Bepred Breizad/La Femme du Cheminod
Marguerite Keralsy était une fille — gaie et jolie, on ne peut le nier, — et nulle part vous n’eussiez vu — jeune fille mieux parée. —
Oui, c’était là une élégante, — et quoiqu’elle ne fut qu’une servante, — dans toute la paroisse vous n’eussiez pu en trouver — une autre ayant de plus beaux vêtements. —
Tous les jeunes gens du pays — l’aimaient et cherchaient l’occasion — de lui faire leur cour, — aux pardons et aux aires neuves. —
Mais elle ne faisait que se moquer d’eux, — et détourner dédaigneusement les yeux : — « Arrière ! disait-elle, le garçon vacher ! — je ne veux pas de gens de ta sorte !
« Je ne veux pas d’un mangeur de bouillie, — un morveux, un imbécile, — pas davantage d’un fouisseur de terre ; — je ne suis pas pour des gens de cette espèce, le savez-vous bien ? » —
Belle Marguerite, je connais votre père, — votre mère aussi, de bons chrétiens, — qui vivent avec peine et dans la pauvreté ; — c’est une pitié de vous entendre ! —
Voilà la belle Marguerite mariée, — mariée à un homme qui gagne beaucoup d’argent : — elle a épousé un Cheminod — dont le nom est Limousinod.
Limousinod est de pays lointain, — il n’est pas né en Basse-Bretagne : — il est mis comme un Monsieur, — il est savant comme un Recteur. —
Il ne parle que le meilleur Français, — et il dédaigne le Breton — et méprise tous les enfants d’Armor ; — Ah ! c’est là un gaillard ! —
Il aime beaucoup le cidre et le vin, — et la bouteille et la chopine — sont, je crois, les outils — qu’on lui voit le plus souvent entre les mains. —
Huit jours entiers ont duré — les danses et les festins de la noce, — si bien que tous les gens sensés disaient : — « Ceci passe la mesure ! » —
Hélas ! voici maintenant une autre danse ; — Limousinod, le méchant, — ne fait que dépenser de l’argent — et battre parfois la belle Marguerite !
Et, ce qui est pis, l’homme sans conduite, — après avoir tout mangé et bu, — a décampé un beau matin, — et nul ne sait où il est allé. —
Et il n’est rien resté, — ni argent, ni vêtements, ni pain, — à la pauvre Marguerite, rien, si ce n’est un enfant, — un petit enfant près de naître. —
11 ne lui est resté, pour tous biens, — qu’un chapeau de paille, une vieille culotte, — des bouteilles vides et deux pipes,… pauvre femme voilà toute votre fortune ! —
Jeunes filles de Basse-Bretagne, — les gens venus de pays lointains, — et qui sont habillés comme des Messieurs, — Cheminods et Gallos,
Méfiez-vous en, jeunes filles, — et ne les croyez pas trop facilement : — mais prenez-moi un Breton, — un travailleur, un bon Chrétien ! —
- ↑ Ces poésies, pour la plupart, peuvent se chanter sur quelque vieil air.