Chronique de la quinzaine - 14 octobre 1887

La bibliothèque libre.

Chronique n° 1332
14 octobre 1887


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre.

A mesure qu’on approche de la session nouvelle, on ne peut se dissimuler que les choses prennent une singulière tournure, que tout est trouble et confusion dans les esprits comme dans les faits, et que nous entrons dans une de ces phases où il faut s’attendre à de l’imprévu. On aurait beau se faire illusion, depuis quelques semaines surtout, les difficultés se pressent et s’enveniment, les passions s’irritent, les symptômes inquiétans se multiplient. Que se passera-t-il à la première rencontre entre le gouvernement et les partis dans les chambres? Tout se prépare peut-être pour des crises nouvelles, et, par une fatalité de plus, ces trois mois de vacances qui viennent de s’écouler, qui avaient d’abord assez bien commencé, finissent par d’étranges désordres dans les affaires morales, en même temps que par des menaces de conflits dans les affaires politiques de la France. Incidens pénibles pour la moralité publique, incohérences inévitables de parlement, c’est là pour l’instant le plus clair d’une situation peu faite, on en conviendra, pour inspirer quelque confiance au pays.

Rien, assurément, de plus triste que cette affaire, qui vient de mettre brusquement à nu de si étranges corruptions de mœurs, et qui, depuis quelques jours, semble prendre d’heure en heure des proportions plus inquiétantes. Tout n’est peut-être pas découvert encore, la justice poursuit son œuvre; on en sait du moins assez pour voir quelles singulières industries pullulent dans les bas-fonds d’une société troublée, comment aussi peuvent succomber aux plus misérables tentations des hommes qui sont censés avoir le sentiment de l’honneur. Que des intrigans vulgaires, des spéculateurs sans scrupule, des femmes de vie suspecte songent à profiter de quelques relations qu’ils se créent souvent par importunité, de quelques mots insignifians qu’ils surprennent, pour organiser un trafic clandestin de faveurs publiques, d’emplois, de décorations, en se faisant payer une influence qu’ils n’ont pas, ce n’est point là, après tout, ce qui serait bien surprenant. Il faut même avouer que les dupes qui se laissent exploiter et donnent leur argent pour des décorations ou des titres ne méritent pas beaucoup plus d’intérêt que les fripons interlopes qui les exploitent en se parant de leurs liaisons dans le beau monde. Si ce n’était qu’une affaire entre quelques vaniteux imbéciles qui veulent à tout prix être décorés et les industriels véreux qui lèvent contribution sur la sottise, ce ne serait qu’un incident banal qui irait finir vulgairement devant la police correctionnelle. Malheureusement, ce n’est pas tout, et, à peine engagée, cette affaire s’est aussitôt compliquée et singulièrement aggravée. Un officier, qui n’était rien moins qu’un dignitaire de l’armée et un fonctionnaire du ministère de la guerre, un sous-chef de l’état-major général, s’est trouvé compromis dans ce commerce de bas spéculateurs. Bientôt l’accusation s’est étendue à un second général sénateur, peut-être encore à d’autres officiers, à un certain nombre de personnages plus ou moins en vue. On s’est trouvé jeté d’un seul coup en plein scandale public, et comme si ce n’était pas assez de la réalité, l’œuvre de l’imagination a commencé. On s’est hâté de tout confondre, de tout exagérer, d’ajouter à ce qu’on savait les récits de fantaisie, les légendes, les suspicions ou les délations, au risque d’embarrasser la justice elle-même et M. le ministre de la guerre. Tout le monde s’en est mêlé, les uns par goût du roman et des divulgations intimes, les autres par passion de parti. C’est une véritable explosion de commentaires, de révélations, de jugemens précipités, et, comme toujours, M. le général Boulanger lui-même n’a pas manqué d’intervenir. Sans avoir été mis en cause, sans avoir été appelé comme témoin, il ne s’est pas moins cru obligé d’envoyer son témoignage sous la forme de lettres familières ou de conversations avec des journalistes. M. le général Boulanger a tenu à dire son opinion sur tout, sur les uns et sur les autres, sur ce qu’il y aurait en à faire, même sur son chef, M. le ministre de la guerre, qu’il a tout simplement accusé d’avoir organisé un complot contre lui, d’avoir voulu le compromettre dans la déplorable aventure de l’ancien sous-chef d’état-major. Bref, il y a un peu de gâchis militaire mêlé à beaucoup de gâchis moral. On en est là pour le moment.

