Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome III/Séance du 3 décembre 1832

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Séance du 3 décembre 1832.


Présidence de M. Brongniart.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, M. le président proclame membres de la Société :

MM.

J. B. Boussingault, lieutenant-colonel au service de la Colombie, à Paris, présent, par MM. Dufrénoy et de Beaumont ;

Amédée Burat, ingénieur civil, à Paris, présenté par MM. de Beaumont et Dufrénoy ;

Hyacinthe-provana de Collegno, de Turin (Piémont), ancien officier supérieur d’artillerie. etc., présenté par MM. Brongniart, Desnoyers et Boué.

M. Eugène Robert fait hommage à la Société de dix-neuf échantillons de roches et de fossiles, à l’appui de huit notes manuscrites qu’il adresse également à la Société, sous les titres suivans :

Notice sur des coprolithes trouvés à Passy ;

2" Nouveau rapprochement entre les grès marins de Bregy et ceux de Beauchamp ;

Sur une clavagelle couronnée recueillie à Vaugirard ;

Sur les environs de la Ferté-sous-Jouarre ;

Course géologique de Senlis à Compiègne, dans le but d’étudier le premier système de grès dans cette partie nord du bassin de Paris ;

Suite d’observations géologiques recueillies en allant presque directement de Genève à l’embouchure de la Gironde ;

Observations faites à la presqu’île de Quiberon et dans la baie de Brest ; Observations faites en 1831 sur quelques points des côtes de Picardie et de Normandie.

Ces notes seront lues à leur tour d’inscription.

M. Virlet fait hommage à la Société, des échantillons suivans :

1" Quatre morceaux de muriate d’ammoniaque produit des houillères embrasées de Saint-Étienne, et un échantillon de grès houiller altéré par le feu ;

Sept empreintes de coquilles de diverses localités ;

Du terrain de transition des environs d’Avesnes ; deux échantillons d’un phyllade pailleté, semblable à certaines argiles schisteuses du terrain houiller, et dans lequel on a fait pour cette raison des recherches pour le charbon ; cinq échantillons d’une espèce de Productus des calcaires marbres gris, bleus, noirs, supérieurs aux phyllades, et exploités pour les arts, la bâtisse et les routes ;

Douze échantillons du terrain de lignites, d’argile plastique et de sables des environs d’Avesnes, où l’on exploite les lignites sous le nom de cendres fossiles, pour les usages de l’agriculture, les argiles plastiques pour la poterie, et les grès des sables pour le pavage des routes ;

Trois échantillons de roches anciennes de la Vendée ;

Trente-quatre échantillons des différentes roches du terrain houiller de transition de Saint-Georges-Châtelaison, et du petit bassin houiller secondaire de Minières, près Saint-Georges (Maine-et-Loire).

La Société reçoit aussi :

1° De la part de M. Boue, des Lettres autographes de MM. Pfaundler d’Insbruck, Bronn de Heidelberg, Lyell, Roderick Impey Murchison, Fryer de Keswick en Cumberland, Parolini de Bassano (Italie vénitienne), Anker, professeur à Gratz, feu C. Schmitz de Munich, de Pittoni de Vienne, de Strombeck de Brunswick, Sedgwick professeur de Cambridge, et Ottaviano Targioni Tozzetti de Florence.

2° De la part de M. Bailly de Merlieux, les n° 1 et 2, février 1832, du Mémorial encyclopédique, numéros destinés à compléter la collection de ce recueil que possède la Société.

3o De la part de M. Eugène Robert, son Mémoire sur les ossemens et végétaux fossiles découverts dans le calcaire marin grossier de la commune de Nanterre et du plateau de Passy. In-8o, 10 pag., 1 pl. Paris, 1832.

4o De la part de M. d Hombres Firmas, le Nivellement barométrique des Cévennes. extrait d’un mémoire couronné par la Société de géographie, in-8o, de 19 pag. Nîmes, 1832.

5o De la part des héritiers de feu M. de Schlotheim, trois exemplaires du Catalogue systématique de sa collection de fossiles, maintenant à vendre. In-8o de 80 pag. Gotha, 1832.

