Chronique de la quinzaine - 30 septembre 1858

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Chronique n° 635
30 septembre 1858


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre 1858.

Les sujets de discussion sérieuse et utile ne manqueraient point à la presse et à l’opinion, même à cette époque de vacances politiques, si la presse, qui commence timidement à se dégourdir, recouvrait quelque chose de son ancienne ardeur, et reprenait le rôle qui lui appartient dans l’élaboration des questions d’intérêt public. Des questions de cet ordre se présentent chaque jour, quelquefois avec un caractère particulier d’opportunité ; à peine cependant y prête-t-on une attention languissante et distraite, et on les laisse, comme sans y réfléchir, se dénouer par des solutions routinières ou hasardeuses. En ce moment par exemple, on a permis à l’esprit rétrograde de remporter coup sur coup deux victoires sur le bon sens économique et les vrais intérêts commerciaux du pays. Le rétablissement de l’échelle mobile dans le régime douanier du commerce des grains semble résolu ; les espérances qu’on avait conçues sur l’émancipation commerciale de l’Algérie sont démenties. Il nous est signifié que nous n’avons qu’à rentrer dans l’ornière. Pourquoi murmurerions-nous ? Une guerre d’épigrammes sur la distribution des croix d’honneur n’est-elle pas plus amusante qu’une controverse sur les lois qui intéressent l’alimentation et le bien-être du peuple ?

Nous ne saurions consentir, pour notre part, à laisser passer sans protestation ces deux succès de la prohibition et de la protection exagérée. C’est au nom de la logique, cette funeste divinité qu’adore l’esprit français, que l’on a repoussé l’introduction de la liberté commerciale en Algérie. Entre la France et l’Algérie, le commerce est libre ; si l’on eût donné la franchise d’entrée aux produits étrangers dans nos ports africains, la protection et la prohibition régnant en France, on eût été obligé de consigner à la douane toute marchandise venant d’Algérie ; donc il faut que l’Algérie suive la destinée de la France en matière de législation douanière. Ainsi parle la fière logique. Le modeste bon sens eût pu lui répondre : « Est-il vrai, oui ou non, que nous marchons vers l’abolition de la prohibition ? Le gouvernement n’a-t-il pas tenté, il y a deux ans, de purger nos lois de cette barbarie ? N’a-t-il pas donné aux intérêts prohibitionistes un délai de cinq années pour se préparer à un nouvel ordre de choses ? Puisqu’il en est ainsi, l’abolition des prohibitions dans la colonie algérienne ne serait-elle pas une transition pratique vers le régime qu’il faudra bien inaugurer en 1861 ? Ne serait-ce pas une sorte d’expérience à laquelle, personne ne le contestera, l’Algérie n’aurait rien à perdre dans aucun cas, mais qui serait profitable à la France, puisqu’elle permettrait d’estimer d’avance l’influence que pourra exercer sur notre industrie l’abolition des prohibitions ? Quant à la protection proprement dite, ne serait-il pas naturel de la soumettre en Algérie à un tarif particulier, dont les droits seraient réduits, par rapport à ceux du tarif français, du montant des dépenses de transbordement de fret et d’assurance que les produits étrangers auraient à supporter, s’ils voulaient arriver aux ports de la métropole en passant par ceux de la colonie ? » Voilà les questions que le simple bon sens aurait le droit d’adresser à l’impérieuse logique ; mais celle-ci, forte de la connivence de l’ignorance et de la paresse, ne déserterait pas pour si peu les avides intérêts privés qui l’invoquent. D’ailleurs la protection cherche à jeter des racines dans le sol même de l’Algérie. On veut faire produire du coton à notre colonie. Le coton qu’elle donne déjà est acheté par l’état, lequel le revend à perte. C’est ce qui s’appelle encourager l’industrie nationale. Si ce beau système continue, vous verrez que le droit de 10 pour 100 de la valeur, augmenté de décimes, que paie le coton, droit absurde, puisqu’il grève une matière première, mais qui, au moins jusqu’à présent, n’a qu’un caractère fiscal, sera maintenu et réclamé un jour pour la protection du coton algérien !

