Bepred Breizad/Fanchik et Janik
Hier soir, après la chaleur, — comme j’étais à me promener par les champs, — j’entendis une voix claire et haute — qui chantait, du côté des prairies. —
— « Je vais encore une fois jusqu’à la maison de ma maîtresse, — et quand je perdrais ma peine, souvent je l’ai fait : — tout le monde me dit que je perds mon temps, — et moi je ne veux pas les croire. » —
Et je m’arrêtai, pour écouter : — et peu après j’entendis — une autre voix, parmi les hêtres, — qui chantait ainsi : —
— « Ma maîtresse est bien faite de corps, sa démarche est gracieuse, — elle est rouge comme une rose, et ses yeux sont bleus. » —
À leurs voix, il était facile de reconnaître — que ce n’étaient encore que des enfants, — gardant les vaches dans la prairie, — l’un garçon, l’autre fille. —
— « Jânik ! — criait le gars Fanchik, — où donc « es-tu, que je ne te vois pas ? — Lève un peu ton bâton en l’air. — Tiens ! tiens ! me vois-tu maintenant ? —
— « Non da ! viens au milieu de la prairie, — là-bas, près de la vache à tête blanche. — Tiens ! — ah ! à présent je te vois bien, — avec ta jupe bleue et nu-pieds. —
— » Tes vaches sont-elles difficiles à garder ? — oui, mon taureau et ma vache noire, — sur le trèfle, dans l’autre champ, — sont à l’instant, dès que je m’écarte. —
— » Quand reconduiras-lu tes vaches à l’étable ? — quand sonnera l’Angélus ; et toi ? — moi aussi. — Tu as le loisir alors — de faire ce que tu veux ! —
— « Ce n’est pas vrai ; il me faut encore — laver les pommes de terre et faire — du feu dessous, jusqu’à ce qu’elles cuisent, — et, souvent, écurer le chaudron. —
— » Et moi donc : mettre à manger aux chevaux, — chercher les pourceaux, les renfermer à l’étable, — chercher les montons sur la lande, — une demi lieue d’ici, sans mentir. » —
— » Fanchik, viens ici un peu. — Mes vaches iraient voler. — Non, pour un instant seulement, — moi, j’ai des pommes et des cerises ! —
— » Des pommes ? — tu as des pommes, toi ? — » Oui, mon gars, des pommes rouges et bonnes ; — je » t’en donnerai plein tes poches, — mais il faudra » n’en rien dire à mon père ! » —
Et voilà Fanchik qui saute par dessus la clôture dans la prairie ! — Il est près de Jânik, — léger et les yeux pétillants, — et son petit cœur bat dans sa poitrine, —
Et des rires, des chants, de la Joie ! — Je les vois à présent là-bas, tous deux, — sur leur tête des guirlandes, — et assis sous les hêtres. —
Ils ont quantité de fleurs de toute sorte, — digitales, genêts et aubépine blanche, — et d’autres fleurs encore, de toutes les couleurs, — et ils chantent à tue-tête.
Pendant ce temps-là, les vaches sont à rapiner, — sur les choux, sur le trèfle, — sur le blé et sur les pommes de terre : — mais voilà que survient la mère de Fanchik, Fanchon ! —
Hélas ! et aussitôt les coups — de pleuvoir sur le pauvre garçon, — coups de poing et coups de bâton : — assez ! assez ! mère sans pitié ! —
Ah ! Fanchik, mon pauvre garçon ! — celui qui rêve cerises et pommes, — n’attrape souvent des femmes — que crève-cœur et tourments ! —