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Bakounine/Œuvres/TomeIII2

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Œuvres, Texte établi par James GuillaumeP.-V. Stock (Bibliothèque sociologique, N° 39)tome III (p. vii-xxii).

AVANT-PROPOS




Bakounine m’avait envoyé, comme on l’a vu (tome II, p. 277), du 9 février au 18 mars 1871, les feuillets 81-285 de ce qui devait former le manuscrit de L’Empire knouto-germanique et la Révolution sociale. Il n’est peut-être pas inutile de donner ici les notes portées, au sujet de ces envois, dans son calendrier-journal de l’année 1871, qui a été conservé. Les voici :

« Février 9. Brochure : envoyé à Guillaume pages 81-109, en tout 29 pages. — 11. Brochure : envoyé à Guillaume pages 110-121, en tout 12 pages. — 12. Bonne lettre de Guillaume. — 14. Lettre à Guillaume. — 16. Envoyé à Guillaume brochure pages 122-138 incl. — 19. À Guillaume envoyé pages 139-148. — 23. Lettre à Guillaume. — 25. Envoyé à Guillaume 21 pages, 149-169 incl. — Mars 1er. Envoyé à Guillaume lettre et brochure pages 170-199 incl. — 9. Envoyé à Guillaume brochure pages 200-246 incl. — 11. Envoyé lettre à Guillaume. — 16. Envoyé à Guillaume 26 pages (247-272 incl.). — 18. Pars demain pour Florence. Envoyé 13 pages (273-285 incl.). »

Quelques feuillets du manuscrit portent des annotations ayant le caractère de correspondance. Au verso du feuillet 109 (envoi du 9 février), Bakounine a écrit : « Demain enverrai autant, avec lettre ». — Au verso du feuillet 121 (envoi du 11 février) : « 12 pages, 1 10-121. Lettre demain. » — Au verso du feuillet 158 (envoi du 16 février) : « 1re livraison. 1-138 pages[1]. » — Il n’y a rien d’écrit au verso des feuillets de l’envoi du 19 février, pages 139-148. — Au verso du feuillet 169 (envoi du 25 février), il a écrit : « Pages 149-169 inclusivement. Je te prie, cher ami, envoie tout le manuscrit corrigé à Ozerof, qui le demande à grands cris. En tout, avec ceci, je t’ai envoyé 89 pages (81-169). » — Au verso du feuillet 199 (envoi du 1er mars) : « Pages 170-199 inclusivement ». — Il n’y a rien d’écrit au verso de l’envoi du 9 mars, feuillets 200-246. — Au verso du feuillet 247 (envoi du 16 mars) : « 26 pages, 247-272 inclusivement. Après-demain à peu près autant. Attends ta lettre. » — Au verso du feuillet 273 (envoi du 18 mars) : « 13 pages, 273-285 inclusivement. Je pars demain pour Florence ; reviendrai dans dix jours. Adresse tes lettres toujours à Locarno. Quand pars-tu[2] ? Attends de tes nouvelles. J’embrasse Schwitz[3]. Ton M. B. »

Sur la composition même du manuscrit, les notes du calendrier-journal renferment des détails intéressants[4].

