Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAUDOUIN, François

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*BAUDOUIN (François), l’un des plus célèbres d’entre les jurisconsultes et les théologiens de son temps, naquit à Arras, alors ville des Pays-Bas, le 1er  janvier 1520, et mourut à Paris, le 24 octobre 1573. Son père était procureur fiscal au conseil d’Artois et appartenait à la noblesse du pays. Pierre Bayle, qui n’était cependant pas sans reproche, prend à partie notre savant à cause de sa faiblesse de caractère et de l’inconstance de ses opinions. Il est vrai que Baudouin ne se sentait aucun goût pour le martyre, et qu’il changea jusqu’à sept fois de religion. Mais il vivait à une terrible époque, où il était malaisé de se réfugier dans le quiétisme mystique tant aimé par Juste-Lipse et qu’avaient préfessé Érasme et Cassander ; aussi, loin de lui décerner les épithètes mal sonnantes qu’il s’attira de plusieurs de ses illustres contemporains, dirons-nous qu’après s’être heurté à l’intolérance de toutes les églises, grandes et petites, et de tous les partis, il abdiqua la recherche du mieux, et, de guerre lasse, acheta fort cher le repos et peut-être l’oubli. Il avait été élève de l’Université de Louvain où l’on conserva longtemps le souvenir de ses brillantes études. A vingt ans, en 1540, il vint à Paris et y vécut sous le toit du célèbre jurisconsulte Charles Du Moulin. Après une courte apparition dans sa famille, en 1542, et une très-problématique visite à la cour de Bruxelles, il retourna à Paris et y publia ses commentaires sur Justinien dont quelques exemplaires portent : Louvain, sur le titre comme lieu d’impression. C’est à ce moment-là que lui arriva une fâcheuse affaire : Il avait conversé à Arras avec un grand hérétique auquel on fit un procès et que l’on brûla vif. Il fut ajourné comme complice, et, n’ayant pas comparu devant les inquisiteurs de Tournai, puni, par contumace, d’un bannissement perpétuel avec confiscation de ses biens. Cette sentence fit du bruit ; elle poussa Baudouin à courir le monde. A Strasbourg, il se lia avec Bucer, et il alla à Genève, où son abjuration lui valut toute la confiance de Calvin, dont il devait si étrangement abuser dans la suite. Pendant plus de dix ans, de 1546 à 1557, il parcourut la Suisse, l’Allemagne la France, allant ici à la messe et là au prêche, suivant les circonstances ; mais, disons-le aussi, étudiant, professant avec éclat et écrivant sans cesse les plus beaux traités du monde sur des questions de jurisprudence ou de théologie. Le chanoine Paquot donne une liste de ses ouvrages qui ne compte pas moins de trente-cinq numéros, et elle n’est pas complète. Nous ne la compléterons point dans le cours de cette notice. Nous croyons obéir davantage à l’esprit dans lequel a été conçue la Biographie Nationale, en étudiant de près quelques faits de la vie de notre savant qui touchent à notre histoire et qui n’ont pas été soumis jusqu’ici à une discussion suffisante. La sentence portée contre lui l’empêchait de revoir sa patrie. Elle fut révoquée au bout de vingt ans, le 27 mai 1563, à la demande de Maximilien de Berghes, archevêque de Cambrai et de quelques autres amis de Baudouin. Des conditions très-dures accompagnaient ce pardon ; il les accepta cependant, et s’en vint à Louvain au mois de juillet pour y abjurer, de bouche, ses erreurs et se rétracter par écrit. La publicité donnée à cet événement porta une si grande atteinte à sa réputation, qu’il nous est impossible de voir en lui le confident du prince d’Orange et le secrétaire de la révolution. Nos meilleurs historiens disent cependant qu’il rédigea le fameux Discours au roy de 1565, et quelques-uns d’entre eux vont jusqu’à lui attribuer la non moins fameuse requête des Nobles, présentée l’année suivante, au mois d’avril, à la duchesse de Parme. Voici, selon nous, ce qui peut avoir conduit à cette double erreur. Étant professeur de droit à l’Université de Douai, en 1564, il fut appelé à Bruxelles par le prince d’Orange qui se préoccupait fort, dans ce moment-là, de trouver un moyen de rapprocher les catholiques et les protestants. Notre jurisconsulte, devenu circonspect, crut devoir accepter l’entrevue, mais il demanda, à ce qu’il paraît, qu’elle eût lieu sous les ombrages discrets de la forêt de Soignes qui s’étendait alors jusqu’aux portes de Bruxelles. Le prince d’Orange y consentit sans peine. Baudouin développa à cette occasion les arguments qu’il avait présentés deux ans auparavant au roi de Navarre, également toumenté du désir d’en venir à une paix religieuse ; le prince d’Orange les approuva à son tour, et la conséquence en fut la publication clandestine d’un Commentaire sur le faict de la réformation de l’Église. Ce livre, qui fit sensation, porte la date de 1564. Le gouvernement espagnol le jugea dangereux, puisque nous rencontrons une ordonnance du 28 mai 1565 qui en défend le colportage et la lecture sous des peines sévères. Nous nous sommes assuré que le nom de Baudouin ne fut point prononcé dans cette affaire ; il ne le fut pas davantage à l’occasion du Discours au roy de 1565. C’eût été pis qu’un traité en faveur de la tolérance ; ce n’est plus, en effet, une œuvre de morale, mais bel et bien un traité de polémique religieuse, flagellant sans pitié les pères du concile de Trente et mettant sans façon l’Évangile au-dessus du pape. Baudouin, tel que nous le connaissons, Baudouin, qui, chaque fois qu’il montait en chaire à Douai, devait exalter le catholicisme et maudire et détester toutes les sectes, n’a pu écrire un pareil livre. On aura confondu le Commentaire dont nous venons de parler, et qui a été, dans la suite, hautement avoué par son auteur, avec le Discours an roy. Il protesta d’ailleurs par sa conduite contre toute supposition de nature compromettante en allant saluer à Bruxelles le duc d’Albe, qui était homme à le faire pendre sur le moindre soupçon. On sait aujourd’hui que l’auteur de la requête des Nobles était Nicolas de Hames dit Toison-d’Or. Quant au Discours au roy, il aura été composé en collaboration par Louis de Nassau, Jean de Marnix et Nicolas de Hames. L’arrestation des comtes d’Egmont et de Hornes frappa à tel point Baudouin que, craignant d’être invité à aller siéger dans le conseil des troubles à côté d’un Delrio ou d’un Vargas, il se sauva en France. Nommé, en 1568, maître des requêtes du duc d’Anjou, il commençait à se rassurer quand la Saint-Barthélémy vint de nouveau le faire trembler pour ses jours et le jeta dans un mortel embarras. On exigeait de lui qu’il composât une justification de cet acte de haute barbarie ; mais, d’après De Thou, il s’en défendit énergiquement. Son maître le lui pardonna ; il le combla même de nouvelles faveurs à l’occasion de son élection au trône de Pologne. Baudouin, devenu conseiller d’État, était désigné pour accompagner dans son royaume le nouveau souverain, quand la mort le surprit dans la force de l’âge. Paquot affirme qu’il expira dans des sentiments très-catholiques, entre les bras du célèbre jésuite Jean Maldonat.

