Cham - Albums du Charivari/Chinoiseries, turqueries et autres maroquinades

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Journal le Charivari (5p. 7--).
Chinoiseries
Chinoiseries
Turqueries et autres Maroquinades
PAR



— À la bonne heure ! voilà du pain sur la planche.


CHEZ ARNAULD DE VRESSE, EDITEUR
55, RUE DE RIVOLI.
Paris — Imprimerie J. Voisvenel, rue du Croissant, 16.
L’empereur de la Chine dictant la lettre par laquelle il exprime aux Anglo-Français le profond chagrin qu’il éprouve du malentendu de Pei-Ho.
Le canon rayé permettant aux Anglo-Français d’entrer en rapport direct avec la cour de Pékin.

— Général, allez et soyez victorieux ; sinon, je ne vous dis que ça.

L’empereur de la Chine comptant sans sa natte en espérant cacher à son peuple la terreur que lui inspirent les dépêches.

— Tu vas faire la guerre aux Chinois ; n’oublie pas ta petite Nini. S’il t’arrivait un malheur, envoie-moi de suite un crêpe de Chine pour que je porte ton deuil.

— Toi un lettré ! allons donc farceur, tu peux seulement pas déchiffrer la lettre de ma payse.

— Allons, bon, me voilà propre ! L’Europe qui me déclare la guerre et mon peuple s’est tant pochardé avec l’opium qu’il n’y a plus moyen de le réveiller.

— Comment ! tu enlèves ce coupon de robe de ce magasin ?

— Mais, mon ami, c’est le magasin des Deux-Magots. Nous sommes en guerre avec la Chine, c’est permis !

— Tu vas t’en Chine, eh bien, z’arrivé à Toulon j’ai vu dans le journal qu’on allait vous faire passer tous dans la musique.

— Ah bah !

— Mais certainement ; on dit comme ça qu’on changera tous vos képis contre des chapeaux chinois.

— Mais quoi qu’il nous fiche dans notre soupe le caporal d’ordinaire ?

— Mes z’amis, vous êtes du corps z’expéditionnaire z’en Chine, faut vous z’accoutumer d’avance z’a la nourriture du pays.

— Mais, sargent, ils sont beaucoup trop grands pour moi ces soulierces !

— C’est z’exprès ! tu fais partie de l’expédition de la Chine. Que les Chinois adorent les petits pieds qu’on te met justement ces soulierces pour les vexer.

— Mademoiselle Françoise, je viens vous faire mes adieux, que je pars pour la Chine, que le perruquier de la compagnie nous a déjà mis à l’ordonnance du pays.

L’empereur de la Chine exige que le dieu Bouddha profite de tous ses bras pour prendre des armes plus que les autres Chinois.
L’empereur de la Chine se rendant à la porte de tous les marchands de thé pour recruter l’arrière-ban de son armée.
Ayant besoin d’hommes pour faire la guerre, l’empereur de la Chine s’empresse de repêcher tous les petits Chinois que son crétin de peuple a l’habitude de jeter dans le fleuve Jaune.
L’empereur de la Chine licencie son armée, le marquis d’Hervey Saint-Denis se chargeant de le défendre avec son livre : la Chine devant l’Europe.
LES BIENFAITS DE LA CIVILISATION EN CHINE.

L’EMPEREUR DE LA CHINE. — Ah ! mon Dieu ! comme les voilà fagotées, mes sujettes ! Quels diables de jupons ! Que c’est donc laid la civilisation !

— La civilisation interdit aux Chinois de manger désormais du chien !

— La belle avance, si la civilisation leur apprend à manger du chat.

— Mon brave Chinois, je viens te souhaiter la bonne année de la part de ton portier, ton facteur, ton frotteur, ton porteur d’eau, etc., etc. C’est moi qui touche pour eux cette année-ci.

L’EMPEREUR DE LA CHINE. — Quelle horreur ! Que signifie ce marécage sur la place de mon palais ?

— Sire, c’est une importation d’Europe ; vous jouissez des bienfaits du macadam.

— Votre majesté congédie son coiffeur ?

— Oui, mon ami, oui, il y a monsieur qui me fait la queue !

L’EMPEREUR DE LA CHINE. — Vous m’avez construit une Bourse. Où est l’entrée ? où est la sortie ?

L’ARCHITECTE. — C’est bien simple : là où vous voyez les mains pleines, c’est l’entrée ; là où vous voyez les mains vides, c’est la sortie.

— La civilisation ne m’imposera jamais cet instrument-là ! Rendez-moi mon tam-tam ! Rendez-moi mon tam-tam !

L’EMPEREUR DE LA CHINE. — Vingt-cinq mille œufs d’autruche ! Qu’est-ce que cela signifie ? La moitié de ma bonne ville de Pékin qui brûle !

— Sire, la civilisation vient de doter la Chine d’allumettes chimiques ; votre capitale jouit des résultats de ce bienfait.

Le grand-vizir envoyant chercher le docteur Dancel pour savoir s’il ne pourrait pas, grâce à son procédé, faire maigrir le budget turc.
L’état des finances turques amenant tôt ou tard une catastrophe.
Offrant une tirelire à la sultane favorite pour essayer de lui donner le goût de l’économie.