Dès avant le milieu de novembre 1870, Bakounine avait envoyé, en deux ou trois fois, le commencement de son manuscrit (les 80 premiers feuillets) à Genève, à son ami Ogaref, pour le faire imprimer, et la composition du manuscrit avait été commencée à l’Imprimerie coopérative. Dans une lettre du 19 novembre à Ogaref (lettre dont j’ai déjà cité un passage, t. II, p. 276), il disait : « Ta dernière lettre m’a fait conclure que tu ne lis que distraitement celles que je t’envoie. Tu me dis que tu as reçu la fin de ma brochure, tandis, que dans ma lettre accompagnant mon dernier envoi, je t’écrivais que tu allais recevoir encore beaucoup et beaucoup de ces feuillets, de sorte que cela ferait tout un volume. Il y en a encore une quarantaine de terminés[5]. Si je ne te les envoie pas tout de suite, c’est que je dois les avoir sous la main jusqu’à ce que j’aie achevé l’exposé d’une question très délicate, et je suis encore bien loin de voir la fin de mon ouvrage… Il faut que tu saches que je ne fais pas ce travail fiévreusement, et que je ne suis pas pressé, comme Ozerof paraît le croire, de le faire publier le plus tôt possible… Si j’avais l’intention d’influencer l’opinion publique actuellement, ou dans un avenir prochain, je me hâterais ; mais ce n’est pas là mon but… Aujourd’hui, dans la politique française, le système inauguré par Gambetta est en plein succès : il a triomphé du nôtre et l’a supplanté. Bon ou mauvais, ce système doit irrésistiblement suivre sa marche et porter ses fruits, avant qu’il soit possible de le supprimer. C’est pourquoi je ne me hâte nullement. Je fais une esquisse pathologique de la France actuelle et de l’Europe, qui devra servir d’enseignement aux hommes politiques de l’avenir prochain. Je veux donc que mon œuvre soit complète. Ce ne sera pas une brochure, mais bien un volume. » Bakounine ne fit plus d’envoi de copie à Ogaref, et continua, sans se presser, pendant les derniers jours de novembre et une partie du mois de décembre, cet « exposé d’une question très délicate dans lequel il s’était engagé, et qui, ainsi qu’on l’a déjà vu, était une dissertation philosophique sur l’idée de Dieu, se terminant par un examen critique du système d’Auguste Comte. Mais quand il fut arrivé au feuillet 256 de son manuscrit, il s’aperçut qu’il s’était engagé dans une impasse ; alors, mettant de côté tout ce qu’il venait d’écrire à partir du feuillet 80, il résolut de transformer sa dissertation philosophique en un Appendice qui serait placé à la fin de son œuvre ; puis reprenant son véritable sujet, l’« esquisse pathologique de la France et de l’Europe », il écrivit un nouveau feuillet 81, et, à la suite, une nouvelle série de feuillets. Ce changement de front était déjà opéré avant la fin de décembre ; car son calendrier-journal du mois de janvier 1871 (le calendrier-journal de 1870 — s’il a existé — n’a pas été conservé) nous le montre travaillant à une partie de sa « brochure » qui n’est pas l’Appendice, mais la continuation de considérations historiques sur l’Allemagne et les Allemands. Voici ce qu’on lit, en effet, dans les notes de ce journal :

« Janvier 1er. Fini tables historiques. Soir, brochure. — 2. Brochure : Allemagne, histoire. Note trop longue. Soir, brochure, bien. — 3. Brochure. — 4. Matin, brochure, assez bien. — 5. Recherches historiques sur l’Allemagne, — 7. Brochure. Soir, brochure. — 8. Brochure, bien. — 9. Brochure, bien. Soir, brochure, assez bien. — 10. Brochure, assez bien. Soir, brochure, assez bien : Allemands. — 11. Brochure. — 12. Brochure. — 13. Brochure. Soir, brochure. — 15. Brochure. Soir, brochure. — 16. Brochure. Soir, brochure. — 17. Brochure. Soir, brochure. — 18. Brochure. Soir, brochure. — 19. Brochure. — 20. Brochure. Soir, brochure. — 21. Brochure. Soir, brochure. — 22. Brochure : Liberté. Soir, de nouveau recommence brochure à partir de l’imprimé. »

Ces derniers mots signifient que l’auteur recommence, pour la seconde fois (« de nouveau »), sa brochure, au point où il l’avait recommencée la première fois, lorsqu’il avait mis de côté, en décembre, sa première rédaction à partir du feuillet 80 (feuillets 81-256) ; il la recommence à ce même feuillet 80 : c’est ce qu’indiquent les mots « à partir de l’imprimé », car les 80 premiers feuillets, envoyés dès la première quinzaine de novembre, étaient composés, et Bakounine en avait reçu le contenu à l’état d’épreuves.

Il a donc existé une rédaction formant une suite des 80 premiers feuillets différente de l’Appendice, et différente aussi de la suite « recommencée » le soir du 22 janvier 1871 ; une rédaction intermédiaire entre la première (Appendice) et la troisième ou rédaction définitive. Et cette rédaction intermédiaire à laquelle Bakounine a travaillé du 1er au 22 janvier 1871, et probablement déjà pendant un certain nombre de jours de décembre 1870, a été mise de côté par l’auteur, abandonnée brusquement[6], pour faire place à une troisième version de sa pensée, à celle qui a été imprimée (en partie seulement) en 1871 dans la brochure, à la suite du contenu des 80 feuillets envoyés à Genève avant le 15 novembre 1870.