Le rétablissement de l’échelle mobile est un fait plus regrettable encore. L’échelle mobile est la pire forme de la protection, en ce que, variée suivant le système des zones, elle viole le principe de l’égalité en matière d’impôt, et qu’en outre elle fait du plus important des commerces, celui duquel dépend l’alimentation publique, le plus précaire et le plus aléatoire. Le système des zones pour le règlement des mercuriales et des variations de l’échelle mobile pouvait se justifier autrefois, lorsque la difficulté et la cherté des transports donnaient lieu à des différences de prix considérables entre les divers marchés ; mais entre l’époque où ce système fut établi et notre temps il n’y a plus de ressemblance. Aujourd’hui les grandes lignes de chemins de fer sont terminées, et mettent en communication toutes les parties du territoire national. Il ne peut plus y avoir désormais abondance dans un département, disette dans l’autre. Les approvisionnemens peuvent se répartir rapidement ; les prix tendent à se niveler : la division des zones n’a plus de raison d’être. L’incertitude constante qu’entretient dans le commerce des grains la mobilité de l’échelle des droits est en outre un obstacle évident à l’établissement permanent dans nos ports de vastes approvisionnemens en céréales. Il y a à la fois une singulière imprévoyance et une étrange témérité à décourager le commerce des grains et la formation de grands entrepôts de céréales en France, après que l’expérience d’une longue série d’années a prouvé que notre pays ne produit pas annuellement assez de grains pour sa consommation. Enfin n’y a-t-il pas une sorte d’immoralité à placer le commerce des céréales dans une situation telle qu’aux incertitudes naturelles inséparables de toutes les spéculations mercantiles viennent se joindre les incertitudes artificielles d’un tarif qui peut varier tous les quinze jours ?

Voilà les questions qui agiteraient un peuple affranchi des tutelles arbitraires et qui prendrait goût à ses propres affaires, voilà les questions qu’une presse libre et vivante éluciderait pour lui. L’empereur cependant, dans un discours adressé au corps législatif, invitait, il y a deux ans, le pays à étudier l’économie politique. Quel profit a-t-on fait de ce sage conseil ? À en juger par le mauvais vouloir que rencontre en certains lieux l’économie politique, il est facile de s’expliquer l’inefficacité des exhortations impériales. Nous parlions, il y a quinze jours, d’une généreuse tentative du conseil-général de l’Hérault en faveur de la diffusion des lumières économiques. Il s’agissait de fonder à Montpellier une chaire libre d’économie politique, et les membres du conseil-général demandaient à accomplir cette œuvre à leurs propres frais. Il ne manquait qu’une autorisation ministérielle. Certes, jusqu’à ce jour en France, nous aurions cru qu’une autorisation ministérielle était plus facile à obtenir qu’un acte d’initiative désintéressée et soutenue de contributions volontaires émanant d’une association privée. Nous confessons notre erreur.

La noble tentative du conseil-général de l’Hérault demeure infructueuse. On assure que le motif des résistances que rencontre la fondation de cette nouvelle chaire libre serait la crainte que l’on aurait de voir demander la création d’autres chaires par des sectateurs de doctrines différentes, et l’appréhension que le conflit d’enseignemens contraires ne vint troubler la paix publique. S’il était vrai qu’une pareille fin de non-recevoir eût été opposée aux membres du conseil-général de l’Hérault et à l’économiste distingué sur lequel s’était arrêté leur choix, il nous serait facile de rassurer l’autorité compétente. Cette autorité peut tenir pour certain qu’une multitude d’hommes jeunes et instruits se disputeraient généreusement l’honneur de répandre dans le pays les principes libéraux de l’économie politique, mais que les intérêts contraires à ces principes ne trouveront jamais pour les défendre un professeur éclairé et qui respectera son talent. En matière d’enseignement économique pas plus qu’en matière d’industrie, les prohibitionistes n’accepteront la concurrence : il leur suffit de fermer la bouche à leurs adversaires, de même qu’ils ferment nos ports à leurs concurrens étrangers. Mais nous ne voulons pas croire qu’un conseil donné par l’empereur dans une circonstance solennelle puisse être intercepté par quelque commission ministérielle comme un objet de contrebande par une escouade de douaniers ; si nous avions le malheur de nous tromper, il faut convenir qu’on fournirait aux adversaires de l’autorisation préalable en matière d’enseignement scientifique un argument aussi puissant que celui que fournissent les tracasseries administratives aux partisans de la liberté religieuse.