Oui, assurément, des incidens comme celui dont on occupe aujourd’hui le pays et le monde sont toujours de tristes misères. Ils ne sont ni beaux ni rassurans pour une société. On ne peut se défendre d’une secrète anxiété et même d’une grande pitié en voyant des chefs militaires, connus jusqu’ici par leurs services, perdus tout à coup par leurs faiblesses, mêlés aux obscures manœuvres de chevaliers d’industrie et d’aventurières du bas monde. C’est, nous en convenons, un des plus pénibles spectacles. Il ne faudrait cependant pas, dans cet effarement universel du jour, prendre pour des vérités tous les commérages, toutes les diffamations, tous les raffinemens d’invention et d’interprétation. Il ne faudrait pas exagérer des faits qui malheureusement n’ont rien de nouveau ni de bien particulier, qui sont de tous les temps et de tous les pays. Il ne faudrait pas surtout laisser croire que l’armée puisse être atteinte dans sa dignité par des défaillances individuelles, isolées, tout accidentelles, et lorsque M. le ministre de la guerre, dans un discours tout récemment prononcé à Chartres, a saisi l’occasion de relever l’intégrité morale de l’armée, il a fait son devoir; il a parlé comme il le devait de cette grande corporation militaire dont il est le chef, qui, à travers toutes les épreuves, reste intacte dans sa vie d’abnégation, d’honneur et de discipline. Au fond, ce qu’il y a de plus caractéristique dans ces faits sur lesquels on se plaît à répandre de si tristes lumières, ce n’est ni la nouveauté, ni le nombre, c’est la coïncidence avec une certaine situation publique. Qu’on y songe bien! tous les régimes s’épuisent et ont leurs périodes critiques. Il y a des momens où ces maladies morales se dévoilent tout à coup, et où il y a des épidémies de mauvaises affaires. En 1847, — on n’était pas loin de 1848 ! — Les incidens pénibles se multipliaient, et il y avait aussi des militaires compromis dans des aventures scandaleuses. Aux derniers temps du second empire, les surprises cruelles, les divulgations bruyantes éclataient à chaque pas. C’est l’histoire du passé ; il reste à savoir ce que sera l’histoire de demain!

C’est ce qui devrait donner à réfléchir à la veille d’une session qui va s’ouvrir dans des conditions certainement difficiles, avec ce cortège de tristes incidens et la perspective de conflits parlementaires qui menacent d’être plus ardens, plus passionnés que jamais. Il n’est point douteux, en effet, que dans cette situation intérieure telle qu’elle apparaît à l’heure où nous sommes, il y a des difficultés de toute sorte nées de l’animosité des partis, des divisions croissantes, de la confusion des opinions, et qu’on ne voit plus trop comment ces difficultés seront dénouées ou tranchées. On va se trouver en présence dans la situation la plus singulière assurément, la plus obscure, la plus troublée et peut-être aussi la plus périlleuse qu’on ait vue depuis longtemps. Tout le mal est venu, on peut le craindre, de ce que le ministère ou, pour mieux dire, M. le président du conseil qui le personnifie et M. le ministre de l’instruction publique qui est son lieutenant, qui ne laisse échapper aucune occasion d’exposer les bonnes intentions du gouvernement, ont hésité à prendre un parti, à marcher résolument dans la voie où ils paraissaient être entrés en arrivant au pouvoir. M. le président du conseil a pris, non sans courage, ce qu’on pourrait appeler une attitude ; il n’a pas eu une politique ou, du moins, il n’a pas accepté les conséquences de la politique de conciliation pratique et d’apaisement libéral qu’il semblait porter aux affaires. Par son langage, il a paru vouloir ménager les conservateurs, se montrer attentif à leurs griefs et apaiser leur opposition : c’était pour l’attitude ! Par le fait, il n’a à peu près rien refusé aux radicaux, qu’il paraissait, qu’il paraît encore désavouer dans ses discours; il a eu pour eux, il faut l’avouer, de dangereuses complaisances, d’étranges faiblesses, en continuant leur guerre de secte dans les écoles, eu tolérant même jusqu’à ces derniers temps, de la part de ses préfets affiliés au radicalisme, une hostilité brouillonne contre le cabinet dont ils étaient les agens. En définitive, il a cru se tirer d’affaire en donnant aux conservateurs des paroles stériles qui ne pouvaient suffire indéfiniment et en faisant aux radicaux des concessions de conduite qu’il se réservait de mesurer. Qu’en est-il résulté? C’est que le ministère de M. Rouvier n’a satisfait personne. Il a découragé les conservateurs, il n’a pas désarmé les radicaux; il a même peut-être quelque peu déconcerté les républicains modérés, qui en sont à se demander ce qu’il veut, et, à l’heure qu’il est, il va se retrouver affaibli devant les chambres, exposé à un assaut que ses adversaires préparent contre lui avec une âpreté dont les signes éclatent de toutes parts.

C’est désormais évident, il faut que quelque chose se décide. — « Il n’en faut pas douter, nous voilà menacés d’une crise nouvelle à la rentrée, » a dit l’autre jour M. Jules Ferry dans un discours qu’il a prononcé à Saint-Dié, et il n’a pas craint d’ajouter, au risque d’exaspérer une fois de plus les radicaux, que, si la crise éclatait, elle risquait de conduire à une dissolution. C’était une menace fondée sur l’état d’anarchie parlementaire qui rend tout impossible aujourd’hui; mais qu’on aille jusqu’à une dissolution qui deviendrait inévitable, ou que tout se borne à une crise ministérielle de plus, la question posée devant le pays ou devant les chambres est la même. Elle se résume en termes simples et saisissans : il s’agit de choisir entre la politique radicale, révolutionnaire, et une politique de sérieuse modération : tout est là !