Cptte collection contient : 64 espèces de dendrolithes, 73 espèces de phythotypolithes, 15 carpolithes, 1 anthotypolithe, 84 échinidées, 8 stellerides, 71 encrinidées, 161 polypiers, 229 multiloculaires, 468 univalves, 509 bivalves, 12 insectes, 27 trilobites, 29 crustacés, 11 poissons, les restes de 7 reptiles, 11 morceaux d’os d’oiseaux, 138 os de 11 espèces de mammifères, et 13 os humains.

Toutes les figures de fossiles donnée, par M. de Schlotheim viennent d’être reproduites dans un ouvrage composé de 66 planches in-4o et de trois feuilles in-8o de texte. Dans cet ouvrage, intitulé, Fossiles rares de la collection de feu M. Schlotheim (Merkwurdige Versteinerungen Gotha, 1833) est établie la synonymie des dénominations employée par MM.de Schlotheim, le comte Sternberg, Brongniart, etc.

La Société reçoit en échange de son Bulletin :

1o De la part de MM. de Villeneuve et Barthe, les six numéros de janvier à juin 1832 ; les Annales des sciences et de l’industrie du midi de la France.

On trouve dans le no 1, l’analyse d’un minéral découvert dans le grès houiller du bassin d’Alais, par M. Varin ; un mémoire sur la Cloisonnaire trouvée dans les fouilles faites pour l’établissement d’un bassin de carénage à Marseille, par M. P. Matheron ; une coupe du terrain dans lequel est creusé le bassin de carénage, par M. H. de Villeneuve. Dans le no 3, une notice sur les végétaux fossiles des schistes argilo-calcaires de Lodève (Hérault), par M. Marcel de Serres ; une comparaison de la population contemporaine des mammifères des deux bassins du département de l’Hérault, par M. de Christel ; une coupe géologique de Toulon au volcan de Rougier, par M. de Villeneuve. Dans le no 5, une note sur l’intensité des propriétés magnétiques des laves, par M. Marcel de Serres ; une notice sur un lambeau tertiaire trouvé à Fréjus, par M. Pareto. Dans le no 6, une réponse de M. Marcel de Serres aux observations faite, par M. J. Desnoyers, sur les ossemens humains dans les cavernes.

2o De la part de l’Académie des mines de Freiberg, les cinq volumes du Magasin de l’Orictographie de la Saxe (Magasin fur die Orictographie von Sachsen. in-8o. Freiberg, de 1828 à 1831), par J. Gh. Freiesleben. Cet auteur annonce qu’il n’en paraîtra plus qu’un volume.

M. Freiesleben écrit que M. le professeur Naumann a été chargé de coordonner les matériaux recueillis pour dresser la carte géologique du royaume de Saxe. Deux feuilles en seront publiées en avril ; ce sont celles qui comprennent la contrée d’Altenburg à Oschatz, Meissen, Haynicben et Zwickau, ou tout le district de Leptinite, une grande portion des porphyres et des houillères.

M. de Lindig a donné une carte géologique du bassin houiller de Dresde. Le premier volume du Traité de géologie de M. Kuhn a paru.

On a trouvé dernièrement dans le zechstein du Mansfeld une grande quantité de petites térébratules, probablement des dentales, et peut-être des traces d’ammonites et de coquilles turbinées. Une belle impression d’une feuille a été découverte sur du plomb sulfuré des houillères de Zwickau.

M. de Lehmann écrit de Londres que M. Murchison est occupé d’un grand travail sur le sud-ouest de l’Angleterre.

MM. J. Ezquerra del Bayo, Felipe Bauza et R. Amar de la Terre annoncent l’envoi prochain à la Société des résultats des recherches qu’ils ont été chargés de faire en 1829, sur les gîtes de charbon de terre dans la province des Asturies. Ce rapport a été imprimé en 1831, par ordre du gouvernement d’Elhuyar, d’une carte topographique du terrain charbonneux et de quatre coupes géognostiques.

