Biographie nationale de Belgique/Tome 8/GOFFIN, Hubert

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GOFFIN (Hubert) naquit à Saint-Nicolas lez-Liège, dans le dernier tiers du xviiie siècle. Dès sa première enfance, Goffin fut employé à l’extraction du charbon de terre ; aussi ne semble-t-il pas même avoir reçu les premiers éléments de l’instruction : il ne paraît pas qu’il ait appris à lire et à écrire, et toute sa vie il ne sut jamais s’exprimer qu’en wallon. Ouvrier modèle d’ailleurs, il finit par obtenir le poste de contremaître de houillère et par s’assurer une certaine aisance. On sait qu’il se maria vers 1798 et que, lors de la catastrophe qui l’a rendu célèbre, il était père de sept enfants, dont l’aîné, âgé de douze ans, partageait ses travaux dans les mines.

L’histoire de son dévouement est trop connue pour qu’il faille la rapporter ici dans tous ses détails. Le vendredi, 28 février 1812, vers dix heures et demie du matin, la mine de Beaujonc, où travaillaient cent vingt-sept ouvriers, fut subitement envahie par les eaux. Goffin, qui dirigeait le personnel de l’exploitation, refusa de s’enfuir, fit remonter par les bures autant de mineurs que possible, puis, l’inondation croissante ayant rendu impraticable ce moyen de salut, il conduisit au point le plus élevé de la houillère ceux de ses compagnons qui n’avaient pu prendre place dans les bennes : ils étaient au nombre de soixante-neuf, parmi lesquels Mathieu, son propre fils, qui, ne voulant pas le quitter, avait courageusement aidé au sauvetage des travailleurs. À la nouvelle de cette catastrophe, une galerie souterraine fut dirigée de la bure voisine de Mamonster vers l’endroit où l’on supposait que Goffin et ses hommes s’étaient régufiés. Ceux-ci, de leur côté, ne restèrent pas inactifs et, après cinq jours de souffrances et d’efforts souvent interrompus par le découragement, mais toujours repris sous l’influence des exhortations de leur chef et de son fils, ils rejoignirent enfin la tranchée creusée à leur rencontre.

À cette époque où, par suite du nombre relativement restreint des houillères, les accidents de ce genre étaient en somme assez rares, cette tragique aventure fit grand bruit. Les noms de Goffin et de son fils devinrent bientôt populaires dans le pays de Liège : des chansons wallonnes et françaises furent composées en leur honneur, Jehotte grava leurs portraits et le baron de Micoud, préfet du département de l’Ourthe, sollicita pour l’héroïque porion la croix de la Légion d’honneur. Sa demande fut agréée. Le dimanche 22 mars, Goffin fut solennellement décoré à l’hôtel de ville de Liège, en présence de toutes les autorités judiciaires, civiles et militaires du département. « Son fils et trois mineurs, qui s’étaient particulièrement distingués pendant la catastrophe[1], reçurent, comme s’exprime le compte rendu de la cérémonie, une somme de trois cents francs en or au nom de S. M. l’empereur et roi. »

Mais la réputation de Goffin s’étendit au delà des frontières. Les événements qui s’étaient passés à Beaujonc eurent du retentissement en France, et l’Académie mit au concours, en 1812, un poème sur le « héros liégeois ». Millevoye remporta le prix ; il était d’ailleurs l’un des lauréats les plus heureux de ces concours et comptait déjà bon nombre de triomphes analogues. Les contemporains admirèrent sans doute celui-ci à l’égal des autres, mais, dit Sainte-Beuve, « il nous est impossible, à nous autres, nés d’autre part et nourris si l’on veut d’autres défauts, d’avoir pour ces endroits, je ne dirai pas un pareil enthousiasme, mais même la moindre préférence. La faible couleur est si passée que le discernement n’y prend plus. »

Pendant que tout ce bruit se faisait autour de son nom, Goffin reprenait ses vêtements de travail pour ne les plus quitter. Il fut tué, en 1822, par l’explosion d’une mine dans la houillère du bois Saint-Gilles. Son fils ne lui survécut pas longtemps.

Henri Pirenne.

Relation des événements mémorables arrivés dans l’exploitation de houille de Beaujonc, près Liège, le 28 février 1812. — Journaux du temps. — Complainte wallonne (dans le recueil de B. et D.).

La relation fut traduite en allemand à Liège chez Desoer : Bericht über die merkwürdige Begebenheiten in der Kohlengrube Beaujonc bey Lüttich den 28ten februar 1812.

  1. Ils s’appelaient Bertrand, Labeye et Clavir-