Si c’est la politique radicale qui l’emporte, plus ou moins déguisée sous l’apparence de ce qu’on appelle la concentration républicaine, ce n’est pas le ministère de M. Rouvier qui la représentera; il aura beau faire, il aura bientôt disparu dans quelque échauffourée. M. de Freycinet est là tout prêt à recueillir l’héritage. M. de Freycinet est l’homme de ces besognes équivoques, le virtuose du parti. Il a refusé le pouvoir, il y a quatre mois, parce qu’il n’a pas pu garder pour collègue M. le général Boulanger; il l’acceptera aujourd’hui sans M. le général Boulanger, pour reprendre cette politique de concessions au radicalisme qui, depuis sept ou huit ans, a fait et l’amnistie de la commune, et les décrets contre les maisons religieuses, et les lois de proscription, et les épurations à outrance, et les dépenses ruineuses pour les finances, — Tout ce qui a conduit le pays à l’état de désorganisation d’où l’on ne sait plus comment sortir. Ce sera la continuation et l’aggravation d’une œuvre si bien commencée, — le progrès accéléré dans l’anarchie. Voilà qui est clair avec les radicaux, à qui M. de Freycinet n’a rien à refuser, pas même la mairie centrale de Paris et bien autre chose encore ! — Si c’est la politique de modération et de réparation qui l’emporte, il faut sortir de toutes les ambiguïtés et accepter sans subterfuge les conséquences des idées qu’on a l’air de défendre. Il ne suffit pas de voir le mal. M. Jules Ferry le voit assurément, il a l’éloquence vigoureuse et même souvent sensée. Il s’est exprimé l’autre jour à Saint-Dié en homme qui ne méconnaît pas la gravité de la situation et la nécessité de refaire un gouvernement. Il a vertement et spirituellement parlé de cette prétendue concentration républicaine, qu’il appelle une opération chimique à l’aide de laquelle les modérés s’évaporent et le radicalisme reste seul au fond. Il s’est prononcé avec force pour une « politique de modération, de sagesse, de concorde et d’apaisement. » M. Rouvier tenait déjà le même langage à son avènement au pouvoir. M. Spuller s’épuise à parler de conciliation, de libéralisme, et il assurait, ces jours derniers encore à Chartres, que M. le président du conseil entendait rester fidèle à son programme, qu’il serait plus ferme que jamais.

Malheureusement, ce ne sont là souvent que des mots, et ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un système de conduite net, précis, coordonné. M. Rouvier, M. Spuller, M. Jules Ferry, ont tout l’air de vouloir et de ne pas vouloir. Ils parlent sans cesse de la nécessité d’avoir un gouvernement, de s’occuper des affaires sérieuses, d’apaiser les esprits, et ils s’arrêtent au premier pas. Ils craignent toujours d’être suspects, ils n’osent pas même avouer leurs alliances avec les conservateurs. Le pacte, voilà le terrible fantôme! Ils ne s’aperçoivent pas qu’ils ne peuvent réaliser ce qu’ils paraissent vouloir qu’en cherchant leurs alliés là où ils sont, parmi les modérés de toutes les nuances, qui sentent le prix et acceptent les conditions d’un vrai gouvernement; ils ne voient pas qu’ils ne peuvent avoir ces alliés qu’en faisant passer dans leurs actes comme dans leurs paroles une politique mettant l’économie dans les finances et l’équité dans l’administration, rassurant les sentimens conservateurs du pays, respectant les croyances, faisant sans esprit de parti et sans exclusion les affaires de la France. Toute la question est là ! Il faut choisir, et si on ne se décide pas, quand il en est temps encore, on risque de rouler de ministère en ministère jusqu’à une dissolution, — qui ne sera peut-être pas elle-même une solution.

Il n’est qu’heur et malheur dans les affaires du monde. Le moment certes, sous bien des rapports, n’est pas des plus favorables, et on ne peut pas dire que le temps qui, à ce qu’on assure, guérit tout, mette l’apaisement et la clarté dans l’état de l’Europe. Plus on va, au contraire, plus les obscurités, les difficultés, les défiances avouées ou inavouées semblent s’accroître sur notre continent fatigué d’agitations et de crises. L’incohérence est dans les rapports des grands états, dans les alliances qui se déplacent ou se modifient tour à tour sous une influence invisible. Des questions qui, depuis des années, sont le casse-tête des chancelleries, ne se dénouent pas, et aux vieilles questions, toujours plus embrouillées le lendemain que la veille, viennent souvent se mêler des questions nouvelles, tout aussi difficiles à résoudre. Un se sent à la merci de l’imprévu, des incidens, du choc des antagonismes qui peuvent éclater à tout propos, au cœur de l’Europe ou en Orient, aux portes du continent ou même dans des régions plus lointaines. Au moment où l’on y songe le moins, c’est un conflit à Madagascar; c’est une autre complication au Maroc, où la vie du sultan semble en danger, où peut s’ouvrir, d’un instant à l’autre, une succession disputée autour de laquelle s’agitent déjà avec jalousie les puissances qui ont des intérêts dans la Méditerranée. L’Angleterre envoie ses vaisseaux en observation ; l’Italie parle d’envoyer des cuirassés devant Tanger. L’Espagne, qui se souvient de la guerre du Maroc, a eu l’idée un peu prématurée de réunir des forces militaires sur les côtes de l’Andalousie. La France, qui n’est pas la moins intéressée et qui n’a d’ailleurs aucun dessein sur le Maroc, ne peut rester en arrière. Tout est en mouvement au moindre signe sur un point quelconque. Bref, l’Europe est visiblement dans un de ces états vagues et maladifs où l’on passe son temps à s’observer, où on ne sait jamais ce qui sortira d’un accident inattendu, d’une rencontre entre des ministres, d’une combinaison délibérée en secret. C’est là, pour le moment, le fait certain et caractéristique dans la situation générale du monde.

