Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Les servantes et les gens mariés

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LES SERVANTES ET LES GENS
MARIÉS
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I

   Un jour, que j’étais en belle humeur, il me vint une idée en tête ;
J’empoignai mon fusil, avec dessein d’aller me promener.

   J’empoignai mon fusil, avec dessein d’aller me promener,
Et je vis ma maîtresse qui venait au-devant de moi.

   Moi, de lui demander, comme je la trouvais contristée :
— Êtes-vous malade de cœur ou êtes-vous malade d’esprit ?

   Et elle, de me répondre, avec un air gracieux :
— Je ne suis pas malade de cœur, par la merci de Jésus !

Il n’y a (à me tourmenter) que les mauvaises langues qui tous les
____________________________________ jours vont leur train,
Bavardant sur votre condition aussi bien que sur la mienne.

   — Eh ! laissez les mauvaises langues caqueter, nuit et jour,
Nous serons tous deux fiancés, quand sera fixé le jour.

II

   Quand je fus fiancée et mariée, entrée en ménage,
J’étais cent fois plus mal à l’aise, que lorque j’étais servante.

   Une servante, dans une maison, si aujourd’hui elle est maltraitée,
Vous pouvez m’en croire, demain elle ne le sera point.

   (Car) elle attrapera ses hardes, en fera un paquet,
Et, alors, dira : « — Maître, grand merci !

   Venez me faire mon compte, le payer, moi, je vais partir ;
Il n’est pas dans ma fantaisie de rester dans votre maison servir ! »

   Deux êtres fiancés, mariés, ne peuvent en faire autant.
L’un s’est engagé, l’autre n’est plus libre.

   Si j’avais voulu obéir à qui m’aimait fidèlement,
Je serais demeurée (longtemps) encore sans être fiancée.

   Je faisais fi de l’entendre, je n’en faisais que chanter et rire ;
Maintenance pleure force larmes,quand je reçois le régal de la trique.


   Sur moi, mes compagnes, prenez exemple.
Ne vous fiez pas aux hommes, surtout (quand ils viennent)
_______________________________ de loin de chez vous.

   Moi, je m’étais mis en l’esprit d’en aimer un,
Et j’ai eu ma croix d’extrême-onction,
____________________________pour me récompenser de ma peine.


Chanté par Vincente Guillou,
Guerlesquin, 15 septembre 1888.
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