Bepred Breizad/Prière du matin des Moissonneurs
Aussi rouge que la braise dans un four, et éclatant, — se lève le soleil de mon Dieu, le Maître tout-puissant : — Aujourd’hui encore le temps sera et beau et chaud, — et ce sera un plaisir de moissonner dans les champs de Breiz. —
Mais avant le soleil, aussitôt le chant du coq, — tous les gens de la ferme se sont levés, — et, après avoir vidé chacun son écuelle, — les voilà, sans plus de retard, en route vers le champ.
Chacun d’eux porte une faucille : d’abord viennent les hommes, — et ils sont suivis de près par les femmes : — ils marchent en silence et suivent un sentier, — sous les buissons, parmi les fougères.
La rosée du matin brille sur l’herbe, comme des étoiles. — les perdrix s’appellent de tout côté, parmi les bleds, — et le merle, la grive et le roitelet — chantent si gentiment leurs chansons, sur la branche ! —
Chacun élève sa voix, et aussi sa prière — vers le Seigneur Dieu, et chante si gaiment — les louanges de Celui qui créa toutes choses dans ce monde, — avant de descendre à terre, pour chercher sa pâture ! —
Et l’homme seul resterait sans élever — sa voix et son cœur, de cette vallée, — vers son Dieu ! Les animaux privés de raison, — sans mentir, vaudraient alors mieux que les hommes ! —
Oh non ! Cela se voit, peut-être, ailleurs, — comme au pays des Anglais, et même, hélas ! au pays de France, — mais non parmi nous, non sur la terre de Breiz, — le pays des hommes droits et bons, au cœur plein de foi. —
Voyez ! — Avant toute chose, avant de commencer la journée, — avant d’aiguiser la faucille, pour entamer un nouveau sillon, — les voilà tous à genoux, dans la rosée du matin, — tête nue, et tournés vers le levant.
Et maintenant écoutez : le plus âgé d’entr’eux — dit la prière, à voix haute et claire, — et les autres reprennent après lui, — agenouillés de tous côtés, parmi l’herbe et l’avoine. —
Au nom du Père, — au nom du Fils, — au nom du Saint-Esprit, — au nom de la Trinité. — Amen ! —
Notre père qui êtes aux cieux, — que votre nom soit loué ; — que votre règne arrive, — comme dans le ciel, parmi nous.
Donnez à nous tous enfants de Breiz — la paix, avec le pain de chaque jour, — et pardonnez-nous nos fautes, — comme nous pardonnons à ceux qui nous font du mal.
De tout mal préservez-nous, — et par dessus tout, de l’esprit malin : — Seigneur, écoutez notre prière, — et que votre volonté soit faite. — Amen ! —
Je vous salue, Marie, mère et Vierge, — vous êtes pleine de pouvoir et de bonté, —
En vous notre Sauveur est conçu, — et vous êtes bénie par dessus toutes.
Oui, par dessus toutes les femmes du monde, — et aussi le fruit que vous portez, — si pur et si charitable, — le Sauveur du monde, votre Fils Jésus ! —
Sainte Marie, mère de Dieu, — priez pour nous en tout temps, — maintenant, et à l’heure si amère, — où viendra nous frapper la Mort ! —
Encore un Pater et un Ave, — pour remercier notre Sauveur, — mort pour nous sur la croix, — de nous avoir donné une bonne moisson ;
Et pour demander qu’il lui plaise — de nous continuer sa bonté, — et aussi ce temps favorable, — pour récolter notre blé et nos fruits. —
Maintenant récitons les Litanies, — de la sainte Vierge, mère de Jésus, — pour qu’elle écoute nos plaintes, — comme une mère compatissante ; —
Et pour demander une bonne mort, — quand il faudra quitter cette terre, — pour être jugés par le Père, — jour heureux ou jour rempli d’horreur ! —
Disons encore un De profundis — pour tous nos parents décédés, —
Pour nos amis, nos compatriotes — qui ont été appelés par Dieu : —
Un autre pour toutes les âmes — retenues dans les feux du purgatoire, — pour que le Seigneur daigne — les recevoir un jour dans sa gloire. —
Du milieu du puits profond des angoisses, — je crie vers vous, Seigneur ; — Seigneur, écoutez ma plainte.
Prêtez votre oreille, ô mon Dieu, — devers ma voix
plaintive — et soyez-moi compatissant ! —
Si vous nous jugez selon nos iniquités, — Seigneur
qui sera trouvé — assez pur pour être sauvé ? —
Mais vous nous jugerez avec chanté, — et nous donnerez la vraie vie, — car votre loi n’est pas impitoyable ! —
Je suis plein de confiance en votre parole, — vous êtes rempli de bonté, — vous ne me perdrez pas, mon Seigneur !
Depuis le matin jusqu’au soir — je demande constamment
votre grâce, — et je l’attends plein de confiance.
Car vous êtes plein de bonté, — de pouvoir et de chanté — pour racheter le pauvre pécheur.
Oui, vous écouterez la prière du pécheur, — car ils sont tous vos enfants chéris, — et vous serez leur Sauveur à tous ! —
Au nom du Père, — au nom du Fils, — au nom du Saint-Esprit, — au nom de la Trinité. —
Et les petits oiseaux faisaient aussi leur prière, — et chantaient si joyeux, dans les arbres, au-dessus de leurs têtes, —
Comme l’orgue chante l’ò Salularis, — à la grand-messe, sous la voûte de l’église. —
Et maintenant, bons gars, travailleurs courageux, — allez, entamez le sillon : et le blé nourrissant — sous vos faucilles bien aiguisées, le seigle, l’avoine, — tomberont derrière vous, comme le foin sous la faux du faucheur. —
Le travail est plus léger après la prière ; — faites le signe de la croix, et partez… et maintenant, voyez, voyez ! — Oh ! les bons moissonneurs ! le champ est plein d’avoine, — mais tout sera coupé avant la fin du jour. —
Bientôt le sifflet du chemin de fer, — venant du côté de la France, aura beau retentir à leurs oreilles, — ils ne détourneront même pas la tête pour regarder, — quand ils seront au travail ou en prière !
Et aussi longtemps qu’ils conserveront la langue de leurs pères, — et qu’ils préféreront la Foi à la richesse, —
Aussi longtemps qu’ils prieront ainsi, matin et soir, — pour demander à Dieu de répandre ses bénédictions sur leur peine ; —
Soyez sans crainte : le serpent rouge prédit — par Merlin, le vieux Barde, peut venir en sifflant, — à travers nos champs et nos landes, — broyant nos rochers, écrasant nos fleurs ; —
Jamais il ne pourra entamer, en aucune façon, nos cœurs, — ni étouffer notre vieille langue, avec nos gwerz et nos sônes, — et notre foi en Dieu notre Seigneur, notre vrai père ; — tout homme en Breiz dira : « Je suis toujours Breton ! » —