Heureusement, si précaire, si difficile que soit cette situation générale, tous les incidens ne finissent pas par des conflits, et le plus récent, celui qui aurait pu être le plus grave, a eu un dénoûment digne de deux grandes puissances. Les relations entre la France et l’Allemagne à la frontière des Vosges sont d’un ordre si particulier, si délicat, que le fait le plus insignifiant peut prendre tout à coup le caractère le plus sérieux, avoir les conséquences les plus redoutables: à plus forte raison lorsqu’il y a eu, comme dans cette dernière affaire de Vexaincourt, un malheureux mortellement atteint, un jeune homme gravement blessé. Par lui-même, ce lugubre incident de frontière ne prêtait sans doute à aucune équivoque. Le fait tout simple, c’est que des Fran(;ais chassant en France, se livrant à un plaisir inoffensif sur le sol de leur pays, avaient essuyé le feu d’un soldat allemand embusqué sur le territoire voisin. Le danger était dans les émotions, les susceptibilités qui devaient inévitablement s’éveiller, qui pouvaient mettre la passion là où il y avait avant tout une question d’équité internationale à régler, et embarrasser les gouvernemens dans l’action régulière de leur diplomatie. La netteté avec laquelle les gouvernemens se sont conduits a eu précisément pour résultat de ne pas laissera la passion publique le temps d’envenimer cette douloureuse affaire. Le gouvernement français, pour sa part, a fait ce qu’il devait ; il l’a fait simplement, dignement, avec autant de mesure que de fermeté. Pour la seconde fois en quelques mois, M. le ministre des affaires étrangères a su, par son tact, sauvegarder l’honneur et les droits de la France. Le gouvernement allemand, à son tour, il faut en convenir sans embarras, a dédaigné les subterfuges et paraît même avoir évité toute controverse. Il n’a point hésité, dès les premiers jours, à désavouer la brutalité meurtrière de son subordonné ; il a offert une indemnité pour la veuve du malheureux piqueur tué à Vexaincourt, et il a fait témoigner ses regrets au jeune blessé, M. de Wangen, qui n’aurait pas accepté un dédommagement. Le reste est l’affaire des juges, devant qui doit, dit-on, comparaître le soldat, brutal et aveugle auteur d’un meurtre fait pour révolter les nations civilisées.

Cette malheureuse affaire de Vexaincourt, qui est venue si inopinément raviver une vieille blessure, peut donc être considérée comme terminée pour le moment, et terminée de la manière la plus convenable pour les deux nations, pour les deux gouvernemens. Il est cependant trop clair que des incidens comme celui qui vient de se passer dans les Vosges, comme celui qui se passait il y a quelques mois sur la Moselle, sont le signe saisissant d’une étrange tension sur la frontière, et qu’ils pourraient, en se renouvelant, conduire par le plus court chemin à de redoutables complications. D’aucun côté on ne paraît disposé aujourd’hui à aller au-devant de ces complications ; on s’étudie au contraire à les détourner, à en décliner la responsabilité, ne fût-ce que par égard pour l’opinion universelle, si manifestement favorable à la paix. Ce qu’il y aurait alors de mieux, de plus prévoyant, et c’est la plus évidente moralité des dernières affaires, ce serait de concerter autant que possible des moyens, des règles qui rendraient la vie à demi tolérable sur la frontière, qui préviendraient peut-être les accidens par trop violens. Ce serait pour les gouvernemens la meilleure manière de n’être pas perpétuellement exposés à être surpris ou entraînés au-delà de ce qu’ils voudraient. On ne changera pas sans doute le fond des choses, on ne supprimera pas les froissemens, les incidens sur cette frontière déplacée violemment par la guerre ; on pourra du moins peut-être atténuer en partie cette tension de rapports qui est une des faiblesses de la situation laborieuse où se débat l’Europe, où ceux qui se flattent d’avoir la puissance, qui l’ont certainement sous bien des rapports, croient suppléer à tout, faire face à tous les dangers avec des combinaisons toujours changeantes.

