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Chants populaires de la Basse-Bretagne/Celui qui alla voir sa maîtresse dans l’enfer

La bibliothèque libre.
Édouard Corfmat (1p. 45-47).


CELUI QUI ALLA VOIR SA MAITRESSE
EN ENFER.
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J’implore la lumière du ciel
Et l’assistance de la Sainte-Vierge, pour pouvoir exposer

Un fait digne de pitié, parmi les jeunes gens.
Un exemple patent pour tous ceux qui sont dans ce monde.

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Ils se fréquentaient dès leur enfance.
Et à mesure qu’ils avançaient en âge, ils le faisaient encore davantage.

Ils se fréquentaient la nuit comme le jour,
Sans montrer aucune crainte de la puissance de Dieu.

Mais une chose cruelle vint les séparer,
La fille vient à mourir, jeune et sans souci.
 
Quand le jeune homme vit son amie morte.
Il se jeta dans un couvent, parmi les hommes saints ;
 
Et là il priait Dieu nuit et jour,
Dans l’espoir de revoir son amie, comme quand elle était en vie.
 
Un jour que le kloarek était en prière, dans sa chambre,
Le Démon lui apparut, sous la forme d’un jeune homme.

— Combien, lui dit-il, me donnerais-tu
Pour voir ton amie, comme quand elle était en vie ? —
 
— Je ne suis qu’un pauvre homme et je n’ai pas de biens ;
Je n’ai qu’une patène soufflée en or jaune ;

Celui qui me fera voir mon amie, sans qu’il m’arrive de mal,
Aura ma patène, ô oui, en assurance. —

Il le prend, comme un enfant.
Et s’envole avec lui par-dessus les hautes maisons.
 
Ils arrivèrent dans une avenue très-grande,
Avec une grande porte garnie de fer, à l’extrémité.

Quand il arriva près de la porte, elle lui fut ouverte,
Parce qu’il était un diable incarné de l’enfer ;

Il le conduisit dans une chambre, à l’écart,
Où il vit son amie, comme quand elle était en vie ;
 
Le kloarek fut mis dans une chambre, à l’écart,
Où il voit son amie sur un siège de feu !
 
— Dites-moi, mon amie, souffrez-vous dans ce lieu,
Car il me semble vous voir au milieu du feu ? —


— Oh ! oui, certes, dit-elle, vous pouvez bien le croire,
Je n’ai pas un seul instant de repos, ni la nuit, ni le jour. —

— Qu’est-ce que ces choses repoussantes qui sont à vos oreilles,
Et qui souillent votre visage et vos pieds et vos mains ? —

— Tous les serpents de l’enfer me dévorent, jour et nuit.
Sans me laisser un seul moment de repos ;

Mes pieds, mes mains, tous mes membres
Sont comme le fer qui sort de îa fournaise ! —

— Dites-moi, mon amie, n’y aurait-il pas moyen
De vous racheter des supplices de l’enfer,

Par des jeûnes, des oraisons, de bonnes prières,
L’aumône aux pauvres, et la sainte messe ? —

— Les jeûnes, les oraisons, les bonnes prières
Ne font qu’accroître les peines d’une âme damnée. —

— Adieu donc, mon amie, puisqu’il faut partir,
Je voudrais bien vous embrasser une dernière fois ? —

— Sauf votre grâce, mon serviteur, vous ne ferez point cela.
Car vous seriez brûlé par le feu de l’enfer. —

— Adieu donc, mon amie, puisqu’il faut partir ;
Je donnerai de vos nouvelles à votre jeune sœur. —

— Oh ! oui, mon serviteur, oh ! oui, n’y manquez pas.
Donnez-lui de mes nouvelles, et lui dites de ma part

De n’être pas trop familière avec les galants,
De crainte, hélas ! Marie, d’être aussi damnée ! —


Chanté par Marie-Job KADO, vieille mendiante
Keramborgne 1844.