La Société donne son approbation aux décisions suivantes, prise, par le conseil dans sa séance du 26 novembre 1832 :

M. Dufrénoy, vice-secrétaire, est chargé de faire, pour la première séance de janvier 1833, le résumé des travaux de la Société pendant l’année 1832, conformément à l’art. 10, chap. 2, du règlement ;

M. Boué, secrétaire pour l’étranger, est également désigné pour exposer à la même époque les progrès de la géologie en Europe durant cette même année 1832 ;

MM. de Roissy, Boblaye et Virlet sont nommés pour vérifier les comptes du trésorier ; MM. Régley, Michelin et Underwood, pour examiner la gestion de l’archiviste ;

La commission pour l’impression du Bulletin continue à être composée de MM. Delafosse, Walferdin et Clément-Mullet, auxquels sont adjoints les secrétaires en fonctions.

La Société entend la lecture des quatre notes suivantes de M. Eugène Robert :

1o Sur des coprolithes trouvés à Passy.

« Dans un mémoire relatif à des ossemens fossiles recueillis dans le calcaire grossier de Nanterre et dans celui de Passy[1], j’avais déjà signale des dents de crocodile et des dépouilles de tortue d’eau douce dans l’une et l’autre de ces localités.

« Aujourd’hui, je présente à la Société de nouveaux fossiles sur la nature desquels il me reste peu de doute.

« Ces corps, que je considère comme des coprolithes, gisaient dans une couche sablonneuse d’environ 9 mètres de puissance, reposant sur un calcaire à miliolites, qui m’a fourni autrefois de belles pseudomorphoses xyloïdes, rapportées au genre Yucca. Elle est recouverte par une couche marneuse, renfermant beaucoup d’ossemens de lophiodons, ou provenant d’autres animaux.

« On rencontre ces fœces. ainsi qu’on peut le remarquer sur l’échantillon que je dépose ici, par groupes ou dans une sorte de connexion, circonstance dont je tirerai une conséquence.

« Pris au hasard au milieu du calcaire grossier marin, on manquerait certainement d’explication pour les rapporter à des reptiles, comme je le fais ; mais le grand nombre de dents de crocodile gisant dans la même couche, et les nombreuses empreintes de plantes, ainsi qui ; le mélange de coquilles marines et d’eau douce caractérisant le lignite du calcaire grossier, sont de forts témoignages en faveur de l’origine de ces fossiles.

« Soumis à l’analyse, ils m’ont paru, du reste, se comporter comme les excrémens de reptiles, ou tous ceux qui renferment de l’acide urique.

« En résumé : si de meilleurs observateurs que moi attestent que ces corps proviennent évidemment de crocodiles, j’en tirerai la conséquence suivante, qui, si elle est juste, ne fera que corroborer davantage les opinions déjà émises sur cette partie du bassin de Paris, où ont été trouvés des restes de mammifères perdus.

» C’est qu’à Passy, à Nauterre, et sans doute ailleurs[2], les crocodiles ont vécu jadis aussi tranquillement qu’ils vivent encore dans le cours ou à l’embouchure de certains fleuves, et je pourrai même ajouter ici que les lophiodons et autres animaux trouvés un peu au-dessus de ces traces de reptiles ont dû partager la même existence. »

Nouveau rapprochement entre les grès marins de Brégy et ceux de Beauchamp.

« En attendant de meilleures preuves pour confirmer l’opinion que nous nous étions formée, M. Graves et moi, chacun de notre côté, relativement à l’âge des grès marins de Brégy, opinion que ne partage pas M. Héricart-Ferrand, je crois devoir faire connaître à la Société :

« Que la carrière dite le Trou Saint-Pierre, située près d’Acy en Multien, appartenant évidemment au plateau de Brégy, dont elle n’est séparée que par une vallée pour le passage d’une petite rivière, rentre tout-à-fait dans la description faite par MM. Cuvier et Brongniart du terrain, de Beauchamp. « Ici se voient des témoignages non moins évidens d’un ancien rivage. Toutes les coquilles marines y sont roulées, et tellement, qu’on ne retrouve plus que les axes du Cerithium giganteum. On y rencontre aussi des cailloux roulés ; enfin, ce qui doit établir la plus grande analogie entre ce terrain et ceux de Beauchamp et de Valmondois, ce sont, dans sa partie supérieure, des morceaux de calcaire roulé et remplis de coquilles perforantes.