Telle est, en effet, cette situation européenne que la fatalité des choses a créée, qui n’a certes rien de rassurant, où l’on sent que tout est possible. Elle est faible, parce que toutes les conditions naturelles ou traditionnelles d’équilibre sont visiblement altérées et faussées. On s’efforce de relayer de temps à autre par ans artifices de puissance; on ne réussit qu’à rendre le péril plus sensible, à montrer à quoi tient une paix qui est dans tous les vœux, qui n’est pas dans les faits, qui reste du moins un bienfait provisoire et précaire dépendant du premier incident venu. M. de Bismarck, vers qui il faut bien toujours se tourner, puisqu’il est le grand moteur de la politique européenne, puisqu’il tient dans les mains les fils de tout ce qui se négocie ou se prépare, M. de Bismarck met depuis quelques années tout son génie à créer un état à demi durable. Il a d’abord ressuscité l’alliance des trois empires du Nord, Allemagne, Russie et Autriche : c’était la grande conception à laquelle il subordonnait ou coordonnait tous ses calculs. Depuis quelque temps, depuis que les affaires d’Orient se sont réveillées par l’aventure bulgare, il a perdu quelques illusions du côté de la Russie; il se replie vers ce qu’on appelle l’alliance de l’Europe centrale, l’alliance de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie. Le chancelier de Berlin change ses batteries selon la circonstance, il varie ses combinaisons. Il atteste certainement sa puissance, il étonne quelquefois l’Europe, il ne la rassure pas, et les entrevues par lesquelles il marque ses évolutions successives, qui ont toujours la fortune de retentir dans le monde, ne sont qu’une énigme de plus. La visite récente et un peu inopinée du président du conseil du roi Humbert à Friedrichsruhe est une de ces énigmes que le chancelier de Berlin se plaît à livrer de temps à autre à la curiosité européenne.

Quelle a été l’origine, quelle est la signification de cette visite du premier ministre italien succédant de si près à la visite du comte Kalnoky à Friedrichsruhe? Il est assez vraisemblable que M. de Bismarck, à défaut de la rencontre de l’empereur Guillaume et de l’empereur Alexandre III, qu’il eût sans doute préférée, qu’il a peut-être un moment espérée, n’a pas été fâché de prouver sans plus de retard qu’il n’était pas pris au dépourvu, qu’il avait d’autres combinaisons toutes prêtes, qu’il n’avait qu’un signe à faire. M. Crispi, de son côté, en homme qui ne dédaigne pas le bruit, en ministre plus entreprenant que M. Depretis, a saisi l’occasion, s’il ne l’a pas provoquée, de prendre de l’importance, de mettre l’Italie en scène, de faire une figure de chancelier admis aux entretiens privilégiés. Jusqu’ici, l’Italie était sans doute l’alliée de l’Allemagne et de l’Autriche; elle avait néanmoins un rôle assez effacé, presque subordonné, dont elle se sentait froissée, et elle brûlait de paraître l’égale des empires. M. Crispi a trouvé la circonstance favorable pour donner une satisfaction d’amour-propre à son pays, pour fructifier du même coup sa position devant son parlement, — et la visite à Friedrichsruhe, désirée par le président du conseil de Rome, acceptée par le chancelier de Berlin, a été organisée. C’est ce qu’il y a de plus vraisemblable. Au fond, quel a pu être l’objet des entretiens mystérieux de Friedrichsruhe? A-t-on parlé de la réconciliation du Vatican et du Quirinal, de la Bulgarie et de la politique russe, des éventualités de guerre, des aspirations italiennes dans la Méditerranée ou ailleurs? Les détails importent peu. La vérité est que l’entrevue de Friedrichsruhe n’est sans doute que la manifestation ostensible d’une alliance qui existait déjà, à laquelle les deux interlocuteurs, par des raisons différentes, ont tenu à donner une sorte d’authenticité nouvelle devant le monde. L’alliance existe, c’est entendu! Elle n’a d’autre objet, assure-t-on, qu’un intérêt défensif, le maintien de la paix : c’est convenu, M. Crispi le dit. Malheureusement, ces combinaisons ont le plus souvent l’inconvénient d’avoir de mauvaises apparences et de prêter à de dangereuses équivoques. Contre qui l’Italie éprouve-t-elle le besoin de se défendre de concert avec l’Allemagne et avec l’Autriche? Qui met la paix en péril? Les menaces, s’il y en a, ne peuvent venir que de ces coalitions qui ont toujours l’air de répondre à d’autres combinaisons, d’être un instrument de guerre.