Que la nouvelle version commencée le 22 janvier au soir soit bien celle qui a été imprimée et non une autre, les indications du calendrier-journal l’établissent d’une façon qui ne permet aucun doute ; elles disent :

« Janvier 23. Brochure, peu. Soir, un peu plus ; arrangé Émile de Girardin[7]. — 24. Brochure. Soir, brochure. — 25 Brochure. Soir, brochure. — 26. Brochure : Allemands[8]. — 27. Brochure, bien. — 28. Brochure, très bien. La littérature moderne d’Allemagne[9]. — 29. Brochure. — 30. Brochure. — 31. Brochure.

« Février 1er. Brochure. — 2. Brochure. Soir, brochure. — 4. Brochure. Soir, brochure. — 5. Brochure. — 6. Brochure. Soir, brochure, bien. — 7. Brochure. — 8. Brochure. Soir, brochure, bien[10]. — 9. Brochure. — 10. Brochure[11]. — 11. Brochure. — 12. Brochure. Soir, brochure. — 13. Brochure. Soir, brochure. — 14. Brochure. — 15. Brochure[12]. — 16. Brochure. — 17. Brochure. Soir, brochure[13]. — 21. Brochure. Soir, écrit trois notes, puis fatigué, dormi. — 22. Brochure, mal. Soir, brochure, mal. — 23. Brochure, bien. — 24. Brochure, bien. Soir, brochure, bien[14]. — 25. Brochure. Soir, brochure. — 26. Brochure. Soir, brochure. — 27. Brochure, bien. Soir, brochure, bien. — 28. Brochure. Soir, brochure[15].

« Mars 1er. Brochure. Soir, brochure. — 2. Brochure. Soir, brochure. — 3. Brochure, bien. Soir, brochure, peu. — 4. Brochure. Soir, brochure. — 5. Brochure. Brochure, tard soir. — 6. Brochure. Soir, brochure, così così. — 7. Brochure, peu, mais bien. Soir, brochure, hésitation, — 8. Brochure, così così. Soir, brochure, un peu[16]. — 9. Brochure, cherche le sentier[17]. Soir, brochure, toujours sentier. — 10. Brochure, sentier paraît trouvé. Soir, brochure. — 11. Brochure, toujours sentier. Soir, brochure, sentier. — 12. Brochure, sentier. Soir, brochure, sentier. — 13. Brochure, sentier. Soir, brochure, cherche à me remettre sur la grande route[18]. — 14. Brochure, du sentier au grand chemin. — 15. Brochure. Soir, brochure[19]. — 16. Brochure, peu, mais médité bien. Fiction à développer[20]. — 17. Brochure. Soir, brochure[21]. »

Le 19 mars, Bakounine, après avoir emprunté cent dix francs à sa propriétaire. Mme veuve Pedrazzini, était parti pour Florence, afin d’y chercher un moyen de sortir de la détresse pécuniaire dans laquelle il se débattait depuis son retour à Locarno (le calendrier-journal contient, sur la misère endurée pendant l’hiver 1870-1871, des détails poignants dans leur brutalité). À Florence résidait un gentilhomme russe nommé Louguinine, que Bakounine connaissait ; c’est auprès de lui qu’il se rendit ; ses frères, à Priamoukhino, étaient restés sourds jusqu’à ce moment à ses appels réitérés ; Louguinine promit d’aller les voir, et d’obtenir d’eux qu’ils envoyassent à leur frère aîné quelque argent sur sa part du patrimoine commun resté indivis ; de son côté, l’avocat Gambuzzi promit de trouver à Naples un prêteur qui ferait une avance. En attendant, quelques amis italiens, Friscia, Mazzoni, Fanelli, remirent à Bakounine le peu d’argent dont ils pouvaient disposer, et, le 5 avril, il rentrait à Locarno avec 225 fr. dans sa poche. Dès le 5, il se remettait à son manuscrit, et il y travailla jusqu’au 15. Voici les indications du calendrier-journal :

« Avril 5. Soir, repris brochure-livre[22]. Assez bien. — 6. Brochure-livre. Soir, brochure-livre. — 7. Brochure-livre. Soir, brochure. — 8. Brochure-livre. Soir, brochure-livre. — 9. Brochure-livre. Soir, livre-brochure. — 12, Livre-brochure. Soir, livre-brochure. — 13. Livre-brochure. Soir, livre-brochure. — 14. Livre-brochure. — 15. Soir, brochure[23]. »

Le 23 avril, Bakounine recevait de Naples, par Gambuzzi, mille francs, et le 25 il partait pour le Jura suisse.