« En outre, j’ai recueilli au milieu d’un sable, presque entièrement formé de discorbites, une valve de fistulane qui m’a paru être tout-à-fait analogue à celle de Provigny, recueillie à Valmondois, et décrit, par M. Deshayes.

« Ce terrain renferme en outre beaucoup de becs de seiche.

« Je dois encore ajouter, en terminant cette observation sur Acy, qu’elle se lie très bien avec celle faite récemment par M. Lajoye à Lizy, dans un terrain semblable, et toujours sur les limites du grand plateau de Brégy. »

Clavagelle couronnée recueillie à Vaugirard.

« Parmi les fossiles que je possède des environs de Paris, je dois faire connaître, dans l’intérêt de la conchyliologie de notre bassin, un moule que j’ai recueilli autrefois dans le calcaire grossier de Vaugirard, et qui m’a paru devoir appartenir à la clavagelle couronnée, déjà recueillie à Lysy, dans un calcaire grisâtre. »

Sur les environs de la Ferté-sous-Jouarre.

« Le voisinage qui existe entre les meulières de la Ferté-sous-Jouarre et le grès sans coquilles de Montreuil-aux-Lions, situé quelques lieues plus loin, semblerait indiquer une grande analogie entre ces terrains, le calcaire siliceux d’Essone et les grès de Fontainebleau.

« Mais, à gauche du village de Vaux, sur les confins du bassin de Paris, on remarque le dernier de ces terrains à l’état de sable blanc, renfermant dans sa partie supérieure un lit très faible de coquilles marines, dont les principales sont des cérites et des natices. Ce terrain est recouvert par un calcaire d’eau douce.

« La plus grande analogie me paraissant exister cette fois entre ces grès ou sables marins et ceux du grand plateau de Brégy, près de Meaux, je serais tenté de croire, relativement à la position contestée des meulières de la Ferté-sous-Jouarre, qu’elles représentent en cet endroit, ainsi que la grande masse d’argile sableuse qui les accompagne, la formation du gypse à la partie supérieure, duquel je crois devoir rapporter les meulières de la Ferté-sous-Jouarre. »

M. Héricart Ferrand lit une note présentant l’énumération de tous les gisemens qu’il a reconnus dans la partie nord-est du bassin géologique de Paris, du Lenticulites variolaria. décrit par M. de Lamarck (Annales du Muséum d’histoire naturelle, t. 5, p. 187, n° 2), et énoncé pag. 53 de la Description géologique des environs de Paris, se trouver aux environs de Villers-Coterets, dans douze endroits, et constamment dans la partie inférieure de la formation des grès marins supérieurs.


Ces gisemens, au nombre de plus de vingt, dans l’espace renfermé entre Villers-Coterets et Meaux, Crépy et Nantheuil-le-Haudouin, sont : 1° sur la gauche de la vallée de l’Ourcq, Bourneville et Lisy ; Jaigues et Chivres, sur la rive droite de la Marne, au-dessus de l’embouchure de l’Ourcq, dans cette rivière ; 2° sur la droite de la vallée de l’Ourcq Chenevière, Beauval, Vaurinfroy et encore Lisy ; 3° dans les vallées de Grivette et de Gergogue, affluentes à celle de l’Ourcq ; Maquelines, Betz-le-Plessis, La Clergis, et La Garenne Brûlée à Thury, pour la première de ces vallées ; et, pour la seconde, le Trou Saint-Pierre, la montagne d’Étavigny, La Garenne Saint-Leu à Acy et Rosoy.

Ce fossile est à profusion dans toutes ces localités, et forme dans la partie inférieure des sables et grès marins supérieurs une zone interrompue, d’une épaisseur variable, qui renferme un nombre considérable de fossiles marins décrit, par M. Deshayes, avec l’indication du Trou Saint-Pierre pour gisement.