Que M. de Bismarck, qui sait se servir de tout et de tous, selon l’occasion, se croie intéressé à lier le plus de monde possible à sa politique, on le comprend. Que peut gagner l’Italie, pour sa part, à prendre un rôle dans tous ces arrangemens défensifs ou offensifs? Elle trouve une satisfaction de vanité à traiter de pair avec les puissances impériales, c’est possible ; elle peut compromettre aussi d’autres intérêts qui ne sont pas moins sérieux. Elle avait, ces jours derniers encore, à Paris, des plénipotentiaires d’élite chargés de négocier un traité de commerce utile aux deux pays; l’entrevue de Friedrichsruhe n’est peut-être pas de nature à faciliter ces négociations. Ces plénipotentiaires, aussi bien que les délégués italiens, qui sont ici pour préparer la participation de leur pays à l’exposition de 1889, n’ont cessé, dit-on, de témoigner la plus cordiale sympathie pour la France. Ils exprimaient, nous n’en doutons pas, les sentimens de la nation italienne et de ses représentans les plus éminens, les plus éclairés ; mais alors qu’est-ce qu’une politique qui, pour des alliances d’ostentation ou d’ambitions chimériques, sacrifierait les relations les plus naturelles, les intérêts les plus pratiques de deux nations que rien ne sépare, qui ont, au contraire, tant de traditions et de souvenirs communs?

De toutes les questions qui préoccupent pour le moment l’Europe et ont plus ou moins leur place dans toutes ces combinaisons auxquelles s’essaient les politiques, la question bulgare est toujours certainement une des plus pressantes. Le gouvernement qui régit la Bulgarie, sans s’inquiéter des délibérations de la diplomatie, a jugé nécessaire de recourir à une assemblée nouvelle. Il a fait, ces jours derniers, ses élections dans la Roumélie comme dans la principauté bulgare, et naturellement il a eu le succès de scrutin qu’il s’était préparé. Il avait pris soin, en effet, de préluder aux élections par tous les procédés d’une terreur salutaire, en emprisonnant ou expulsant ses adversaires, en interdisant les journaux, en réduisant à l’impuissance toute tentative sérieuse d’opposition. Malgré tout, il est vrai, ces élections ne se sont pas passées sans troubles. Sur plus d’un point, à Plewna, à Rakovitza, à Kutlovitza, dans d’autres villes encore, il y a eu des résistances, des rixes sanglantes; il y a eu en définitive bon nombre de morts et de blessés. Le gouvernement a eu facilement raison de la sédition par les armes, comme il avait eu raison d’avance de l’opposition légale par d’autres moyens, et, somme toute, il est resté maître du terrain. Il a fait élire qui il a voulu ; il a eu même la générosité libérale de laisser nommer quelques députés de l’opposition, pour avoir une minorité. Il a ainsi son assemblée soumise, qui s’empressera de sanctionner une fois de plus l’élection du prince Ferdinand de Cobourg. C’est fort bien ! Malheureusement, on n’est pas plus avancé.

La vraie question n’est pas à Sofia, dans des élections d’une sincérité plus que douteuse : elle est à Constantinople et dans toutes les chancelleries de l’Europe; elle se débat d’abord entre la Russie et la Porte, toujours occupées, depuis quelque temps, à négocier sur les moyens de rétablir l’ordre légal à Sofia comme à Philippopoli. La Russie propose l’envoi à Sofia d’un lieutenant princier qui serait un général russe, avec un commissaire ottoman, pour présider à la réorganisation du pays, à des élections nouvelles, pour préparer le choix définitif d’un nouveau prince. La Porte hésite encore et fait des objections sur la nature, sur les limites de cette mission restauratrice. La Russie et la Porte finiront-elles par se mettre d’accord? L’accord fût-il établi entre elles, le cabinet de Saint-Pétersbourg et le divan réussiront-ils à rallier les autres puissances à leur proposition? Enfin, si toutes les puissances en viennent à une entente, comment s’exécutera leur résolution? Si elles ne s’entendent pas, la Russie se croira-t-elle déliée de ses engagemens et prendra-t-elle la responsabilité d’une action directe, décisive en Bulgarie? La vraie, la sérieuse question est là et non à Sofia, dans des élections qui ne sont qu’une comédie imaginée pour spéculer sur les divisions de la diplomatie, sur la situation embarrassée de l’Europe.

La Hollande, dans sa modeste et paisible existence, n’a point de ces problèmes et de ces crises. Elle a eu récemment, elle aussi, cependant, ses émotions intérieures pour l’élection de chambres nouvelles, appelées à compléter la révision constitutionnelle déjà votée en première lecture par le parlement qui existait il y a quelques semaines, et tout s’est passé aussi régulièrement que possible. En réalité, ces élections ont peu modifié la composition du parlement de La Haye. Les libéraux ont retrouvé dans la seconde chambre leur majorité : ils comptent près de cinquante élus; la minorité, qui se compose de catholiques et d’ultra-protestans, compte une quarantaine de voix. Dans la première comme dans la seconde chambre, le libéralisme garde l’avantage. Rien n’est changé, la proportion des partis reste à peu près la même. Le roi a déjà inauguré par un discours des plus simples, plein de confiance, le nouveau parlement néerlandais, et maintenant la révision constitutionnelle, depuis si longtemps discutée, va pouvoir, selon toute apparence, être définitivement adoptée et sanctionnée. Au milieu de ces préoccupations d’élections et de révision constitutionnelle, cependant, il s’est produit comme une sorte de diversion un incident singulier, qui a du moins le mérite de montrer dans sa vérité le sentiment de cet honnête et paisible peuple néerlandais.

