Bourassa et l’Anti-Laurierisme/Bourassa et la loi du Dimanche

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M. BOURASSA ET LA LOI DU DIMANCHE.


M. Bourassa toujours à la recherche de quelque préjugé à exploiter a dans son journal le « Devoir » recommencé, depuis que la période électorale est ouverte, à parler de la Loi du Dimanche que tout le monde a maintenant acceptée, qui ne dérange personne et dont certainement beaucoup de gens, en particulier LES OUVRIERS, TIRENT UN RÉEL PROFIT.

Ce n’est pas la première fois que M. Bourassa se paie le luxe d’essayer de soulever l’opinion contre cette mesure.

En 1906, quand elle était en discussion devant le parlement, il participa à une mémorable assemblée sur le Champ de Mars de Montréal où il tenta de soulever une révolte contre la loi proposée par le gouvernement.

À l’appui de ses dires et de son opposition il eut l’audace d’INVOQUER LE NOM DE L’ARCHEVÈQUE DE MONTRÉAL, Mgr. BRUCHÉSI.

Mal lui en prit, car le lendemain il fut confronté par la lettre suivante de Mgr Bruchési dont l’adhésion à la loi était complète.

Montréal, le 23 mars 1906.
À L’HON. M. CHS FITZPATRICK,
Ministre de la justice, Ottawa.
Monsieur le Ministre,

Pour me rendre à votre désir, je viens vous exprimer mon sentiment au sujet de votre projet de loi sur l’observance du dimanche.

Tout d’abord, je m’empresse de vous dire que J’APPROUVE LE BILL DANS SON PRINCIPE ET DANS LA PLUPART DE SES DISPOSITIONS.

À l’encontre de ce qui a été écrit dans plusieurs journaux, je suis d’avis que le gouvernement a le pouvoir et le devoir de légiférer en cette matière. En le faisant, il ne s’immisce nullement dans les affaires de la conscience et de la religion ; il n’agit pas contre la liberté des cultes telle que reconnue au Canada ; il ne fait que prêter son concours au maintien d’une pratique commune à tous les chrétiens. Notre pays si véritablement chrétien et nos gouvernants doivent en tenir compte dans la législation. S’il fallait accepter certaines assertions qu’on a prétendu émettre au nom de la liberté de conscience, il s’en suivrait que le pouvoir civil devrait s’abstenir de toute loi sur l’observance du dimanche ; qu’il n’aurait pas le droit de prohiber pour ce jour-là aucun commerce, aucun travail. Il peut bien se trouver dans notre pays quelques personnes qui en viennent résolument à cette conclusion ; mais n’est-ce pas que la presque totalité de nos concitoyens admettent qu’une législation sur ce point est nécessaire ? J’admets que le projet de loi présenté au parlement est peut-être sévère sur quelques points : mais il faut considérer qu’il Y A DES ABUS TRÈS GRAVES À RÉPRIMER, QU’IL EST GRANDEMENT TEMPS D’AGIR. Sans une législation précise et ferme notre Canada sera avant longtemps comme plusieurs pays d’Europe ; on n’en trouvera aucun vestige du respect que l’on doit au jour du Seigneur.

Votre projet de loi pourrait être mitigé, peut-être dans quelques-unes de ses clauses ; MAIS DANS SES GRANDES LIGNES IL ME PARAIT DONNER LA NOTE JUSTE. Pour ma part, je me suis cru obligé de prohiber à mes diocésains plusieurs des choses que le bill défend : vous avez pu le constater par ma dernière circulaire que je vous ai fait adresser.

Je trouve tout à fait dans l’ordre que l’on empêche, le dimanche, tout trafic, toute vente, à moins qu’il ne s’agisse de choses que requièrent LES NÉCESSITÉS DE LA VIE. Il en est de même de la circulation des trains de fret, lorsqu’ils ne sont pas d’une réelle nécessité.

Quant aux convois et bateaux pour le transport des voyageurs, ils devraient être moins nombreux sans doute le dimanche que la semaine ; mais je ne demanderais pas à ce qu’ils soient supprimés. Car, il importe de laisser à nos populations et, en particulier, à la classe ouvrière la faculté de sortir des villes et de faire les voyages qu’elles ne pourraient pas se permettre un autre jour. Ce à quoi, cependant, je suis absolument opposé, ce sont LES EXCURSIONS PUBLIQUES ORGANISÉES dans un but de lucre et d’amusement. L’expérience a démontré que ces excursions sont l’occasion de désordres et d’abus déplorables.