— Allons, pas moyen de faire des économies au sérail… Voilà que cette année nous allons être ruinés en frais de nourrices !

— Saprelote ! cette note là est encore plus forte que toutes les autres. Qui est-ce qui a dépensé cela ?

— C’est la dépense de l’économe du sérail.

— Sultane, le grand séraskier vous prie d’économiser la bougie.

— Tiens, c’est juste ; moi qui oubliais d’utiliser l’autre bout. Je vais maintenant l’allumer par les deux bouts, ce sera bien plus économique !

— Comment ! c’est encore pour faire des économies que je vous surprends avec un militaire ?

— Oui, j’apprends à fumer le caporal ; c’est meilleur marché.

— Vous ne craignez pas de laisser ainsi la clef à votre porte ?

— Ma foi non ! je n’ai pas le sou chez moi.

— Le grand-vizir ! Pauvre cher homme ! moi qui allais lui demander de l’argent ! ! ! Allons-nous-en bien vite de peur qu’il ne m’en demande !

M. de Pleuck, chargé de rétablir les finances turques, met le grand-vizir dans l’embarras en fermant les fenêtres par lesquelles il jetait l’argent.
À CONSTANTINOPLE.

— Je t’arrête !

— Tiens ! et moi aussi !

— Paraît que nous étions tous les deux dans la conspiration.

M. de Lesseps rencontrant avec sa sonde une couche de vieux Turcs qui l’empêche de passer outre.

— Vous êtes chargé de débrouiller les comptes du sérail… permettez-moi de vous offrir ceci pour vous aider dans cette besogne.

— Qu’est-ce que cela ?

— Parbleu… un démêloir !

La sultane favorite étant disparue, le grand séraskier finira par la retrouver faisant queue à la caisse d’épargne à Paris.
Le pacha d’Égypte venant protester contre la reprise des travaux pour le percement de l’isthme de Suez. M. de Lesseps finissant par gagner le pacha d’Égypte à sa cause.
LE TRÔNE DE L’EMPIRE DU MAROC.

Il faut qu’il soit joliment solide ce trône-là pour résister ainsi à chaque mort de souverain.

Le nouvel empereur du Maroc ne parvenant que très-difficilement à lire sa proclamation à son peuple.
Se rappelant la bataille d’Isly, l’empereur du Maroc juge prudent, avant de partir pour la guerre, de déposer son parasol au bureau des cannes et des parapluies.

— Vois-tu, mon brave bédouin, on a beau avoir été en Crimée et en Italie,

On en revient toujours
À ses premières amours.

— C’est-il embêtant ce temps-là ! l’empereur du Maroc qui ne prendra pas son parasol, que je comptais dessus.

— Mon cher, vous devez comprendre qu’à deux nous serions gênés ; la géographie du pays s’y oppose.

— Ma foi, je ne peux pas planter le drapeau français plus haut que ça ! C’est aux astronomes-maintenant à faire le reste !

— Jolie maison, pas vrai ? C’est moi qui vas demeurer dedans et c’est vous qui payerez le terme.

(LA ROUTE DE KABYLIE SUR L’AIR DE Gastibelza.)

— Le fiacre qui vient à tra-vers la monta-a-a-a-gne ! le rendra fou ! le rendra fou !

— Kabyle, mon cher, vous êtes sujet français ! Allez chercher votre carte d’électeur.

— Dites donc, caporal, je ne peux plus avancer, faut-il continuer la route ?

— J’ai pas reçu d’ordres, avance toujours.

— Dites donc, zouave, vous avez maintenant une route pour parcourir la Kabylie.

— Mon officier, ça me gêne les routes pour me promener ; je suis habitué là où il n’y a pas de chemin. Ça m’est plus commode.

L’EMPEREUR DU MAROC. — Allons, bon ! vlan ! Qu’est-ce qui vient de m’envoyer ça ? Je ne sais auquel répondre, ils parlent tous les deux à la fois !

— Voyons, il me faut votre parasol.

— Mon parasol, je ne l’ai pas : il est à raccommoder, et puis d’abord vous m’avez pris mon vieux. Combien qu’il vous en faut donc à vous ?

L’EMPEREUR DU MAROC. — Ah ! bigre ! moi qui le croyais chez lui en train de prendre son chocolat.

L’ESPAGNOL. — Mon ami, je viens vous donner un tabac ; vous savez qu’il a de la réputation chez nous.

Le taureau très-enchanté que l’Espagnol ait trouvé autre chose que lui à combattre.

— Dites donc, hé, l’ami ! laissez-en un peu pour moi ! Par Notre-Dame del Pilar ! faut que je me dépêche, si j’ai envie qu’il m’en reste un morceau !

— Les Bédouins qui viennent me défendre ! Sauvons-nous !

— Ah ben ! merci ! Ils l’ont bien arrangé mon parasol ! ! ! Le prochain que j’aurai, je le ferai vacciner avant que de le leur montrer.

M. Meyerbeer faisant l’expédition du Maroc dans l’espoir de rencontrer l’Africaine qu’il a rêvée pour son nouvel opéra.