Ainsi, quelque mouvement que veuille faire l’énergie individuelle dans notre spirituelle patrie, partout elle est retenue par la lisière protectrice. Telle est la conséquence d’un état de choses qui avait envahi la France pendant l’ancien régime, et que la révolution française, loin de le détruire, a rendu encore peut-être plus rigoureux et plus oppressif. Cet anéantissement de l’initiative individuelle dans l’étreinte de l’état a eu du moins pendant quelque temps pour correctif la liberté de la presse. À mesure que nous nous éloignerons de la panique irréfléchie qui a suivi 1848, l’éducation politique de la France consistera à découvrir progressivement et chaque jour combien le retour à la liberté garantie des discussions publiques est nécessaire à la vie et à l’honneur de chacun et de tous. Voilà la vérité que le pays est en train d’épeler ; c’est notre mission de l’aider à la lire couramment le plus tôt possible et à la relire jusqu’à ce qu’il la sache par cœur. Elle est écrite en ce moment dans une des phases que traverse le mouvement industriel commencé en 1852.

Parmi ceux qui assistèrent au début de cette période d’activité industrielle et d’exubérance financière, plusieurs prédirent que, n’étant point contrôlé par une presse sensée, courageuse, digne et fière de la mission qui appartient à une presse libre, cet entraînement amènerait des excès dommageables pour la fortune des particuliers et pour la morale publique. L’ancien régime avait connu ces fougues financières que ne contrôlait point ce gouvernement salutaire de l’opinion, qui n’existe pas sans la liberté de la presse. Il y avait alors des périodes de folie où des financiers improvisés s’enrichissaient en quelques jours, périodes suivies de scandales, de ruines, de réactions violentes et de terribles vengeances judiciaires. Au moment de la réaction, le gouvernement d’alors se tirait d’affaire en instituant des tribunaux exceptionnels, des « chambres de justice, » chargées, comme on disait en ce temps-là, « de rechercher les financiers. » Les moralistes du XVIIe siècle sont remplis d’allusions aux corruptions et aux vicissitudes de cette classe qui se ruait à la conquête de la fortune rapide, « nés dans la poussière, disait Massillon en son sermon du Mauvais Riche, sortis d’une des moindres villes de Juda, venus à Jérusalem pauvres et dépourvus de tout, et par les emplois les plus bas, par les trafics les plus vils, par des voies inconnues et toujours suspectes, s’élevant à l’abondance et à la prospérité. » La Bruyère a pour ainsi dire écrit par fragmens leur histoire. « Sosie, de la livrée, a passé, par une petite recette, à une sous-ferme, et par les concussions, la violence et l’abus qu’il a faits de ses pouvoirs, il s’est enfin, sur les ruines de plusieurs familles, élevé à quelque grade : devenu noble par une charge, il ne lui manquait que d’être homme de bien ; une place de marguillier a fait ce prodige. » Puis vient un autre portrait : « Sylvain, de ses deniers, a acquis de la naissance et un autre nom. Il est seigneur de la paroisse où ses aïeux payaient la taille ; il n’aurait pu autrefois entrer page chez Cléobule, et il est son gendre. » — « Je ne les crains pas tant qu’ils sont laquais, » s’écriait la spirituelle Mme Cornuel dans l’antichambre d’un financier aux éclats de rire de Mme de Sévigné et de M. de Pomponne. « Si le financier manque son coup, continuait La Bruyère, les courtisans disent de lui : C’est un bourgeois, un homme de rien, un malotru ; s’il réussit, ils lui demandent sa fille. » Naturellement plus d’un manquait son coup. « Si l’on partage la vie des partisans en deux portions égales, la première, vive et agissante, est tout occupée à vouloir affliger le peuple, et la seconde, voisine de la mort, à se déceler et à se ruiner les uns les autres. Les partisans nous font sentir toutes les passions l’une après l’autre. L’on commence par le mépris à cause de leur obscurité, on les envie ensuite, on les hait, on les craint, on les estime quelquefois et on les respecte. L’on vit assez pour finir à leur égard par la compassion. » Ainsi alla le monde : — quand Turcaret entrait en prison, Frontin allait faire souche d’honnêtes gens, — jusqu’à ce que la révolution française, directement provoquée par ces désordres financiers, enveloppât tous les coupables, gouvernement et société, dans le même effroyable châtiment.