C’est un fait avéré : la Hollande, elle aussi, a ses socialistes ! Le chef des socialistes hollandais, M. Domela Nieuwenhuys, a eu, il y a quelque temps, des démêlés avec la justice, et, après quelques mois de prison, il a eu récemment l’avantage d’être rendu à la liberté. Aussitôt des manifestations se sont organisées. Les socialistes hollandais, qui sont plus bruyans que nombreux, ont voulu fêter l’événement dans les villes où ils ont des adhérens, à Amsterdam, à Rotterdam, à Utrecht. Partout où il est allé, le chef socialiste a été reçu par ses partisans, empressés à lui préparer des ovations. Il y a eu des promenades, des réunions et des discours, accompagnés de l’exhibition du drapeau rouge. La fête a été complète, malheureusement elle n’a pas duré; elle n’a pas tardé à être interrompue par la population, qui s’est impatientée et s’est mise de la partie, saccageant quelque peu les salles de réunion et les brasseries des socialistes, abattant le drapeau rouge partout où elle le rencontrait, répondant aux manifestations anarchistes par des manifestations pour le roi, pour la maison d’Orange. Les troubles se sont renouvelés plusieurs jours de suite. La police a été obligée de s’en mêler pour rétablir la paix, et M. Domela Nieuwenhuys, accompagné de quelques amis, a été fort heureux de pouvoir s’échapper sans plus de dommage. Il s’est, dit-on, rendu en Suisse, où il pourra méditer sur la manière de révolutionner la Hollande. L’heure ne paraît pas encore venue où le bon sens hollandais goûtera les merveilles du socialisme !


CH. DE MAZADE.


LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE


La rapidité avec laquelle a été réglée, entre les deux cabinets de Berlin et de Paris, la regrettable affaire de Raon-sur-Plaine, a permis a la spéculation engagée à la hausse sur nos fonds publics pendant le mois de septembre de déterminer, dans les deux derniers jours de ce mois, un mouvement décisif dont le résultat a été une amélioration moyenne d’une demi-unité sur les trois fonds. La rente perpétuelle s’est établie en liquidation à 82.10; l’amortissable à 85 fr.; le 4 1/2 à 109.25.

Il avait été vendu, dans la seconde quinzaine de septembre, un grand nombre de primes à faible écart. Ce sont les rachats forcés sur ces ventes de primes qui ont constitué le premier élément de hausse. Mais la spéculation a considéré que l’occasion était favorable pour entamer une campagne analogue à celle qui avait si bien réussi l’année dernière à pareille époque, et qui n’a été plus tard interrompue que par la crainte d’un conflit entre l’Allemagne et la France, à propos de l’incident de Pagny-sur-Moselle.

Le marché paraissait bien disposé pour le renouvellement de cette tentative. Les capitaux sont très abondans, en dépit de la gêne monétaire à Londres, il y avait beaucoup plus d’animation que par le passé dans les transactions; l’épargne semblait prête à revenir, partiellement au moins, aux valeurs à revenu variable. Toute la cote s’est ressentie de ce revirement heureux dans les tendances de la place; pendant quelques jours, la Bourse a présenté le spectacle d’une activité dont le souvenir était déjà presque perdu depuis tant de longs mois passés dans une inaction persistante.

Ce qui donnait surtout confiance dans l’allure nouvelle du marché, et faisait espérer que le mouvement prendrait un caractère sérieux et durable, était l’assurance que les grandes maisons de banque et les principaux établissemens de crédit, loin d’y rester étrangers, y prenaient une part active et semblaient enclins à en assumer bientôt la direction exclusive. On parlait d’importantes affaires en préparation que les banques devaient prochainement présenter au public, et pour lesquelles une hausse conduite avec prudence, mais aussi avec décision, était jugée indispensable.

Nous ne savons si ces espérances sont destinées à se réaliser. Les conditions favorables dans lesquelles s’était ouvert le mois d’octobre ne se sont point sensiblement modifiées. Le malaise monétaire s’est atténué à Londres; on n’en est pas encore à fixer le jour où la Banque d’Angleterre devra diminuer le taux de l’escompte, mais on est fondé à croire qu’elle ne sera pas obligée de décréter une nouvelle élévation. Les impressions politiques ne sont ni meilleures ni pires qu’il y a quinze jours. Force est cependant de reconnaître que déjà l’on craint de s’être bercé d’une simple illusion. Le marché des fonds publics, après quelques séances où la hausse s’est produite assez péniblement, a été pris de lassitude. Les cours se sont arrêtés, les réalisations n’ont pas tardé à paraître, la réaction a commencé à se dessiner en même temps que l’activité éphémère de la liquidation faisait place à un nouvel accès de langueur et de découragement.

