Bibliothèque Canadienne/Tome I/Numéro 1/Économie rurale

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La Bibliothèque Canadienne, Tome I, Numéro 1, Texte établi par M Bibaud, éditeur et propriétaire, Imprimerie J. LaneVolume I, Numéro 1 (juin 1825) (p. 17-18).
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ÉCONOMIE RURALE.

J’ai vu des cultivateurs employer avec succès un moyen bien simple pour entretenir la santé de leurs bestiaux, et prévenir les maladies auxquelles ils sont sujets, à la suite de l’hivernement. Ils purgent leurs vaches, le printems, en leur donnant, pendant quelques jours, pour toute nourriture, de petites branches, ou des bourgeons, de quelques uns de nos arbres résineux, tels que ceux qu’on nomme ici petite pruche, petit pin, épinette, &c. D’autres se contentent de faire tout uniment infuser de ces branches ou bourgeons dans de l’eau qu’ils font ensuite boire à leurs animaux. Il en est enfin qui, pour parvenir au même but, prennent encore une voie plus courte ; c’est de conduire les animaux dans les bois où il se trouve de ces arbres, au printems, avant que l’herbe ait commencé à croître dans les pâturages. On sait avec quelle avidité les animaux attaquent les arbres dans cette saison, pour en manger les bourgeons et les rameaux, et il n’en faut pas plus pour produire l’effet désiré. Outre l’avantage d’agir comme remède, cette nourriture a encore celui de rendre le lait des vaches beaucoup plus salubre pour ceux qui en font leur nourriture. Il serait, ce me semble, désirable de voir une coutume aussi utile devenir plus commune : elle préviendrait souvent des maladies dangereuses. On peut à ce sujet se rappeler combien des épizooties ont fait de ravages dans ce pays, à plusieurs reprises, dans des étés souvent brûlants qui succèdent presque subitement à nos longs et rigoureux hivers. Il est bien probable que cette précaution suffirait souvent pour mettre en grande partie les animaux à l’abri des dangers qui en résultent.

M. Gennete, qui a été premier physicien de Napoléon, est inventeur de plusieurs instrumens ou machines propres à hâter et faciliter le défrichement des terres incultes. L’une de ces machines sert, suivant le Dictionnaire de l’Industrie, à extirper dans les champs situés près des bois, les troncs ou les racines qui interrompent le travail de la charrue, et à arracher les souches des endroits où l’on veut semer du grain. Une seconde machine sert à peler les gazons des friches, et une troisième à épierrer les champs.

Lorsqu’on a enlevé la terre, et coupé avec le hoyau les principales racines qui retiennent les troncs d’arbres, on les enlève, au moyen de la première machine, qui sert aussi à les placer sur une voiture pour les transporter, si on ne veut pas les brûler sur le lieu. La seconde machine, propre à couper les gazons des landes et des terres en friche, est susceptible de plusieurs mouvemens différents et successifs : par le premier, on pèle la terre et l’on tranche les racines des gazons ; par un second, on secoue les gazons coupés et l’on en éparpille la terre ; par un troisième, on ramasse les gazons en tas, pour les brûler lorsqu’ils seront desséchés, et fournir au sol des sels propres à la végétation. La dernière machine a aussi plusieurs mouvemens qu’on fait succéder les uns aux autres ; par le premier, elle arrache les pierres hors de terre et les jette à la surface ; par le second, elle ramasse ces pierres ainsi détachées, et les ramène sur le bord du champ ; et par un troisième mouvement, elle transporte ces pierres des bords du champ, où elles ont d’abord été mises, à un tas commun ; deux chevaux suffisent pour faire aller la machine dans ces trois circonstances. Ces machines, surtout la première et la troisième, pourraient être d’une grande utilité dans ce pays.

Le même mécanicien a inventé une charrue propre à trancher et extirper toutes les racines qui se présentent dans les défrichemens. Dans cette charrue, au lieu du coutre incliné, qui ne peut couper les racines, parcequ’il ne les saisit que par son extrémité, un soc de forme triangulaire, dont la crête se termine en tranchant, saisit les racines de la manière la plus avantageuse et les coupe facilement.

Dans un canton de la Marche de Brandebourg, où l’on voulait extirper des sapins, pour mettre le terrain en culture ; on se trouva assez embarrassé en voyant que soit qu’on brulât les arbres, ou qu’on les abattît, ils repoussaient du pied et produisaient des racines qui arrêtaient la charrue. On s’aperçut enfin que ceux autour desquels on avait fait des feux de paille suffisants seulement pour noircir l’écorce, pourrissaient jusqu’aux racines, en trois ou quatre années. Cet expédient peut être pratiqué utilement, lorsqu’il s’agit d’arbres résineux ; et la raison en est que la résine fondue dans l’intérieur ne pouvant s’extravaser, obstrue les vaisseaux ; d’où il résulte que la sève s’altère par son séjour.