Nous sommes arrivés aujourd’hui, toute réserve faite sur la différence des temps, à un de ces momens où l’ancien régime recourait, contre les malversations des financiers, à l’expédient des chambres de justice. Un grand nombre de gérans de sociétés en commandite sont en prison, et l’on va voir se dérouler devant les tribunaux tous les scandales d’une série de spéculations éhontées sur la crédulité du public. Débauche de charlatanisme, piperie des annonces, immorales complaisances de ces conseils de surveillance où les Cléobules de notre temps briguent des places avant d’épouser les filles de nos Sylvains, inventaires falsifiés, dividendes prélevés sur le capital, dilapidation des épargnes de pauvres ignorans alléchés par d’illusoires bénéfices, voilà l’histoire d’un grand nombre d’entreprises dans lesquelles se fait maintenant le jour de la justice. Nous sommes dans la période répressive, et il y a lieu de craindre que, par une de ces réactions familières au caractère français, le crédit des grandes entreprises conduites par des hommes d’une probité et d’une habileté éprouvées ne souffre des scandaleuses révélations qui se produisent devant les tribunaux. Quand nous jugeons dans son ensemble l’histoire de cette période dont la triste péripétie s’accomplit sous nos yeux, nous ne pouvons nous empêcher de regretter que la presse ait été dépouillée de sa puissance préventive au milieu de pareilles circonstances. Personne ne niera que, lorsque le courant des affaires embrasse les intérêts publics, lorsque les promoteurs des entreprises font appel aux capitaux de la foule et les réunissent par le lien de l’association, il n’y ait lieu à exercer un contrôle en faveur du public sur les sollicitations qui l’assiègent. Ce contrôle préventif, qui est en mesure de l’exercer ? Ce n’est pas la justice ordinaire ; elle n’intervient que pour réprimer lorsque le mal est fait. Ce n’est assurément pas le gouvernement ; il ne pourrait se mêler de ces combinaisons sans attenter à la liberté de l’industrie et sans contracter des responsabilités dangereuses et indignes de lui, en s’exposant à la chance d’empêcher le bien ou de favoriser le mal. Il n’y a que la presse, reflet des impressions publiques, qu’elle éprouve par ses discussions, qui puisse remplir cette mission de sauvegarde sociale ; mais la presse n’aura jamais ni le courage d’affronter, ni la force de surmonter les périls et les dégoûts inséparables d’une pareille tâche, si elle est atteinte dans son principe vital, l’indépendance politique. Il ne faut pas croire, et l’expérience l’a déjà enseigné à plus d’un observateur des faits contemporains, que la suspension des libertés garanties n’aurait d’autres conséquences que de fournir plus de force à un pouvoir qui voudrait accomplir sans contradiction ce qu’il regarderait comme une mission supérieure, ou n’aurait d’autre inconvénient que d’alanguir une société qui chercherait dans le silence l’oubli de frayeurs exagérées. La suspension des libertés garanties sert malheureusement à beaucoup d’intérêts et de préoccupations moins respectables ou moins excusables. Il se forme à la faveur de cet interrègne une multitude d’importances illégitimes et grotesques, une foule de petits despotismes subalternes en quelque sorte, qui deviennent inattaquables, car il n’y a qu’une force, celle du gouvernement, qui pourrait les contenir et les remettre à leur place, ce qu’il ne pourrait faire d’ailleurs sans tomber dans l’arbitraire. Ces abus ne doivent relever que de l’opinion, et ne peuvent trouver leur correctif que dans les manifestations de l’opinion. Tels sont en particulier ceux qui naissent de la liberté des entreprises, et nous sommes fermement convaincus que, sans l’état d’inertie où la presse est trop longtemps restée, il eût été commis dans ces derniers temps bien moins d’erreurs industrielles, et l’on aurait aujourd’hui beaucoup moins de méfaits à réprimer.