Si l’on demande à ceux que les pronostics de hausse avaient laissés incrédules pour quels motifs ils ne croient pas à un mouvement de quelque étendue, on ne les trouve point à court d’argumens : l’entrevue de Friedrichsruhe et la consolidation de la triple alliance italo-austro-allemande, la question bulgare, les allures mystérieuses de la politique russe, l’inquiétude persistante à Vienne et à Pest, le pessimisme opiniâtre du marché autrichien, l’affaire du Maroc, et surtout, à l’intérieur, l’agitation causée par la découverte du scandale du ministère de la guerre, la lutte acharnée des partis, l’incertitude sur le sort du cabinet lorsque le parlement aura repris ses travaux, les difficultés budgétaires plus aiguës que jamais. Les haussiers allèguent en réponse que, sur le point essentiel, qui est le maintien de la paix, l’Europe a plus de raison d’être rassurée en ce moment qu’il y a quelques mois, et que l’abondance des capitaux triomphera de tous les raisonnemens des pessimistes politiques.

Pour l’instant, les haussiers ont tort. Après avoir soutenu pendant dix jours le 3 pour 100 français entre 82.20 et 82.30, ils ont dû, le jeudi 13, céder à l’impression défavorable résultant de l’arrivée successive de cotes en baisse de Londres et de Berlin. Au Stock-Exchange, désarroi sur les valeurs américaines ; en Allemagne, reprise de la campagne de presse contre les fonds russes ; en Autriche, situation financière très embarrassée ; en Italie, perspective de grandes dépenses pour l’expédition de Massaouah. La liquidation s’est annoncée difficile sur les deux places du Nord ; nos haussiers ont tenu compte de l’avertissement et se sont résolus à opérer un mouvement de recul. Le 3 pour 100, après avoir atteint 82.37 au plus haut, finit à 81.95. L’amortissable s’est élevé à 85.45, pour revenir à 84.85. Le 4 1/2 reste à 109.12, après s’être avancé jusqu’à 109.50.

Au comptant, les cours se sont tenus constamment au-dessous du niveau du terme. Il s’est produit des réalisations sur les obligations de chemins de fer après le détachement du coupon d’octobre. Seule, l’obligation du Nord a conservé le cours de 400.

L’Italien a été porté de 98.80 à 99.20. Déjà on recommençait à prêter à M. Magliani des projets de conversion. Il faut, avant que ces bruits deviennent sérieux, que le pair soit dépassé de deux ou trois unités ; on n’en est pas encore là. Le revirement général et le bruit non officiellement démenti d’un échec infligé par les Abyssins à la garnison italienne de la Mer-Rouge ont provoqué des réalisations ; dernier cours, 98.65. Un nouveau délai a été accordé au syndicat des obligations nouvelles des chemins de fer italiens (au nombre de 350,000) pour l’exercice de son option.

L’Extérieure a fléchi légèrement après le détachement du coupon trimestriel. Les préparatifs militaires effectués par le gouvernement, en vue de parer à toute éventualité concernant le Maroc, n’ont causé aucun trouble sur le marché de cette valeur.

Le Portugais 3 pour 100 est resté très ferme au-dessus de 58. Le Hongrois a perdu 1/2 à 81, sur la constatation officielle d’un déficit de 48 millions pour l’exercice 1886. On craint, à Pest et à Vienne, que l’événement ne démente les prévisions favorables émises récemment par M. Tisza sur les prochains budgets de la Hongrie.

Baisse sur les fonds russes, sur les valeurs ottomanes et sur les rentes helléniques. Quelques porteurs s’inquiètent de la tournure que prennent les affaires bulgares, et prêtent un sens redoutable au silence dédaigneux de la Russie. L’Unifiée d’Egypte est calme à 383.

Comme le marché des rentes, celui des valeurs, actions de banques ou de chemins de fer, a traversé une période de hausse rapide, suivie d’une stagnation de quelques jours, et finalement d’une réaction qui a ramené à peu près les cours de compensation du 2 octobre. Sur la Banque de France, le Comptoir d’escompte, le Crédit industriel et commercial, les Dépôts, la Société générale, et d’autres titres qui généralement donnent lieu à peu d’affaires à terme, les mouvemens ont été à peu près nuls. C’est sur le Crédit foncier, le Crédit lyonnais, la Banque de Paris, la Banque transatlantique, puis sur les actions des chemins français. Nord et Lyon principalement, sur le Suez et les chemins espagnols, que se sont produites les oscillations dont nous parlons ci-dessus. Les valeurs de Compagnies de diamans, qui étaient depuis deux mois l’objet d’une ardente spéculation, ont subi d’assez fortes réalisations.

Une opération financière importante est annoncée pour le 25 courant. La Compagnie générale transatlantique émet, avec le concours de quelques-uns des grands établissemens de crédit, 300,000 obligations de 500 francs, rapportant 15 francs par an (moins l’impôt), au prix de 37 fr. 50, pour la conversion de ses anciennes obligations 5 pour 100 et le remboursement des autres dettes inscrites à son passif. L’opération avait été proposée, le 30 juin dernier, par le conseil d’administration à l’assemblée générale des actionnaires, qui avait donné son approbation et autorisé le conseil à réaliser l’émission au moment qu’il jugerait opportun.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.