J’APPROUVE ENTIÈREMENT les clauses du bill qui prohibent représentations théâtrales, séances, concerts, tournois donnés comme spectacles publics et payants.

Sans doute, les détails du projet de loi peuvent être l’objet de discussions ; il peut être opportun de préciser certains, de manière à ce qu’il soit bien compris, par exemple, qu’on ne défend pas d’aller « prendre l’air frais à la campagne », d’aller paisiblement à la pêche ou à la chasse, de se délasser par d’autres amusements honnêtes. Mais, encore une fois, je trouve qu’une loi sur l’observance du dimanche est tout à fait opportune et JE FAIS DES VŒUX POUR QU’ELLE SOIT VOTÉE PAR LE PARLEMENT.

Quand vous viendrez à Montréal, je serai heureux d’en causer avec vous.

Agréez, Monsieur le Ministre, l’assurance de mes sentiments très sincèrement dévoués.

PAUL, Archevèque de Montréal.

M. Bourassa dans son petit intérêt, travestissait purement et simplement la vérité pour servir ses fins.

Aujourd’hui, il est plus prudent. Il emploi ses salariés du « Devoir » à faire cette besogne et leur confie la mission de salir la réputation de Sir. W. Laurier en le représentant comme l’OGRE DU FANATISME ANGLAIS ET LE TYRAN DE LA MINORITÉ CANADIENNE.

Il l’accuse d’avoir présenté cette loi pour persécuter ses compatriotes.

À l’égard de cette loi du dimanche, il n’est pas hors de propos de citer l’article suivant écrit alors pour l’ALBUM UNIVERSEL de Montréal par feu Guillaume Alphonse Nantel, ancien député de Terrebonne, dont le canadianisme et le catholicisme ne seront pas mis en doute par M. Bourassa.

C’était M. Nantel qui relevait alors les insanités débitées par M. Bourassa sur les tréteaux du Champs de Mars.

Maintenant, c’est le frère de l’hon. M. Nantel, c’est M. W. B. Nantel son successeur dans Terrebonne qui se fait le thuriféraire abject de M. Bourassa et qui se pâme quand le « Devoir » démolit les assertions de son frère défunt.

Mais cela, c’est de l’INDÉPENDANCE.

Voici l’article de M. G. Nantel, Conservateur-Catholique et Canadien-français :

« Ce n’est pas à nous Canadiens-français qui avons imposé la confédération pour nous-mêmes contre le sentiment anglo-saxon dominant en Amérique Britannique du Nord, à miner, à la moindre occasion et sous le plus pauvre prétexte l’édifice que nous avens élevé de nos mains. Ses bases sont assez profondes, ses murs d’enceinte assez solides pour mettre à l’abri de toute atteinte sous sa vaste coupole, la vie, les libertés et le bonheur des premiers ouvriers qui l’ont édifié pour eux-mêmes, sans doute, mais aussi pour les populations nouvelles qui y chercheraient refuge de tous les coins de l’univers.

« Devons-nous, Canadiens-français et catholiques, abandonner ce temple où sous tant de rapports politiques, sociaux et même religieux, nous pouvons vivre de la vie commune, pour nous cantonner dans quelque chapelle latérale, où nous vivrons de la vie isolée, crainte d’une promiscuité qui ne peut être dangereuse que pour des faibles et des impuissants.

« C’est en effet le propre des faibles et des impuissants, individus ou nations, de fuir le contact des êtres vigoureux par crainte d’être broyés sous la force ou au moins de se voir contraints à une lutte pour laquelle ils ne sentent que mollesse et pusillanimité.

« Le Dominion du Canada est un pays chrétien, pris dans son ensemble et rien, il nous semble, ne devrait s’opposer à ce qu’une loi générale consacrât à Dieu un jour de la semaine, qui fût le même par tout le territoire et observé, dans les grandes lignes, avec le même respect et la même reconnaissance que la loi divine, comme celle du repos du septième jour commandé à l’homme.

« Un des traits qui honorent le plus la grande république d’à côté, ce sont ses jours d’action de grâce, institués pour reconnaître l’existence du Très Haut et lui marquer, par un geste de toute la nation, la reconnaissance que le peuple américain lui doit pour tous les bienfaits de l’année.

