La Verdure dorée/Toi, tu ris, tu te renverses

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 196-197).

CXX


Toi, tu ris, tu te renverses
Sur le divan rouge et bas ;
Tu n’as gardé que tes perles,
Tes fourrures et tes bas.

Cet après-midi d’automne
Chauffe l’ombre de la chambre ;
Le vent siffle et tourbillonne
Au verger couleur de cendre.

Mais tu ris, ma belle amie,
Rose sur le divan rouge,
Sans redouter que la vie
Fane tes seins ni ta bouche.


Tu dors. Encore une fois,
Moi je bourre cette pipe,
Cette vieille pipe en bois
Qui fume quand je soupire,


Cette pipe que Carco
Noircit comme Pellerin
Et qui régnera jusqu’au
Sifflet de mon dernier train,

Jusqu’à l’heure où sous les fleurs
Je m’en irai pour toujours
Afin d’aller voir ailleurs
S’il est de longues amours.


Des gazes lentes et bleues
Environnent mon exil ;
Ferai-je sur tes cheveux
Une romance facile ?

Dois-je, injuriant le sort
Et le jour qui nous éclaire,
Vainement clamer encore
Ce que mon cœur a souffert ?

Quand tu vas dans l’ombre noire
T’éveiller en un soupir
Je saurai du moins avoir
La force de te sourire.