C’est dans la sphère de futilité pratique que nous venons de faire toucher au doigt les avantages de la liberté. Nous aurions trop beau jeu si nous invoquions les intérêts intellectuels et littéraires en faveur de la même cause. Nous n’aurions qu’à montrer la somnolence où menacent de s’éteindre devant nous la littérature et l’art, privés de cette émulation vivifiante que leur inspirait la liberté politique. N’y a-t-il pas une sorte de contre-temps ironique à venir revendiquer, au milieu de cet affaissement, les droits de la propriété littéraire ? C’est pourtant cette question qu’agitent des écrivains, des artistes, des économistes et des hommes politiques réunis en ce moment à Bruxelles en un congrès spécial. Les délibérations et les travaux du congrès belge ne nous sont pont encore connus : il paraît néanmoins que l’on est arrivé à une conclusion négative à l’égard de la perpétuité de la propriété littéraire. Cette conclusion nous paraît raisonnable et juste. Nous sommes fâchés de nous trouver en désaccord sur cette question avec un écrivain libéral, avec un jurisconsulte d’un rare mérite, M. Édouard Laboulaye, qui, aidé de la collaboration de son fils, M. Paul Laboulaye, vient de publier de remarquables études sur la Propriété littéraire en France et en Angleterre. M. Paul Laboulaye a joint à la savante dissertation de son père la traduction de trois discours prononcés autrefois à la chambre des communes par M. Sergeant Talfourd, mort il y a peu d’années dans l’exercice de ses fonctions de magistrat. M. Sergeant Talfourd avait pris en Angleterre l’initiative d’un mouvement qui allait jusque la revendication du droit de propriété perpétuelle pour les œuvres littéraires, mais qui s’est contenté d’obtenir pour les auteurs des avantages plus modestes. Talfourd était lui-même un homme de lettres distingué ; il a écrit une tragédie de style antique, Ion ; il a publié une biographie exquise et touchante de Charles Lamb, que nous ferons signalée autrefois aux lecteurs de la Revue ; il appartenait à ce cénacle si délicat et si raffiné qui réunissait dans le modeste appartement de Charles Lamb et de sa sœur l’éloquent Coleridge, le poète Wordsworth, le critique Hazlitt. Avocat et membre de la chambre des communes, Talfourd gardait dans son éloquence quelque chose de cette mysticité élevée et de cette émotion contenue qui distinguaient ses maîtres littéraires. Les trois discours qu’il prononça sur la question du copyright sont de beaux morceaux oratoires, et, en les traduisant, M. Paul Laboulaye a rendu service aux fidèles amateurs que l’éloquence a conservés encore parmi nous. La thèse que soutenait Talfourd est la même que développe M. Édouard Laboulaye. Il invoquait comme un droit naturel la perpétuité de la propriété littéraire, et il puisait dans les exemples connus de la pauvreté des auteurs célèbres et de leurs descendans l’élément pathétique de son plaidoyer. Le fervent avocat de l’extension de la propriété littéraire rencontra un contradicteur inattendu, mais assurément digne de lui, dans le plus grand écrivain de l’Angleterre contemporaine, Macaulay. Nous regrettons que MM. Laboulaye n’aient pas joint la traduction du spirituel discours de Macaulay à celle des harangues de Talfourd : l’intérêt de leur publication y eût encore gagné. La conclusion que nous tirerions, pour notre part, d’une controverse soutenue par de si belles intelligences, serait celle-ci. Au point de vue du droit absolu, la perpétuité de la propriété, littéraire n’est pas soutenable. Nous pensons, avec lord Macaulay, que cette propriété, comme les autres, n’existe pas en vertu d’un droit antérieur et supérieur à la société, qu’elle ne découle que de la loi, et que la loi doit en déterminer les conditions suivant les convenances sociales. On ne peut pas résoudre convenablement la question de la propriété littéraire d’après des principes absolus. « Ici, suivant le mot spirituel de Macaulay, comme, dans les questions civiles soumises à la prudence du législateur, la vérité n’est ni blanche ni noire, elle est grise. » Il s’agit de balancer le mieux possible certains avantages et certains désavantages. Il est équitable que l’écrivain ait de son vivant la propriété de ses œuvres, car ses œuvres sont la création de son travail, et comme les autres producteurs il a droit à jouir des fruits de son travail. Il est en même temps avantageux à la société qu’il en soit ainsi, car il importe à la société que L’écrivain puisse trouver, dans la rémunération de ses œuvres, obtenue du public, la garantie matérielle de son indépendance et de l’incorruptibilité de son talent ou de son génie. L’écrivain mort, la question change de face : les législations diverses, qui varient tant sur les conditions et la forme de l’héritage, peuvent bien distinguer la transmission de la propriété littéraire de la transmission des autres propriétés, suivant les caractères propres de cette propriété et les avantages que la société en peut attendre. Si la volonté de l’auteur gouvernait la destinée de ses livres après sa mort, il est évident que cette volonté tendrait à la diffusion la plus large possible de ces livres. L’essence même du travail, intellectuel et littéraire, c’est de se communiquer, de donner ses créations au plus grand nombre possible d’intelligences humaines. Les grandes œuvres philosophiques, religieuses, politiques et scientifiques sont des œuvres de propagande, de prosélytisme, d’enseignement ; c’est dire qu’elles aspirent à se répandre dans l’espace et dans le temps, partout où elles trouveront un esprit à éclairer, une conscience à ébranler, un, cœur à émouvoir. Il en est de même des œuvres poétiques et littéraires, manifestations communicatives du beau, du pathétique et du sublime. Or l’intérêt social est identique à la volonté certaine de l’auteur sur la destinée de son œuvre et à l’essence de toute création intellectuelle ; l’intérêt de la société prescrit que le poème destiné à élever et à charmer, les âmes, que le système philosophique qui ouvre et féconde les intelligences, que l’œuvre morale qui doit combattre les penchans pervers arrivent le plus tôt et le plus aisément qu’il se pourra aux intelligences pour lesquelles, ces créations de la pensée ont été conçues et exécutées. La perpétuité de la transmission héréditaire serait manifestement contraire et à la destination de l’œuvre et à la volonté de l’auteur et à l’intérêt de la société. Elle constituerait en effet un monopole, et l’on s’exposerait à livrer l’exploitation d’un monopole si élevé à des héritiers inintelligens ou indignes, ou à de simples industriels qui s’en seraient peut-être emparés par un de ces marchés que l’on impose si aisément au talent imprévoyant et besoigneux. Que l’on considère la nature essentielle de la propriété littéraire ou l’intérêt social auquel elle correspond, il faut donc repousser la perpétuité, et tendre au contraire à la prompte entrée de l’œuvre intellectuelle dans le domaine public, où se concilient et la destination de l’œuvre et l’intérêt de la société. Quel délai raisonnable peut-on mettre à cette absorption de l’œuvre littéraire dans le domaine public ? La durée de ce délai ne doit pas dépasser le terme indiqué par les affections naturelles de l’auteur et la sollicitude équitable de la société. Que l’écrivain ait le droit de faire jouir sa veuve et ses enfans des fruits de son labeur, qu’il trouve une consolation sur le lit de mort dans la pensée que les efforts de son intelligence, protégés par la loi, défendront, après lui, contre la misère, les êtres qu’il a chéris, voilà ce que peuvent demander avec autorité tous ceux qui tiennent une plume, ou qui reportent sur les écrivains une portion de la sympathie qu’ils gardent aux lettres ; voilà la justice que des législateurs libéraux ne sauraient refuser aux avocats de la propriété littéraire.

