Bepred Breizad/À la Campagne
Assis sur l’herbe, à l’ombre d’un châtaignier, — près d’un fossé couvert de genêts aux fleurs jaunes, — je regardais tour-à-tour le ciel et la terre… — le soleil était clair et le vent tiède. —
Et je me disais : « Qu’il fait beau vivre — à la campagne, au mois de mai ! partout l’on voit à présent, — dans les bois, dans les prés, des feuilles vertes et des fleurs, — partout des parfums, dans les champs et les chemins.
» Le coucou, le ramier et le merle au bec jaune — chantent de tous côtés ; au-dessus de ma tête même — est un petit pinson, si gentil et si joyeux !… — Comme s’élève vers le ciel le chant aigu de l’alouette !
» Là-bas, au loin, j’entends mugir dans la prairie — un taureau, et plus loin encore un cheval hennir… — Mais d’où vient tant de bonne odeur ? — ce n’est pas du buisson de digitales qui est là à mes pieds.
» Non, quand je détourne la tête, je vois là-bas, au loin, — dans le champ, un buisson d’aubépine blanche : de là le veut — apporte le parfum jusqu’à moi… Voilà qu’à Plouaret — sonne un baptême ! Cloches de mon pays, sonnez ; —
» Sonnez, et faites connaître à chacun dans le pays, qu’un petit ange blanc est de retour sur notre terre ! — les cloches sonnent gaîment, — mais l’enfant pleure. — Dis, pourquoi pleures-tu de la sorte, enfant ? —
» Ton père est si joyeux, et le temps est si beau ! — Tout le long du chemin le rossignol et l’alouette — chantaient si bien sur ton passage ! Dans la haie, dans les champs, — ce n’était que chants et fleurs qui parfumaient !
» Regretterais-tu donc, petit enfant, d’être venu dans ce monde ?… — L’enfant ne dit mot, mais il pleure toujours : — et les cloches sonnent, et le prêtre chante : — Te Deum laudamus !… et personne ne s’inquiète des pleurs de l’enfant ! —
» Et pourquoi donc pleure-t-on en naissant ? — pourquoi pleure-t-on dans la vie, pourquoi pleure-t-on en mourant ? — Petit enfant, dis-moi, toi tu le sais peut-être : — oh ! dis-moi, mon enfant, ce que cela signifie ? —
» Peut-être… » Mais où donc va ce cheval affolé ? — Toute sa crinière est au vent, et sa queue est roide. — Il court, il hennit, la tête haute, — et ses yeux brillent comme deux charbons enflammés ! —
Voilà qu’il saute, par-dessus la clôture, dans la grande prairie ! — Là est une jeune jument sur l’herbe verte !… — Au bas de la prairie, là-bas, parmi les aulnes, écoutez — comme chante la tourterelle, près de l’eau courante ! —
Mais le soleil descend là-bas, derrière la colline ; — les cloches du Vieux-Marché sonnent le glas du soir, — Piarrik, le vacher, rassemble ses bêtes, — tout en claquant du fouet ; il est temps de rentrer. —
Voilà comme je passe mes journées ici. — Un livre à la main, mais sans y regarder, — je vais de champ en champ, d’un hêtre à un chêne, — ou je m’étends dans les hautes herbes, les fleurs au-dessus de la tête. —