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Chansons de la roulotte/Dzim ! boum ! boum !

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DZIM ! BOUM ! BOUM !…


Mesdames et Messieurs !

Ce pharamineux ouvrage contient — en outre et sans préjudice des incomparables merveilles et des étourdissantes curiosités annoncées à l’extérieur — plus de soixante-cinq portraits et physionomies des personnalités les plus illustres et les plus éminentes du monde des lettres, des arts, de la politique, du théâtre, de l’aristocratie, de l’anihrrrrropométrie… et, en général, de toutes les branches de l’humanité !

Vous y contemplerez aussi facilement que dans le kaléidoscope le plus perfectionné :

Sa Majesté ALPHONSE XIII, roi d’Espagne !

Le célèbre ARISTOPHANE, des principaux cabarets de l’Acropole !

Monsieur BARD, de la Cour de Cassation, bureau des rafraîchissements ! Monsieur Louis BARTHOU, ou l’Enfant du Ministère !

Le terrible BÉRENGER, dit la Pudeur de Grenelle !

BERTILLON-LE-SYSTÉMATIQUE !

Monsieur BOISSIER, secrétaire perpétuel de la Maison de Refuge !

Monsieur HENRI BRISSON, le vieux républicain !

Monsieur BOUCHER, épave ministérielle !

Monsieur CHAUTEMPS, vieux débris !

Le général CAMBRONNE, orateur militaire !

Monsieur CASIMIR PÉRIER, notre grand démissionnaire national !

Le prestigieux barbier CHAUVIN, ex-député demeuré raseur !

Mademoiselle CLÉO DE MÉRODE, caprice de la Nature !

Monsieur CONSTANS (Ernest pour le concierge de la Sublime-Porte) !

DUPUY-CAOUTCHOUC ou Charlot-le-Désossé, l’inimitable évolutionniste !

Monsieur DE FREYCINET, dernier caleçon de la franchise brutale !

Sa Majesté GUILLAUME II, dit l’Empereur-caméléon, et quelques autres souverains de moindre garde-robe, tels que Nicolas, Léopold, Humbert, Chulalongkorn, Emile Zola (le roi des violettes) !…

Le colonel JOUAUST et son ami JAURÈS !

Monsieur LEBRET, de Caen (visiblement) !

Mademoiselle LAVALLIÈRE, des Variétés ! Monsieur LOUBET, de l’Élysée !

Monsieur LEGOUVÉ, qui vit encore !

MÉLINE-LE-DOUX, crème renversée, bonbon acidulé !

MESUREUR-L’INDIFFÉRENT !

Le duc d’ORLÉANS-GAMELLE, l’infatigable prétendant toujours prêt à se faire photographier !

Monsieur PARIS, le plus bel hospitalisé de la Fondation Richelieu !

Monsieur QUESNAY DE BEAUREPAIRE (Q. le plus souvent) !

Monsieur THUREAU-DANGIN, l’écrivain si universellement connu dans son quartier !

Monsieur DE VOLTAIRE, le polémiste anticlérical si brillamment remplacé par Monsieur Yves Guyot !

VICTOR-LE-TEMPORISATEUR ou VIC-TOR-CUNCTATOR (plus familièrement VICTOR T’AS TORT), au moment précis et bi-hebdomadaire où « il va monter à cheval » !

Et cœtera, et cœtera !…

Conséquemment, mesdames et messieurs, les personnes de la société qui seraient assez soucieuses de leurs intérêts pour faire l'acquisition du présent volume se trouveraient posséder du même coup et sans aucune contribution supplémentaire une galerie de notoriétés ayant tous les caractères d’une prime à la vivacité de leur intelligence et à la logique de leurs déductions commerciales ! Galerie d’autant plus rare et d’autant plus difficile à se procurer pour un amateur que quelques-unes des individualités qui la constituent ont négligé l’utile précaution de se faire photographier de temps à autre !

Les personnes connaissant la vie et sachant ce que parler veut dire comprendront d’elles-mêmes que cette critique ne saurait ternir la réputation de Mademoiselle Lavallière, encore moins celle de Mademoiselle Cléo de Mérode ; mais pour peu que ces mêmes personnes aient lu Thucydide, — ceci dit sans nulle arrière-pensée de les blâmer de leur indiscrétion, — elles se rendront parfaitement compte de ce que peut avoir d’ingrat et de mal rétribué un travail consistant, par exemple, à rechercher la photographie d’Aristophane.

Dans un ordre d’idées différent, mais non moins artistique, la présence de Monsieur Bérenger dans la collection constitue encore pour les amateurs une occasion véritablement exceptionnelle ; car on sait que, hanté par des préoccupations dont nous n’avons pas à apprécier l’opportunité, l'honorable législateur ne consent à poser devant un objectif qu’avec une feuille de vigne sur le nez ! Cette attitude légèrement timorée nous a contraints à de délicates et dispendieuses retouches.

Et si nous passons, mesdames et messieurs, au très distingué Monsieur Mesureur, nous nous trouvons en présence d’un individu qui, sans préméditation de nous susciter des embarras, ne s’est point cependant non plus prêté de bonne grâce à la reproduction de son faciès historique. Nous avions déjà appris, il est vrai, de la bouche de la rumeur publique, que « cela lui était parfaitement égal ». Très loyalement, il nous a fait, en termes d’une netteté absolue, une déclaration dans ce sens.

Dans le noble but, à la fois militaire et patriotique, de nous procurer la vaillante image de Cambronne, nous avions eu premièrement l’idée ingénieuse de nous adresser à la famille ; mais le chef de cette agglomération nous a fait une brève réponse que nous nous abstiendrons d’insérer, car il semble en résulter, au premier abord et après un examen tant soit peu artificiel, que notre interlocuteur nous a pris pour des Anglais.

Aucun photographe, aucun éditeur, aucun libraire, aucun marchand d’images n’a pu nous fournir la « poire » ou, — si l’on aime mieux, — la « pomme » authentique de M. Paris ! Nous l’avons trouvée nous-mêmes dans un salon vert-peluche du quartier Marbeuf après les explorations les plus fatigantes et les plus coûteuses. Ce bellâtre l’avait encore une fois donnée à Vénus !…

Ces quelques exemples suffiront certainement, mesdames et messieurs, à vous faire toucher du doigt la somme colossale d’efforts, d’intrigues souterraines et d’argent monnayé dont est faite cette magnifique série-réclame ! « Comment ces bougres-là peuvent-ils faire pour y arriver ? » se demande-t-on journellement dans les salons les plus aristocratiques. À la vérité, on insinue pas encore que nous couvrons nos déficits par des emprunts aux dames de haut rang qui ont le bon goût de nous marquer quelque bienveillance ; mais nous nous flattons que, lorsqu’ils auront vu et qu’ils se seront rendu compte, nos acheteurs, émerveillés d’une transaction si avantageuse, se feront un plaisir de combler eux-mêmes cette lacune !

Dzim ! boum ! boum ! Rataplan ! Rataplan !… Rrrrrrran ! Rrrrrrran ! Rrrrrrran ! Rataplan !… Dzim !