Que la Belgique au surplus nous permette de lui envier l’initiative qu’elle prend dans cette question. La liberté est utile aux petits pays ; elle leur permet de donner l’hospitalité aux représentans de grands peuples réunis pour discuter de grands intérêts intellectuels. Il était question, comme on sait, de faire une Belgique en Orient, en réorganisant les principautés danubiennes. La convention qui détermine la nouvelle constitution des principautés est aujourd’hui connue. En somme, elle nous paraît devoir satisfaire les partisans de la nationalité roumaine. Les premières élections qui auront lieu pour la formation des assemblées provinciales, et qui détermineront l’élection des hospodars, auront assurément une grande influence sur la pratique des nouvelles institutions, et c’est dans cette pensée que nous avions redouté le parti qu’a pris la conférence de confier à des caïmacamies provisoires, composées des ministres des hospodars de 1853, la confection des listes électorales, car il nous parait peu probable que ces caïmacamies présentent des garanties suffisantes d’impartialité dans une circonstance qui va décider de la constitution du pouvoir exécutif. Nous espérons néanmoins que les gouvernemens occidentaux ne permettront point à des intrigues locales de tromper leurs intentions. Quant à la charte octroyée aux principautés, il est impossible de ne pas remarquer qu’elle réalise les conditions du gouvernement représentatif, telles que les ont toujours conçues et demandées pour la France ceux que nos absolutistes croient fort maltraiter en les appelant parlementaires. N’est-il pas piquant de voir une conférence où le système de la monarchie parlementaire n’avait que deux représentans arriver à une telle conclusion ? Ne serait-ce point qu’il est impossible de nos jours à des hommes politiques, obligés de travailler de concert à une constitution, de trouver ailleurs les conditions d’un bon gouvernement, du seul gouvernement qui puisse concilier les intérêts en apparence les plus contraires ? La diplomatie a eu la main également heureuse dans les traités que la France et l’Angleterre viennent de conclure avec la Chine. Nous devons supposer que le traité français contient les mêmes dispositions que le traité anglais, dont les journaux de Londres ont publié une analyse officielle. Si ce traité est exécuté, la Chine est ouverte au commerce européen et à la curiosité entreprenante des peuples civilisés. Tout a été prévu, toutes les précautions ont été prises contre les ruses de la finesse chinoise. Reste l’application ; quelle que soit la netteté des dispositions du traité, il est à craindre, même en admettant la sincérité de l’empereur de Chine, que l’autorité de son gouvernement soit insuffisante pour assurer le respect des droits qu’il nous a concédés sur toute la face de son vaste empire. Les Européens seront souvent encore sans doute obligés de recourir à la force pour imposer aux Chinois l’exécution du traité. L’avantage obtenu n’en est pas moins immense, et cette première trouée sur la Chine est un heureux début qui fait le plus grand honneur aux plénipotentiaires de l’Angleterre et de la France.