« Les séances du Congrès américain qui légifère sur l’un des plus puissants pays du monde, s’ouvrent et se ferment en invoquant le Dieu des chrétiens quoique beaucoup d’Américains ne le soient pas, mais c’est là l’acte d’affirmation en une croyance religieuse une qui doit être comme à la base de toute unité nationale ; c’est là comme un avis aux dissidents que l’État américain veut être un, dans sa vie nationale et que l’un des gages les plus précieux, si non le premier gage de cette unité politique, c’est l’unité dans l’hommage au même Dieu des chrétiens.

« Une loi du dimanche, une loi planant au-dessus de tous les groupes d’allégeance canadienne est un acte de foi religieuse et nationale en même temps ; c’est aussi, dans notre cas, un acte d’affirmation chrétienne et un avis, à ceux qui ne partagent pas la croyance générale de se mettre bien dans l’esprit que le peuple canadien est un peuple chrétien, obéissant au commandement de Dieu, qui ordonne l’observance du dimanche et que tout le monde doit respect et fidélité à cette loi du pays.

« Il n’y a pas que des chrétiens dans ce pays, mais il y a des incroyants et des athéïstes et il y a des croyants dans des objets de culte païen.

« Il est de toute sagesse de donner par une loi positive une sanction à la loi de conscience qui oblige tous les chrétiens du Canada à l’observance du jour du Seigneur.

« Nous ne voyons là rien d’irrespectueux envers la divinité ; ce n’est pas le lieu de crier « foris canes », et « aux profanes les choses profanes ».

« Un peuple qui consacre, avec une sanction pénale positive, l’observance du dimanche est un peuple qui se grandit, de toutes manières, en s’unifiant surtout dans les choses les plus intimes de l’âme qui sont celles du culte et de l’adoration, aux mêmes heures de la vie, de l’Être infini auquel il croit comme à la source de toute justice, de toute grandeur et de toute charité.

« Une telle loi, parce qu’elle se rapporte au culte, parce qu’elle touche conséquemment aux replis les plus cachés, aux fibres les plus intimes de l’âme, aux droits les plus sacrés de l’individu, aux manifestations les plus respectables de la famille, et en déduction dernière, aux droits civils, se rapportant à la personne et aux institutions locales, est-elle nécessairement exclusive de toute législation fédérale pour n’être que du ressort de la juridiction provinciale ? Tout ce que nous venons de dire devrait à notre sens, démontrer le contraire et il serait d’un rigorisme extrême, d’une étroitesse de vue excessive, de prétendre que l’autorité fédérale n’aurait pas le droit de proclamer un jour d’action de grâce par semaine à être observé par tous les habitants du Canada sous le prétexte qu’une province, lors de la constitution du pacte fédéral, s’est réservé le pouvoir exclusif de légiférer sur les matières de droit civil, de la propriété et les objets généralement d’ordre local. »

(Signé) : G. A. NANTEL.

Et M. Nantel avait jugé juste.

Avant que se fussent écoulés quelques mois, les gens qui désespérèrent et crièrent à l’agonie et à la désolation, en écoutant les tortures imaginaires que leur signalait M. Bourassa sur le Champ de Mars — les gens sincères et non les agitateurs populaires — s’étonnèrent d’avoir pu s’étonner si inconsidérément : ils furent les premiers à rire des épouvantes chimériques qu’on leur insufflait alors.

Cette loi si décriée au début a rendu d’énormes services aux ouvriers et aux employés dans la province de Québec.

La mise en application du principe a produit des résultats économiques et ruraux d’une portée considérable.

Partout, en effet, où ce principe du repos dominical est sauvegardé par la loi, nous constatons que la conséquence immédiate a été de faire appliquer la cessation du travail le samedi après-midi, dans la mesure la plus large possible : de réduire au strict minimum la durée de la journée de travail ; et souvent même de provoquer la cessation du travail, certaine après-midi dans la semaine.

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour saisir les raisons de ces faits.

Les distractions, les plaisirs, relâche de l’esprit et du corps, sont choses nécessaires et il faut bien qu’on y pourvoie.

La loi votée par la Chambre des Communes a été le premier pas dans la voie des améliorations économiques pour la population travaillante de notre province.

Il y a cinq ans à peine que la loi est passée et les ouvriers rient des inquiétudes qu’on a voulu faire naître chez eux et se réjouissent des conséquences économiques qui découlent de la loi.


LES PETITS BATEAUX


BAPTISTE — J’vous comprends pas vous autres ! Pour des gens qui sont tant contre la marine, c’est curieux comme vous cherchez toujours à nous MONTER DES BATEAUX !