M. Héricart-Ferraud fait observer : 1° Que tous ces gisemens qu’il vient d’énumérer offrent non seulement des fossiles marins roulés et perforés, mais qu’ils présentent encore des fossiles marin, parfaitement intacts ; 2° que tous ces divers gisemens sont constamment sur les pentes et les flancs des vallées, et au niveau des vallées à mesure qu’on les remonte vers leur origine, où ils disparaissent complètement sous les sables de manière à en former sans exception la base ; 3° que les fossiles qui sont roulés étant très nombreux, et ayant les premiers fixé l’attention, ils ont été jugés être hors de place  ; et les gisemens eux-mêmes étant sur les flancs et au bas des vallées, on s’est demandé s’ils n’étaient point l’effet des dépôts postérieurs sur un rivage. Mais que la réunion dans tous ces gisemens de fossiles frais et intacts aux lenticulites et aux vieux fossiles, semble maintenir l’opinion que ces gisemens appartiennent aux sables et grès supérieurs, et que la mer dans laquelle vivaient les êtres dont ces fossiles intacts sont la dépouille, recevait et roulait sur son fond de sable de vieux fossiles déjà hors de place.

Une circonstance nouvelle vient confirmer cette opinion. Dans la plaine élevée de Cuvergnon, au nord de la vallée de Grivette, et sur le flanc gauche de laquelle sont les gisemens coquilliers avec lenticulites de Maquelines, de Betz, du Plessis, de La Clergis ét de Thury, il vient d’être percé un puits profond de 50 mètres. Après avoir passé 14 mètres de terrain d’eau douce bien en place, du calcaire marneux avec lymnées. on a percé 34 mètres de sable reposant sur un banc de grès non coquillier de 0m33 d’épaisseur. Le sable, d’abord peu coquillier dans sa partie supérieure, a présenté dans sa partie inférieure le Lenticuliles variolaria, et tous les fossiles, tant intacts que roulés, des vingt gisemens énoncés plus haut. Le terrain calcaire marneux dans lequel on a encore creusé 2 mètres, retenant bien l’eau, la fouille n’a pas été plus approfondie, mais pour le géologue elle était suffisante. Elle a prouvé que ces vingt gisemens au jour sur les pentes des vallées, et celui qui est enfoui sous la plaine de Cuvergnon, recouverte de 14 mètres de terrain d’eau douce, sont bien de la même époque, et que tous ces gisemens appartiennent aux sables et grès marins supérieurs.

M. Héricart-Ferrand termine par ces trois questions :

1° Le fossile de la famille des céphalopodes, connu sous le nom de Discorbite, et décrit par M. de La Marck sous celui de Lenticulites variolaria, ne s’est-il encore trouvé que dans les terrain parisiens ?

2° Ce fossile, reconnu dans les terrain, parisiens, n’a-t-il encore été constaté que dans les localités dont il vient d’être fait mention, et dans les sables et grès marins supérieurs ?

3° Enfin, de quelle valeur est-il dans la contestation élevée sur les grès marins supérieurs et les grès marins inférieurs des terrains parisiens, et devra-t-il être admis comme un fossile caractéristique des grès marins supérieurs ?

M. Virlet lit les considérations suivantes sur le terrain houiller de Saint-Georges-Châtelaison :

Avant mon départ pour l’Orient, à la fin de 1829, j’avais présenté un mémoire à l’Institut sur le terrain houiller de Saint-Georges-Châtelaison (Maine-et-Loire), dans lequel j’avais cherché à démontrer que cette formation houillère appartenait aux terrains de transition, et était par conséquent plus ancienne que le terrain houiller proprement dit. Me proposant de publier ce mémoire, je me bornerai à indiquer ici les raisons sur lesquelles mon opinion s’est formée, après un séjour d’un an en qualité d’ingénieur-directeur des mines de Saint-Georges et Concourçon.