On ne prête qu’aux riches ; c’est ce qui a démesurément allongé la liste de ses ouvrages. Voici l’indication des principaux et des plus authentiques : 1° Justiniani, sacratissimi principis, leges de re rusticâ ; interprete et scholiaste Franc. Balduino. Item : Ejusdem Justiniani Novella constitutio prima de hæredibus et lege Falcidiâ, cum latinâ interpretatione et scholiis ejusdem F. Balduini. Paris et Louvain, 1542 ; in-4o. — 2° F. Balduini Atreb. Jurisc. in suas annotationes in libros quatuor Institutionum Justiniani imper. Prolegomena sive Præfatio de jure civili. Paris, 1545 ; in-4o. — 3° Justinianus, sive de Jure novo commentariorum libri IV. Paris, 1546 ; in-12 ou in-8o du temps. — 4° Annotationes in tit. de ædilito edicto et redhibitione, et quanto minoris ex libro ΧXΙ Pandectarum, publié vers 1547. — 5° Breves commentarii in præcipuas Justiniani imp. Novellas, sive authenticas constitutiones. Lyon, 1548 ; in-4o. — 6° Ad leges Romuli regis. Ejusdem commentarii de legibus XII tabularum, 1550. Paris, 1554, in-fol. ; Bâle, 1557 ; in-8o. — 7° Constantinus Magnus, sive de Constantini imp. legibus ecclesiasticis atque civilibus commentariorum libri II. Bâle, 1556, in-8o. — 8° Catechesis juris civilis. Bâle, 1557 ; in-8o. — 9° Notæ ad libr. I et II Disgestorum sen Pandectarum. Bâle, 1557 ; in-8o. — 10° Commentarius ad edicta veterum principum romanorum de Christianis. Bâle, 1557 ; in-8o. — 11° Scævola, sive commentarius de jurisprudentiâ Mucianâ. Bâle, 1558 ; in-8o. — 12° Ad leges de Jure civili : Voconiam, Falcidiam, Juliam, Papiam Popaeam, Rhodiam, Aquiliam, commentarius. Bâle, 1559 ; in-8o. — 13° M. Minucii Felicis Octavius restitutus. Heidelberg, 1560 ; in-8o. — 14° De institutione historiæ universæ, etc., libri duo. Paris, 1561 ; in-4o. — 15° Ad leges de famosis libellis et de calumniatoribus commentarius. Paris, 1562 ; in-4o. Traité virulent contre Calvin. — 16° Responsio altera ad. J. Calvinum. Paris, 1562 ; in-8o. — 17° Ad leges majestatis, sive perduellionis lib II. Paris, 1563 ; in-8o. — 18° S. Optati lib. VI de schismate Donatistarum. Paris, 1563 ; in-8o. — 19° Discours sur le faict de la réformation de l’Esglise, s. n. n. l, 1564 ; publié également en latin, s. n. n. l. — 20° Disputatio adversùs impias Jacobi Andreæ theses de majestate hominis Christi. Paris, 1565 ; in-8o. — 21° Panégiric de F. Balduin sur le mariage du Roi. Angers, 1571 ; in-4o. — 22° Notes sur les coutumes générales d’Artois. Paris, 1704 ; in-4o. — 23° Traité de la grandeur et excellence de la maison d’Anjou, manuscrit conservé à la Bibliothèque impériale à Paris, sous le n° 9864.

C. Rahlenbeek.

P. Bayle, Dict. hist., t. I. — Paquot, Mémoires, t. III, 8°. — Eug. et Em. Haag, la France protestante, t. I. — Backhuysen vanden Brinck, Het huwelyk van Willem van Oranje. Amst., 1853. — Ch. Rahlenbeek, Notes sur les auteurs, etc., de pamphlets politiques et religieux du XVIe siècle. Bull. du Bibliophile Belge, t. XVI. — Groen, Archives de la maison d’Orange, t. I. — M. Adami, Vitæ Germ. jureconsultorum. Heidelb., 1620.