Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BEGGHE, Saint
BEGGHE, BEGGUE ou BEGGE (Sainte), première abbesse d’Andenne, morte en 694 ou 695, était fille du bienheureux Pépin de Landen et sœur de sainte Gertrude de Nivelles. Elle épousa Anségise, intendant des domaines royaux en Anstrasie, et en eut un fils, Pépin de Héristal qui devint la souche des rois de France de la seconde race. D’après les anciens hagiographes, les époux habitaient ordinairement le château fort de Chèvremont, près de Liége, qui fut détruit, trois siècles plus tard, par Notger, évêque de Liége. Anségise (voir ce nom) ayant été tué à la chasse par Gondouin, sainte Begghe se réfugia d’abord en Hesbaie (vers 673), et passa de là en Italie, où elle se décida à quitter entièrement le monde. A son retour de Rome, elle bâtit, à Andenne-sur-Meuse, sept églises ou chapelles en souvenir des sept basiliques romaines qu’elle avait souvent visitées pendant son pèlerinage au tombeau des Apôtres. Ces églises ont disparu depuis longtemps, mais on les voyait encore du temps de Miræus (1625). Quelques années plus tard (692), elle fonda, au même endroit, un monastère de filles dans le genre de celui de Sainte-Gertrude à Nivelles. Ce fut une colonie de Nivelles qui vint peupler Andenne, et sainte Begghe en fut la première abbesse. Protégé par Pépin de Héristal, qui gouvernait alors l’Austrasie, le nouveau monastère s’agrandit rapidement, et, à la mort de sainte Begghe, qui arriva deux ans après, il était un des plus florissants de nos contrées.
Le couvent d’Andenne, situé sur la Meuse, entre Namur et Huy, fut changé plus tard en un chapitre noble, qui comptait dix chanoines et trente chanoinesses. Il disparut lors de la révolution française et aujourd’hui ou n’en voit plus de vestiges.
Au nom de sainte Begghe se rattache la question de l’origine des Béguines, qui furent longtemps si populaires dans les Flandres, et qui possédaient, aux xvie et xviie siècles, des établissements dans presque toutes les villes de Belgique.
Lambert le Bègue, prêtre de Liége, qui mourut à la fin du xiie siècle, fut longtemps considéré comme le vrai fondateur des Béguinages des Pays-Bas. Plus tard, et plus particulièrement au commencement du xviie siècle, on fit remonter leur origine jusqu’à sainte Begghe, se basant surtout sur des anciens diplômes du xie siècle, trouvés à Vilvorde, et qui prouvaient que les Béguinages étaient déjà connus en Belgique plus de cent ans avant la mort de Lambert le Bègue. Ce furent principalement le professeur Puteanus, de Louvain, De Ryckel, abbé de Sainte-Gertrude et Seger van Hontsum qui s’efforcèrent de faire prévaloir cette opinion.
L’authenticité des diplômes de Vilvorde a été contestée par le docteur Hallam, qui publia, en 1843, à Berlin, une longue et savante dissertation sur les Béguinages de Belgique.
D’autres auteurs, entre autres le savant Bollandiste Corneille Smet, pensent qu’on ne peut attribuer l’établissement des Béguinages ni à Lambert le Bègue, ni à sainte Begghe, mais que le nom des Béguines pourrait bien dériver de celui de cette sainte, qui était généralement considérée comme leur patronne ; de même que les Ursulines ont emprunté leur nom à sainte Ursule, quoiqu’elle ne fût point leur fondatrice.
Enfin, outre ces trois opinions, il en est une quatrième, qui croit que les Béguinages se sont formés, aux xiiie et xive siècles, indépendamment les uns des autres, sous l’influence de l’esprit de corporation qui caractérise ces siècles, et que l’étymologie de leur nom se trouve dans le vieux mot flamand beggen, qui veut dire prier. Le nom de Béguine serait donc synonyme de femme qui prie, de fille dévote, et nous le trouvons employé dans ce sens ou bien comme épithète de mépris, dans plusieurs documents et légendes du moyen âge, tant en Allemagne qu’en Belgique.
En présence de ces opinions diverses, dont aucune ne peut fournir des preuves vraiment péremptoires, nous ne pouvons que dire, avec l’ancien poëte : Adhuc sub judice lis est.
Ghesquière, Act. SS. Belgii, t. V, pp. 70-125. — Fisen, Flor. Eccles. Leod., pp. 522-523. — Id. Hist. Eccles. Leod., pp. 395-397. — Miræus, Diplomat. belgica, t. II, p. 948. — Coens, Disput. hist. de origine Beg., 1628, et Disquisitio hist. de origine Beg., Leod. 1629. — Puteanus, De Begginarum apud Belgas institutio, etc., in opere seq. De Ryckel. — De Ryckel, Vita Stæ-Beggæ. Lovan, 163l-32. — Zegerus van Hontsum, Dectaratio veridica, etc, Antwerp. 1828. — Dr Hallam, Geschichte des Ursprunges der Belgische Beghinen. Berlin, 1843. — Butler. Vie des Saints, t. VI, p. 452. — Rettbergs, Kirchengesch., t. I, p. 306.