1° Je me fondais sur lu nature tout, particulière de l’ensemble des roches de ce terrain, qui diffèrent presque entièrement de celles des terrains houillers ordinaires ; on y trouve, associée avec des grès tout particuliers et des agglomérats à ciment siliceux et serpentineux, de véritables roches cristallines, qui auraient suffi seules autrefois pour établir la distinction que je veux faire de cette formation ; ce sont des pétrosilex et autres roches feldspathiques, des schistes talqueux verdâtres, quelquefois très quarzeux, supérieurs à des couches carbonifères, et enfin des quarzites, avec des pétrosilex schistoïdes qui couronnent toute la formation (Soulangé).

Je ferai observer à ce sujet, que, bien qu’un caractère tiré de la nature seule des roches puisse paraître aujourd’hui peu concluant et de peu d’importance, il n’en est pas moins vrai que, à part quelques petites différences pouvant résulter de circonstances locales, il existe dans les dépôts arénacés d’une même contrée des caractères généraux constans, auxquels le géologue ne se méprendra jamais ; c’est ce qui n’a pas lieu entre le terrain houiller de Saint-Georges et les autres terrains houillers voisins, tels que ceux récemment découverts dans la Vendée, ceux d’une partie de la Bretagne, et même un petit bassin houiller qui existe précisément en gisement discordant au-dessus de celui de Saint-Georges.

2° Sur ce que, contrairement à ce qui a été en général observé jusqu’ici dans les terrains houillers, ce n’est point une formation par bassin, mais bien un dépôt continu, comme le terrain auquel il est subordonné ;

3° Sur l’impossibilité de séparer cette formation des calcaires de transition sur lesquels ils reposent avec l’intermédiaire de schistes argileux verdâtres et rougeâtres, qui passent d’une manière insensible aux roches houillères, et contiennent déjà quelque peu de charbon (Les Verchés). Ces calcaires sont pour moi les mêmes que ceux à grands zoophites si remarquables du dépôt anthraxifères de Sables (Sarthe), opinion que je puis appuyer sur celle de MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy. Il existe d’ailleurs dans les différens grès ou grauwackes, et les schistes qui accompagnent les couches charbonneuses dans les deux localités, d’autres ressemblances qui pourraient encore les faire mieux rapprocher. On peut déjà conclure que, comme le terrain de Sablé, celui de Saint-Georges appartient aussi aux terrains de transition ; et en effet, il est tellement lié aux schistes argileux et aux calcaires de transition de la contrée, que, si l’on voulait l’en séparer, on ne pourrait le faire que d’une manière tout-à-fait arbitraire et sans pouvoir lui assigner de véritable limite : c’est donc déjà un véritable dépôt de houille dans le terrain de transition.

4" Enfin, et c’est ce qui m’a paru le plus péremptoire, sur ce que le terrain de Saint-Georges avait déjà subi une dislocation lors du dépôt du terrain houiller, et que c’est sur les reliefs qui existaient déjà alors, qu’en Irlande, par exemple, s’est déposé le vieux grès rouge des Anglais, old-red-sandstone. puis le calcaire carbonifère, mountain-limestone. et enfin la formation houillère, coal-measures. Ce fait lm’a paru de la plus grande évidence pour le terrain de Saint-Georges, lorsque j’eus reconnu qu’il existait, entre Doué et Concourçon, au lieu dit Minières, un très petit bassin houiller, reposant sur celui-ci en gisement transgressif, et qui, comme je l’ai déjà remarqué, n’a aucun de ses caractères. Jusqu’alors, on avait cru que ce petit bassin était la continuation du terrain de Saint-Georges, qui faisait entre ce village et celui de Concourçon un coude qui le rejetait vers Doué ; mais, comme on voyait le terrain se prolonger vers l’est, en suivant les coteaux qui bordent la rivière du Layon, on avait supposé qu’une partie seulement formait un coude et en avait été séparée ; mais on ne disait pas comment. Cette erreur aurait pu entraîner la compagnie dans des recherches à la fois dispendieuses et infructueuses. Les couches du terrain de Saint-Georges sont presque verticales et inclinées au nord, tandis que celles du bassin de Minières sont à peine inclinées de 25 à 30 degrés vers le sud, et les roches sont parfaitement analogues à celles des terrains houillers ordinaires ; elles ne ressemblent en rien à celles de Saint-Georges ; le charbon même est d’une nature toute différente, et enfin les fossiles des deux terrains diffèrent essentiellement.