Le 1er juin, après l’écrasement de la Commune de Paris, il rentrait à Locarno, emportant avec lui les feuillets 159-285 de son manuscrit, qu’il m’avait repris. Il pensait qu’une seconde livraison de L’Empire knouto-germanique pourrait être imprimée à bref délai, et avait compté, pour cela, sur un étudiant russe habitant Munich, Alexandre Sibiriakof, qui avait déjà contribué financièrement à la publication de la première livraison. Mais le 2 juin, Sibiriakof m’écrivait : « Quant à la seconde livraison, je ne puis rien vous promettre ; peut-être dans un, deux mois peut-on quelque chose faire, mais maintenant je ne puis rien vous envoyer[24] ». Je transmis cette lettre à Bakounine, qui, le 10 juin, m’écrivit : « Quant à la somme nécessaire pour la seconde livraison, j’ai la confiance qu’elle se trouvera bientôt, et le manuscrit de cette livraison ne tardera pas à t’arriver tout complet. L’ami de Zurich, un étudiant russe, J. Ponomaref, se donne aussi beaucoup de peine pour compléter cette somme, et puis j’aurai encore d’autres amis. »

Du 5 au 23 juin, Bakounine travailla à un Préambule pour la seconde livraison, qu’il laissa inachevé. Du 25 juin au 3 juillet, il écrivit une autre préface qu’il intitula Avertissement, et qui resta inachevée également[25]. Puis il s’occupa d’autres travaux, qui furent : un manuscrit de 141 feuillets intitulé Protestation de l’Alliance[26], rédigé du 4 au 25 juillet ; une Réponse à Mazzini (25-28 juillet), qui parut en italien dans le Gazzetino Rosa de Milan et en français dans la Liberté de Bruxelles ; un manuscrit de 112 feuillets (inachevé) intitulé Mémoire sur l’Alliance[27], rédigé du 28 juillet au 26 août ; un second article contre Mazzini, qui finit par devenir une brochure (25 août-16 novembre), imprimée à Neuchâtel à la fin de 1871 sous ce titre : La Théologie politique de Mazzini et l’Internationale, première partie. Le 23 septembre, Sibiriakof m’écrivit pour me demander de lui envoyer un devis de ce que coûterait l’impression de la seconde livraison de L’Empire knouto-germanique, parce qu’il devait communiquer ce devis « aux autres personnes », et il ajoutait : « Je ne puis pas vous promettre positivement que je vous enverrai l’argent, mais c’est très probablement ». Il tint parole ; le 11 octobre, Bakounine note dans son calendrier-journal : « Reçu de Sibiriakof 200 francs ». Mais la somme était trop faible pour permettre la publication de la seconde livraison, dont le devis (pour huit feuilles à mille exemplaires) s’élevait à 512 francs, et Bakounine dut renoncer à voir s’imprimer la suite de l’ouvrage que, six mois auparavant, il appelait son « testament ».

Il n’avait pas abandonné l’espoir, néanmoins, que son livre pourrait voir le jour ; et un an plus tard, du 4 novembre au 11 décembre 1872, il rédigea encore un manuscrit de 75 pages (inachevé) qui, dans sa pensée, comme l’indique une phrase, devait former une suite de L’Empire knouto-germanique[28]. Mais bientôt après, il s’absorba tout entier, avec Cafiero, dans l’affaire de l’achat et de l’aménagement de la propriété appelée la Baronata, près de Locarno, dans laquelle il s’installa en octobre 1873, et qu’il habita jusqu’en juillet 1874 ; puis survinrent la brouille temporaire avec Cafiero, les événements de Bologne (août 1874), la retraite à Lugano, la maladie ; et Bakounine acheva sa carrière agitée et douloureuse le 1er juillet 1876, à Berne, sans avoir pu ni terminer entièrement la rédaction de son grand ouvrage, ni publier la suite de la partie rédigée.

