Bourassa et l’Anti-Laurierisme/M. Borden et M. Bourassa

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M. BORDEN ET M. BOURASSA.

LA RÉCIPROCITÉ DANS L’OUEST ET LA MARINE DANS QUÉBEC.


M. Bourassa qui demande à tout propos et contre tout propos qu’on consulte les électeurs avant d’agir a eu, dans le cours du mois de juillet, l’occasion de parler dans une assemblée à Joliette.

Pour y faire sa cour à M. Borden, il a félicité celui-ci, d’avoir, au cours de sa tournée dans l’Ouest, répondu carrément aux Grain Growers, électeurs de cette région, qui demandaient à cors et à cris la Réciprocité avec les États-Unis : « Non, vous ne l’aurez pas ».


M. BORDEN DANS L’OUEST


LE CULTIVATEUR (au chef tory) : T’as beau te démancher de toutes les façons, t’arriveras pas à m’emplir.

C’est une curieuse façon de se soumettre au vœu du peuple, mais M. Bourassa n’en est pas à une inconséquence près.

Il n’est pas en retard, non plus, d’ingratitude.

M. Bourassa n’a eu que des compliments pour M. Borden et l’a loué de dire carrément aux « Grain-Growers » de l’Ouest qu’ils se trompent et que l’intérêt général du pays, à son avis, doit empêcher qu’on leur donne ce qu’ils demandent.

Pourtant, ce sont ces mêmes « Grain-Growers » dont M. Bourassa et le « Devoir » se réclament à chaque occasion, sous le faux prétexte qu’ils se sont prononcés contre la marine — ce dont nous avons d’ailleurs démontré l’inexactitude.

Si M. Bourassa était sincère, il y aurait une bien curieuse étude à faire pour un psychologue qui voudrait expliquer La genèse de ces attitudes contradictoires, du grand chef de M. Héroux, en face d’applications du même principe à des conditions politiques diverses.

Nous qui n’avons pas la naïveté de croire à la sincérité de cet homme, nous nous contenterons de faire ressortir avec quelle désinvolture il change son fusil d’épaule suivant les circonstances.

S’agit-il d’un ami ou d’un allié, qui oppose ses propres convictions à celles des électeurs, il le loue et le proclame courageux ; comme à Joliette et dans l’Ouest.

S’agit-il d’un adversaire dans les mêmes conditions : c’est un traître qu’il faut châtier, comme il le disait à la même époque, à Sorel, à l’égard de M. A. Lanctôt, qui avait eu l’audace de répondre à un de ses électeurs, lui dictant un vote à donner, qu’il voterait suivant les dictées de son intelligence et de sa conscience.

Et M. Bourassa crierait à l’infâme calomnie si on le traitait d’opportuniste !

Quoiqu’il en soit, nous avons encore à signaler dans l’attitude de Joliette que prend M. Bourassa pour juger M. Borden dans l’Ouest, une contradiction avec des faits plus éloignés et plus graves.

Il a dit que c’est lui qui a préparé la motion présentée aux Communes par M. Monk, demandant que la question de la réciprocité fût d’abord soumise au peuple, motion pour laquelle M. Borden et la plupart de ses partisans ont voté.

Or, dans la province de Québec, M. Bourassa prêche que c’est une question libre, sur laquelle on peut voter comme on voudra. M. Lavergne affirme que c’est une question de chiffres, c’est-à-dire une question secondaire. Alors, pourquoi un plébiscite ?

Dans l’Ouest, on félicite M. Borden de dire aux « Grain-Growers » qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent ; qu’ils se trompent en croyant que la réciprocité puisse leur être avantageuse. Alors, à quoi bon les consulter ?

Il faudrait en conclure qu’il n’y a que l’opinion des industriels et des financiers d’Ontario qui compte ; que ce serait à eux seuls de décider, pour tout le pays, si nous devons adopter ou rejeter la convention douanière !

Avouez que c’est bizarre autant qu’étrange !


ONCLE SAM — : Sais-tu, Baptiste, que c’est ben malcommode cette clôture entre voisins ?
BAPTISTE — : Patience, mon oncle, j’suis à la veille de mettre la hache dedans !