Il existe dans les argiles schisteuses grises de Minières une espèce de plante fossile, appartenant à un genre jusqu’alors encore inconnu à l’état fossile, le genre Cinnée. M. Aldolphe Brongntart, qui a bien voulu déterminer les fossiles que j’ai rapportés de ces deux localités, a donné à cette espèce, particulière le nom de Cannophyllites Virletii  ; elle était accompagnée d’empreintes de fougères bien différentes de celles de Saint-Georges, dont les fossiles, selon M. Ad. Brongniart, diffèrent de ceux de Valenciennes, Saint-Étienne, etc., et se rapprochent beaucoup de ceux de plusieurs dépôts houillers du grand-duché de Bade, que M. Voltz regarde comme appartenant aussi aux terrains de transition.

Je ne puis mieux faire, que d’ajouter ici ce que ce géologue distingué m’écrivait, le 18 août dernier, après une tournée dans la Forêt Noire, sur ces différens dépôts : « J’ai passé, dit-il, mais un peu rapidement, sur les terrains à Anthracite de Zundsweyer, Benghoupten et Diensburg. Ce sont deux ou trois petits dépôts tout-à-fait identique, par leurs anthracites, leurs roches et leurs plantes fossiles, leur mode de stratification et leurs relations avec le terrain de gneiss. A Diensburg, il, paraît bien clair que c’est un dépôt arénacé subordonné dans le terrain de gneiss. L’ensemble des strates arénacés a ici une puissance de 70 toises, et est encaissé à stratification parallèle et verticale dans le gneiss de la contrée.


Enfin, s’il était nécessaire, je pourrais encore appuyer mon opinion sur celle de M. Cordier, qui, dès 1808, publia, dans le Journal des Mines. un excellent mémoire relatif au matériel des mines de Saint-Georges, dans lequel il fit pressentir qu’il faudrait un jour séparer ce terrain de la formation houillère, pour le faire rentrer dans les terrains de transition. Enfin, M. Dufrénoy, qui a visité, comme moi, il y a quelques années cette formation jusqu’en Bretagne, s’en est aussi formé la même opinion.

De ces faits, il résulte que les mines de La Haye-Longue, d’Ardenaye et de Mont-Jean, département de Maine-et-Loire ; de Montrelais, Monreil, Nord et Languin, dans celui de la Loire-Inférieure, situées sur le prolongement du terrain de Saint-Georges, sont dans le terrain de transition ; ce qu’il importait de démontrer.

M. Dufrénoy lit, en son nom et au nom de M. Élie de Beaumont, la première partie d’un mémoire sur les groupes volcaniques du Mont-Doré et du Cantal en Auvergne, et sur les soulèvement auxquels ces montagnes doivent leur relief.[3]

M. Lefroy, inspecteur des études à l’École des mines, communiqué à la Société un rapport qu’il a adressé au ministre des travaux publics, sur les ciment dits romains[4], et en particulier, sur le mortier hydraulique de Pouilly.

« Jusqu’à présent, dit-il, la pierre donnant ce ciment, qui n’a de rapport avec celui des Romains que la grande dureté et la solidité qu’il acquiert, n’a été trouvée en France qu’à Pouilly en Auxois, à Avallon et à Boulogne-sur-Mer. Dans les deux première endroits, au milieu des couches subordonnées au lias, et dans le second, parmi les cailloux roulés ou galets de la grève. L’analyse du ciment de Pouilly, qui est une chaux carbonatée argileuse, a donné les proportions suivantes :

« Argile (silicate d’alumine), 34. — Chaux carbonatée, 54, (abstraction faite de l’oxide de fer et de l’eau hygrométrique).

