Bepred Breizad/La belle Jeanne
En été, au mois de juin, à l’époque où le faucheur — fauche les prés, quand chantent l’alouette, — la colombe, la tourterelle, quand les champs sont pleins — de blé vert et de trèfle, et les chemins de parfums ;
Quand brille le soleil au firmament, quand chaque oiseau fait son nid, — dans la haie ou sur l’arbre, un lundi, vers le soir, — la belle Jeanne disait à Yvonne Rosmad, — quand elles étaient à traire les vaches, toutes les deux, au coin d’un pré : —
— « Le trouve bon ou mauvais qui voudra, — je m’en soucie peu, mais je dis et je dirai, — cette année je me marierai ! « Courbée par la vieillesse, — et la peine, la vieille Marguerite lui dit alors : —
— « C’est vous qui êtes recherchée, par dessus toutes, Jeanne, — par les jeunes gens du pays ! mais prenez garde, ma fille, — car vous êtes encore bien jeune ; choisissez-moi toujours — un bon chef de ménage, avec des champs et du bétail.
» lannik Lagadec est un garçon qui a bonne mine ; — il est vigoureux et courageux, comme son père ; — il ne boit ni ne joue, c’est un homme de tête ; — son grenier est plein de grain, et son étable, de bœufs. —
» Tout le monde, au pays, sait que son père est riche, — et, si vous voulez m’écouter, je vous dirai, ma poulette : — sans biens, ordinairement, l’amour dure peu ! — Plus tard vous verrez si je dis vrai ! —
— » Iannik Lagadec ! un imbécile comme ça ! — À quoi donc me servirait alors d’être jolie ! — il aime tant ses chevaux et ses vaches, le gars Iannik, — qu’il ne trouverait pas le temps de m’aimer un peu !
» Parlez-moi de Jobik, du moulin du grand étang, — avec ses cheveux jaune-d’or et ses yeux bleus ! — rien que pour une bonne parole de lui, ou pour une œillade, — je donnerais cent fois Iannik, avec tous ses biens ! —
— » Oh ! fillette à la tête légère, prenez garde, le temps — est cruel et impitoyable, et il abat vite — amour de jeunes gens ; et après, trop souvent, — il ne reste que pauvreté, chagrins et misère ! —
— » Dites-moi, grand’mère, que ferai-je avec de l’argent, — pendant que je serai aimée, et jeune et jolie ? — Acheter des chevaux et des vaches, ou ramasser une pleine bourse d’or ? — Ah ! j’aime mieux de l’amour, et quand je devrais être pauvre ! » —
Ils sont maintenant mariés, Jeanne et Jobik, — et depuis longtemps la vieille Gaodik est morte : — la bénédiction de Dieu soit avec eux, et puissent les paroles de la vieille — ne pas tourmenter l’esprit de Jeanne, la nuit !