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Bepred Breizad/La vieille langue de nos Pères

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Bepred Breizad — Toujours Breton
J. Haslé (p. 257-265).


LA VIEILLE LANGUE DE NOS PÈRES.




Qui dit que sont morts en Bretagne, — l’esprit des anciens et leur foi, — et que, chaque jour, nous perdons notre langue ? —

Qui dit que ce sera le Français — qui vaincra le Breton, — ou le saule, le chêne solide ? —

Il est bien vivant, l’esprit de nos pères, — et aussi longtemps que le monde il durera, — car nous le préférons à la richesse. —

Nos vieilles poésies, nous les chantons encore, — dans la montagne, sur le rivage de la mer bleue ; — et comme aujourd’hui, nous les chanterons encore demain. —

Aussi longtemps qu’il y aura de la bruyère en Basse-Bretagne, — et sur le rivage de la mer bleue des rochers, — notre vieille langue ne saurait mourir. —

Envoyez des maîtres d’école dans nos campagnes, — dans chaque bourg, dans chaque ferme, — pour faire la guerre à notre langue ; —

Vous aurez beau envoyer vos maîtres d’école, — les gars d’Armor ont la tête dure, — et ne les écouteront nullement. —

Si vous ne coupez la langue de l’enfant, — de l’enfant qui vient de naître, — ce sera peine perdue que toute votre guerre. —

Et si vous nous fermez la bouche, — de leurs tombes, dans chaque cimetière, — vous verrez les anciens se relever ;

Pour apprendre à nos petits enfants, — à parler leur langue, à chanter leurs gwerz, — et à fréquenter les pardons. —

Laissez les enfants de Breiz, gens de France, — laissez-les, ils ne font point de mal, — et tournez ailleurs votre esprit.

Laissez-nous nos vieilles coutumes, — nos églises et nos croix, — et la langue de ceux qui dorment dans leurs tombeaux ; —

Nos contes auprès du feu, — après le travail et la peine, — durant l’hiver, après le repas du soir.

Laissez-nous nos prêtres, — pour nous dire la messe, — que chacun entend, d’un bout à l’autre ; —

Et les pardons, quand vient l’été, — où nous allons tous, bien portants ou malades, — pour prier, pour danser ou pour boire. —

Les jeunes (y vont) pour faire la cour, — à la jolie fille, à la pennherez — qu’ils désirent pour moitié de ménage (pour femme). —

Je le jure, les enfants de Breiz, jamais — ne commettront de désordre en aucun lieu, — et ne se plaindront en aucune façon. —

Mais tuer notre langue bien-aimée ! — pour cela vous ne le ferez pas, gens de France, — et vous n’aurez que du temps perdu ! —

Comme la ileur de genêt dans nos champs, — sur la terre de Breiz poussent des églises, — des croix de pierre, des sônes et des gwerz ! —

Aussi longtemps qu’il y aura des rochers au rivage de la mer, — aussi longtemps le vieux barde chantera sur le seuil de sa porte, — et toujours dans la vieille langue d’Armor ! —


— FIN. —