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Bepred Breizad/Notre-Dame de Saint Caré

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Bepred Breizad — Toujours Breton
J. Haslé (p. 101-115).


NOTRE DAME DE ST CARÉ.


Sur l’air du Roi Gralon :
« Qu’y a-t-il de nouveau dans la ville d’Is ? etc… »


I.


Iannik Kerlan était un bon gars, — la tête haute, l’œil bleu, — les joues rouges, les cheveux blonds, — et chantant gaîment une chansonnette.

Aux pardons, aux aires-neuves, — les filles de Plouaret, de Plounévez — le trouvaient toutes et fort et beau, — et toutes aussi le recherchaient.

Hélas ! celui qui verrait maintenant — le pauvre Iannik, malade sur son lit, — amaigri, affaibli et tout pâle, — hélas, ne le reconnaîtrait pas ! —

II.


La pauvre mère disait — à son fils, — le jour du pardon de Saint Caré : — « Iannik, Iannik, mon fils chéri, — lève-toi un peu et sortons :

» Vois, mon fils, vois le beau temps ! — Comme le soleil béni est clair ! — N’entends-tu pas le chant des petits oiseaux ? — partout des fleurs dans les champs ! » —

— « Mon mal est si grand, ô ma mère, — que je ne vois ni n’entends rien, — ni la lumière du soleil béni, — ni le chant des petits oiseaux !

» Je ne rêve qu’à Marguerite : — Elle est morte, hélas ! et mon pauvre cœur — est brisé de douleur, — et ne guérira plus jamais ! » —

— « Lève-toi, mon fils, Dieu est grand, — et il te donnera encore la santé : — C’est aujourd’hui le pardon de Saint Caré, — la Sainte Vierge te guérira.

» Allons donc prier la Vierge, — pleine de pouvoir et de bonté, — celle-là guérira ton cœur, — quelque grand et profond que soit le mal ! » —


III.


Dans le clocher les cloches sont en branle : — que de croix d’or, que de bannières — brillent au soleil, que de peuple, accouru de loin ! —

Des fleurs de toute sorte, et rouges et blanches, — sont jetées devant les prêtres : — et des chants, et des petits enfants — habillés de blanc et tenant des cierges à la main. —

Jésus, la belle procession, — autour de l’Église de Notre-Dame ! — et la pauvre mère et son fils suivent, — les larmes aux yeux.

Et ils prient et chantent, — et disent du fond du cœur : — « Marie, pleine de bonté, — ayez pitié de nous, ô Sainte Vierge ! » —


IV.


La Sainte Vierge de Saint Caré — a fort à faire aujourd’hui encore ! — Ou lui a mis une robe de satin-blanc, — et sur la tête une couronne de fleurs des champs.

Et de tous les coins de Breiz-Izell, — et de près et de loin, — les malades et les infirmes, — viennent la voir, le jour de son pardon.

Tous lui consacrent des cœurs — brisés de douleur, ou des mains, — ou des pieds de cire blanche, tous couverts de plaies, — chacun selon sa maladie. —

Celui qui lui consacre un pied ou un cœur de cire, _ voit tôt après, sans faute, — guérir son pied ou son cœur malade, — que ce soit un enfant ou un homme déjà âgé. —

Plusieurs sont venus dans ce lieu avec des béquilles, — que l’on voit maintenant aux luttes, — ou dansant au pardon, — dès que la bombarde[1] se fait entendre. —

La mère prend un cierge de cire — blanche, comme la neige sur la terre, — et le pétrit en forme de cœur, — devant l’image de Notre-Dame.

Elle le donne à son cher fils, — et dit : « Prenez, Iannik, — allez et consacrez-le à la Mère de Dieu, — et tôt après vous vous trouverez guéri, » —

Iannik prend le cœur de cire, — le consacre à la Vierge, et dit : — « Vierge Marie, qui êtes si pure, — je veux vous dire ma peine : —

» Le jour du pardon de Saint Pierre je vis, — devant le saint, en son Église, — Marguerite… comme elle était belle ! — et moi je n’étais qu’un pauvre pâtre ! —

» Vierge Marie, Mère de compassion, — Mère du Dieu tout-puissant, — nuit et jour, pendant que je serai dans ce monde, — on m’entendra dire : —

» Gloire et louange à la Vierge, — pleine de pitié et de bonté ; — chantons tous à la Vierge Marie : — Gloire, amour et louanges ! » —


V.


Le fils et la mère sont couchés — dans une petite et pauvre chaumière : — et voilà qu’entre dans la maison — la Mère de Dieu, la Vierge Marie.

Sans faire de bruit, tout doucement, — elle pose la main sur le cœur de Iannik, — elle lui sourit aussi, — après quoi elle se retire.

Au matin, quand se réveilla — la mère, hélas ! son 0 fils était mort ! — le soleil levant remplissait la chaumière, — et il paraissait lui sourire encore. —

Elle se jette à terre, — sur ses genoux et s’écrie : — « Gloire à la Vierge Marie. — qui guérit toute douleur et toute plaie !

» Gloire à Marie en tout temps, — puisqu’elle a guéri mon cher fils ! — Mon fils Iannik est maintenant — à chanter avec les anges de Dieu ! » —

  1. Sorte de hautbois qui accompagne le Biniou aux danses bretonnes.