se réglant sur la Lune visible en 1818, la fête de Pâques aurait dû être célébrée le 29 mars ; elle le fut le 22, en prenant pour régulateur la Lune fictive.

On se demande souvent s’il n’eût pas été plus naturel de prendre pour guide la Lune vraie au lieu de la Lune moyenne.

Examinons cette question. Le temps théorique où la Lune vraie est nouvelle dépend des Tables astronomiques employées qui vont sans cesse en se perfectionnant : le résultat annoncé sur certaines Tables eût été démenti par des Tables nouvelles ; l’époque de la célébration de Pâques n’aurait pas ainsi été déterminée à l’avance avec certitude. Cet inconvénient légitime complétement le choix qu’on a fait d’une Lune moyenne appelée Lune ecclésiastique, pour régler la fête de Pâques.

À ces raisons péremptoires, nous en ajouterons une autre qui n’a pas à nos yeux la même valeur. Suivant Clavius, il n’eût pas été permis de fixer la célébration de la fête de Pâques d’après la Lune réelle, car, dit-il, cette fête aurait eu lieu en même temps que la Pâque des Juifs, ce qui eût été indécent.

Les complications sans nombre qu’on remarque dans le calendrier ecclésiastique tiennent à ce qu’on n’a pas voulu s’en rapporter exclusivement à l’année solaire. Cependant (Clavius lui-même le reconnaît) l’Église aurait eu le droit en 1582 d’ôter au jour de Pâques le caractère de fête mobile, et de le fixer invariablement, par exemple, au premier dimanche d’avril.

Il ne peut être de notre sujet d’indiquer ici les formules à l’aide desquelles Gauss, par exemple, a donné les moyens de déterminer le jour où, en se conformant aux règles prescrites par l’Église, on devra célébrer la fête de Pâques. Ces calculs ont déjà été effectués avec certitude pour un très-grand nombre d’années ; les répéter, n’aurait donc d’autre objet que de satisfaire la curiosité du calculateur.