Lors de la cuisson de cette pierre, si toutes les parties ont subi la chaleur rouge-cerise fortement prononcée, toute l’eau, soit hygrométrique, soit de combinaison, et tout l’acide carbonique sont dégagés, la totalité du silicate anhydre se porte sur la chaux, et forme un silicate anhydre à base de chaux et d’alumne. »

Après avoir décrit les opérations de la pulvérisation et du pétrissage, ainsi que les phénomènes qui les accompagnent, l’auteur ajoute :

« Le durcissement par son mélange avec de l’eau, du ciment dit romain, durcissement qui a lieu spontanément, mais moins promptement que par le pétrissage, soit que, sans l’avoir pétri, on le projette en poudre sèche dans l’eau, soit même qu’on l’expose pendant quelque temps à un air très humide : ce durcissement est du plus haut intérêt pour la géologie. Il doit jeter un grand jour sur les causes jusqu’ici inconnues de la formation des roches dures du deuxième ordre, de celles qui, bien qu’ayant éprouvé une forte chaleur, n’ont pas cependant subi la fusion ignée. En effet, les phénomènes qui ont lieu dans la fabrication du ciment dit romain ne semblent-ils pas conduire à cette hypothèse : que, dans leur origine, les roches dures du deuxième ordre auront dû être des amas ou couches de matières calcaires et argileuses, qui, ayant été postérieurement soumis à la chaleur rouge-cerise ou rouge-rouge, auront été convertis en silicate anhydre ; puis, par l’infiltration des eaux, en masses compactes de silicate hydraté.

« De la composition des divers mortiers que l’auteur considère comme des grauwackes calcaires, il établit que la chaux maigre est le premier terme de la série des chaux hydrauliques, et que le ciment dit romain est le dernier.

Il fait de plus observer que, dans la classification par ordre de dureté des roches qui constituent la croûte du globe, les silicates tiennent le premier rang ; les chaux carbonatées, au contraire, même celles d’ancienne formation, n’y occupent qu’une place très inférieure ; et lorsque ces dernières sont composées, plus elles contiennent de silicates, plus, par leur dureté, elles se rapprochent des premières.

Que d’autre part, dans le pétrissage des mortiers avec de l’eau, le silicate anhydre. s’ils en contiennent, doit être converti instantanément en silicate hydraté, puisque les atomes de ce nouveau corps y sont en présence, tandis qu’il n’en est pas de même pour la chaux, qui ne peut d’abord passer qu’à l’état de chaux hydratée composée, pure et sans consistance.

M. Lefroy tire des observation ci-dessus les conclusions suivantes. Que la force d’adhérence des mortiers avec les corps étrangers devant suivre la raison directe, composée de la force d’agrégation et de la promptitude de solidification de ces mêmes mortiers, les cimens dits romains sont préférables, aux chaux les plus hydrauliques. Ils présentent de plus l’avantage de n’éprouver, dans la solidification, ni augmentation ni diminution de volume, ce qui permet aussi de les employer au moulage des figures et ornemens.

L’auteur termine en réfutant les dernières objections faite contre l’emploi de ces cimens, et cite de nombreux et importans ouvrages faits, tant en Angleterre qu’en France, depuis plus de quarante années.

À l’occasion du terme de ciment romain employé dans le mémoire précèdent, M. Texier, architecte, fait observer que cette expression appliquée surtout à des chaux maigres est impropre, puisque le ciment des Romains était presque toujours fait avec de la chaux grasse et de la pouzzolane.

M. de La Fontenelle fait aussi remarquer que le ciment des Romains était très variable, suivant les localités, en raison des divers matériaux hétérogènes ajoutés à la chaux.

M. Lefroy répond qu’il n’emploie ce terme que comme nom vulgaire, sans en conclure de rapprochement réel ni d’identité entre les mortiers qu’il a décrits et les anciens cimens romains.



  1. Annales des Sciences d’observation. mars 1830.
  2. Les lignites du Soissonnais, sur la position relative desquels on n’est pas d’accord aujourd’hui, appartiennent peut-être aux lignites de la partie moyenne du calcaire grossier, si l’on peut s’en rapporter aux ossemens de lophiodons, de tortue, etc., recueillis dans ce terrain par M. Graves, et en tout analogues à ceux de Nanterre et de Passy.
  3. L’analyse de ce mémoire sera donnée dans le Bulletin, après la lecture de la seconde partie.
  4. Connus en Angleterre sous les noms de Parker’s cement et roman cement.