En 1877, les divers manuscrits inédits que Bakounine avait laissés me furent envoyés pour que je m’occupasse, de concert avec mes amis de la Fédération jurassienne de l’Internationale, de la publication de ce qui paraîtrait digne d’être imprimé. Il ne fut pas possible de réunir alors les ressources financières nécessaires à l’impression d’un volume ; et, lorsque je quittai la Suisse en mai 1878, je remis entre les mains d’Élisée Reclus, par l’intermédiaire de Kraftchinsky (Stepniak), la petite caisse contenant ces manuscrits. Quatre ans s’écoulèrent encore, et enfin en 1882 parut à Genève, à l’Imprimerie jurassienne, une brochure de VIII-100 pages petit in-16, dans laquelle on avait imprimé, d’une manière très incorrecte, — avec de nombreuses erreurs de lecture, des changements dont quelques-uns sont des corrections grammaticales, mais dont le plus grand nombre sont des altérations du texte qui n’étaient nullement utiles, des suppressions et des interpolations, — le contenu des feuillets 149-210 et 214-247 du manuscrit de février-mars 1871. Dans un Avertissement, les éditeurs de cette brochure, Carlo Cafiero et Élisée Reclus, disent : « La correspondance de Bakounine était des plus étendues ; des nuits entières se passaient à rédiger de longues épîtres à ses amis du monde révolutionnaire, et quelques-unes de ces lettres prirent les proportions de véritables volumes… Le mémoire que nous publions aujourd’hui n’est en réalité qu’un fragment de lettre ou de rapport. Composé de la même manière que la plupart des autres écrits de Bakounine, il a le même défaut littéraire, le manque de proportions ; en outre, il est brusquement interrompu : toutes les recherches faites par nous pour retrouver la fin du manuscrit ont été vaines. » Cette dernière assertion est incompréhensible pour moi, car la fin du manuscrit (les feuillets 248- 340) se trouvait, aussi bien que la partie publiée par Reclus et Cafiero, dans la caisse remise par moi à Élisée Reclus ; cette caisse contenait également les feuillets 139-148, que Reclus et Cafiero n’ont pas recueillis, une épreuve des feuillets 139-148, et une épreuve des feuillets 149-210 ; la seconde de ces épreuves porte des corrections de style et des suppressions de la main de Reclus et d’une autre main ; je m’explique encore plus difficilement, vu cette circonstance, que les éditeurs de 1882 aient pu appeler ce morceau « un fragment de lettre ou de rapport ». Ce petit artifice littéraire — car c’en est un probablement — n’était pas nécessaire pour faire apprécier du lecteur la haute valeur de ces pages. Quoi qu’il en soit, les éditeurs de 1882, n’ayant pas soupçonné qu’ils se trouvaient en présence d’une partie de ce qui aurait formé, si l’argent n’eût pas manqué pour en faire l’impression en 1871, la seconde livraison de L’Empire knouto-germanique, donnèrent à leur brochure un titre de leur invention, et la baptisèrent : Dieu et l’État. On renoncera désormais, je l’espère, à publier à part, en l’isolant de l’ensemble du manuscrit, et sous ce titre qui n’est pas de Bakounine, ce fragment mutilé et remanié : le lecteur le trouvera, dans le présent volume, replacé dans son contexte, duquel il n’eût jamais dû être séparé, et scrupuleusement restitué dans sa forme originale.

J. G.


REMARQUE

Bakounine, ayant mis de côté les feuillets 81-256 de sa première rédaction, — dont la plus grande partie, les feuillets 105-256, fut transformée par lui en un Appendice de L’Empire knouto-germanique, — ne se fit pas scrupule d’emprunter à ce manuscrit divers passages qu’il inséra dans sa troisième rédaction.

Ces passages, qu’il biffait à mesure dans le manuscrit primitif, en écrivant en marge le mot Employé, sont au nombre de sept. Ils ont été signalés, en leur lieu, dans les notes ajoutées à l’Appendice. Pour faciliter la recherche de ces passages au lecteur, on indique ci-après dans quels feuillets du troisième manuscrit l’auteur les a replacés, et à quelles pages du tome III (et du tome Ier) des Œuvres on en trouvera le texte :

1. Feuillets 162-166 ; t. III, de la ligne 21 de la p. 34 à la ligne 8 de la p. 40 (voir t. III, p. 299 : passage extrait des feuillets 170-173 du manuscrit primitif) ;

2. Feuillets 167-169 ; t. III, de la ligne 1 de la p. 41 à la ligne 3 de la p. 44 (voir t. III, pages 295-296 : passage extrait des feuillets 166-168 du manuscrit primitif) ;

