Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1125

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Règne de Louis VI le Gros (1108-1137)

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[1125]
Un hiver excessivement dur suivi d’un printemps pluvieux
Les Chrétiens s’emparent de Tyr
Famine dans le royaume de France


L’hiver, par une gelée plus rigoureuse qu’à l’ordinaire et par des amas de neige qui tombaient très-souvent, fut excessivement dur et incommode. Un grand nombre d’enfans, de femmes et de pauvres périrent du trop grand froid. Dans beaucoup de rivières les poissons périrent engloutis sous la glace si épaisse et si forte qu’on pouvait faire passer dessus des chariots chargés, et y chevaucher comme sur la terre. Dans le Brabant, d’innombrables anguilles sortant de leurs marais à cause de la glace, chose merveilleuse, s’enfuirent et se cachèrent dans des granges à foin ; mais l’excessive rigueur du froid les fit périr,et elles pourrirent. Il y eut aussi une grande mortalité sur les animaux. A l’hiver succéda, jusqu’au milieu de mars, une intempérie de l’air, causée tantôt par la neige, tantôt par la pluie, et par la gelée alternativement, et qui fit un grand dommage ; à peine au mois de mai suivant les arbres étaient-ils fleuris, et les herbes et les graines commençaient-ils à pousser de la verdure. Une pluie tomba ensuite continuellement pendant plusieurs mois, et noya presque entièrement la semence dans les champs ; le froment et l’avoine trompèrent grandement l’espérance de la récolte. Beaucoup de gens furent consumés par le feu du ciel. La ville de Tyr, assiégée des Chrétiens par mer et par terre, fut prise et soumise à l’empire du Christ. Une grande famine ravagea aussi le royaume de France.