3. Feuillet 170 ; t. III, de la ligne 4 de la p. 44 à la ligne 7 de la p. 45 (voir t. III, p. 297 : passage extrait des feuillets 168-169 du manuscrit primitif) ;

4. Feuillets 214-219 ; t. III, de la ligne 6 de la p. 92 à la ligne 21 de la p. 98 (voir t. III, pages 396-397, note : passage extrait des feuillets 245-250 du manuscrit primitif) ;

5. Feuillets 219-222 ; t. III, de la ligne 25 de la p. 98 à la ligne 5 de la p. 102 (voir t. III, p. 397, note : passage extrait des feuillets 251-253 du manuscrit primitif) ;

6. Feuillet 222, note ; t. III, note de la p. 102 (voir t. III, p. 398, note : passage extrait du feuillet 253 du manuscrit primitif) ;

7. Grande Note finale occupant les feuillets 286-340 ; t. Ier, de la ligne 23 de la p. 290 à la ligne 1 de la p. 296 (voir t. III, de la p. 239, ligne 35 de la note, à la p. 242, ligne 20 de la note : passage extrait des feuillets 122-125 du manuscrit primitif).

Le contenu des trois feuillets perdus (211, 212 et 213) du troisième manuscrit (p. 91 du t. III) paraît avoir été à peu près identique à celui d’un passage qui se trouve aux feuillets 243-245 du manuscrit primitif, et qui est imprimé dans ce t. III, de la p. 394, ligne 31 de la note, à la p. 396, ligne 32 de la note.

Enfin il faut signaler encore qu’au feuillet 199 du manuscrit primitif (p. 273 du t. III) Bakounine a intercalé, sur quatre feuillets supplémentaires, A, B, C, D, une note, non reproduite dans ce tome III, dont le contenu est extrait d’un article publié par lui dans le Progrès du Locle du 21 août 1869. On trouvera le passage formant cette note au tome Ier, de la ligne 9 de la p. 248 à la ligne 4 de la p. 253.


Nota. Dans ce volume comme dans le précédent, les chiffres inférieurs placés, dans le texte et dans les notes, à côté d’une barre verticale, indiquent les feuillets du manuscrit de Bakounine.

  1. Ces mots-là doivent avoir été écrits par Bakounine plus tard, au moment où, en mai 1871, il me reprit la fin du manuscrit envoyé (feuillets 139-285), me laissant les 138 premiers feuillets, qui contenaient le texte de la première livraison, déjà imprimée, de L’Empire knouto-germanique.
  2. Bakounine avait appris par moi l’intention que j’avais eue, en février, de partir pour Paris, et l’ajournement forcé de ce projet.
  3. Adhémar Schwitzguébel, membre bien connu de l’Internationale jurassienne.
  4. Ce qui va suivre complète, en le rectifiant, ce qui a été dit dans l’Avant-propos de la première livraison de L’Empire knouto-germanique (tome II des Œuvres, pages 276-277).
  5. Le 19 novembre, il en était donc au feuillet 120 de son manuscrit (première rédaction), dont le contenu se trouve aux pages 237-239 du présent volume.
  6. Elle ne s’est pas retrouvée, que je sache, dans les papiers de Bakounine. Peut-être quelques parties en ont-elles été incorporées par lui, plus ou moins remaniées, dans la rédaction définitive.
  7. C’est la note sur Émile de Girardin, qui se trouve aux feuillets 83-86 du troisième manuscrit (voir tome II des Œuvres, p. 387.
  8. C’est au feuillet 87 du troisième manuscrit que Bakounine a commencé à parler des Allemands ; et il en parlera désormais jusqu’à la fin de la première livraison. Cette indication « Allemands « est donc trop générale pour permettre de déterminer quels sont, au juste, les feuillets que l’auteur écrivait le 26 janvier.
  9. Le morceau sur « la littérature moderne d’Allemagne », pour lequel Bakounine se décerne un témoignage de satisfaction : « Très bien »), est évidemment celui qui se trouve aux feuillets 108-111 du troisième manuscrit ; voir pages 419-422 du tome II).
  10. Le lendemain 9 février, Bakounine m’envoya les feuillets 81-109 du troisième manuscrit ; il avait l’habitude de ne pas expédier tout ce qu’il avait d’écrit, et de garder par devers lui une certaine quantité de feuillets.
  11. Le lendemain 11 me sont envoyés les feuillets 110-121.
  12. Le lendemain 16, envoi des feuillets 122-138. C’est au bas du feuillet 138 que commence le chapitre : Sophismes historiques de l’École doctrinaire des communistes allemands.
  13. Le surlendemain 19, envoi des feuillets 139-148.
  14. Le lendemain 25, envoi des feuillets 149-169.
  15. Le lendemain 1er mars, envoi des feuillets 170-199.
  16. Le lendemain 9, envoi des feuillets 200-246.
  17. Cette expression de « sentier », employée par Bakounine ce jour-là et les jours suivants, se rapporte à la digression sur le système des doctrinaires français, qui commence au feuillet 247, et se poursuit jusqu’au feuillet 286. L’auteur, à en juger par un brouillon de cette partie de son manuscrit, qui s’est conservé, paraît avoir beaucoup tâtonné avant de trouver la façon dont cette digression devait se rattacher à l’ensemble, et de fixer les divisions numérotées en lesquelles elle est partagée (le brouillon comprend vingt numéros, la mise au net n’en comprend que treize).
  18. Bakounine jugeait évidemment que la digression prenait des proportions excessives, et se demandait par quelle transition il pourrait revenir à son sujet.
  19. Le lendemain 16, envoi des feuillets 247-272.
  20. Cette « fiction » est certainement celle dont il parle au début de la note immense qui commence au bas du feuillet 280. Lorsque Bakounine, à son retour de Florence, recommença à écrire (5 avril), il « développa » si bien la « fiction », que celle-ci occupe soixante-quatre pages d’impression dans le tome Ier des Œuvres (1895), où Max Nettlau l’a publiée sous le titre de Dieu et l’État, emprunté à la publication faite par Élisée Reclus et Cafiero, en 1882, d’une autre partie de ce même manuscrit.
  21. Le lendemain 18 mars, envoi des feuillets 273-285.
  22. Il s’agit de la continuation de la grande note qui s’étend sur les feuillets 286-340, feuillets qui ne me furent pas envoyés.
  23. La note est demeurée inachevée, et par conséquent la brochure aussi.
  24. Dans une autre lettre, du 9 juin, Sibiriakof ajoutait : « Peut-être dans un ou deux mois peut-on quelque chose envoyer, mais en tout cas la somme envoyée, et qui est la seule que nous disposons, ne dépassera pas 200 francs ».
  25. Il n’eût pas été possible de donner dans le présent volume ces deux morceaux, le Préambule et l’Avertissement, sans l’enfler démesurément. On les trouvera au tome  IV.
  26. Ce manuscrit est encore inédit, sauf les feuillets 123-132 qui ont paru dans L’Almanach du peuple pour 1872 (Saint-Imier), sous ce titre : Organisation de l’Internationale.
  27. Ce manuscrit (dont les 28 premiers feuillets sont perdus), a été utilisé en partie (feuillets 38-55 et 58-78) pour la rédaction du Mémoire de la Fédération jurassienne (Sonvillier, 1873) ; quatre autres fragments (feuillets 29-36, 57-58, 74-81, 88-110) ont été publiés dans le tome Ier de L’Internationale, Documents et Souvenirs, par James Guillaume (Paris, 1905).
  28. Bakounine avait songé à joindre encore à L’Empire knouto-germanique, outre l’Appendice philosophique (Considérations sur le fantôme divin, etc.), un autre appendice, ou bien un chapitre spécial, où il se proposait de traiter une question qui lui tenait fort à cœur, la question germano-slave. Il l’avait annoncé à la page 90 de la première livraison de l’Empire knouto-germanique (voir Œuvres. t. II, p. 413), où il dit : « À la fin de cet écrit, en jetant un coup d’œil sur la question germano-slave, je prouverai par des faits historiques irrécusables que l’action diplomatique de la Russie sur l’Allemagne a été nulle ou presque nulle jusqu’en 1866 ; et qu’à partir de 1866, le cabinet de Pétersbourg a puissamment contribué à la réussite des projets de Bismarck ». Cet appendice ou ce chapitre ne paraît pas avoir été rédigé ; mais Bakounine a traité à plusieurs reprises la question dans d’autres écrits, en particulier dans une Lettre aux Sections internationales du Jura (encore inédite), de 1872, et dans son livre russe Gosoudarstvennost i Anarkhia, publié en 1873.