Il y a trois mois maintenant que le ministère présidé par le général O’Donnell s’est formé à Madrid, et les questions qu’a fait naître cette subite évolution sont encore fort loin d’être éclaircies. La politique a paru sommeiller pendant quelque temps au-delà des Pyrénées. La reine voyageait dans les Asturies, et aux lieux mêmes où se réfugiait autrefois la nationalité espagnole, à Covadonga, elle a fondé un nouvel ordre de chevalerie. Le président du conseil et d’autres ministres accompagnaient la reine. La politique à Madrid passait tout entière dans les polémiques de la presse. On attendait la fin du voyage des Asturies. Que cette excursion ait eu ses petits épisodes et ait vu s’ourdir bien des menées contraires qui ne devaient pas peu contribuer à entretenir quelque incertitude, cela n’est point douteux. Toujours est-il que la rentrée de la famille royale à Madrid ou à l’Escurial vient d’être signalée par un acte décisif : c’est la dissolution du congrès. L’Espagne entre dès ce moment dans une période d’agitation électorale. Le scrutin s’ouvrira à la fin de ce mois, et le parlement est convoqué pour le 1er décembre.

Cette dissolution du congrès n’avait rien d’imprévu : elle était en quelque sorte une nécessité de la situation générale de l’Espagne après l’expérience faite par les divers ministères qui se sont succédé depuis deux ans ; elle était dès le premier instant dans le programme du nouveau cabinet qui est encore au pouvoir. Le décret qui ordonnait la révision des listes électorales l’annonçait d’une façon assez claire. Il restait toujours à savoir dans quel esprit le cabinet actuel de Madrid procéderait au renouvellement de la chambre élective. Nous ne disons pas que la question se trouve entièrement résolue aujourd’hui, d’autant plus qu’en Espagne et même ailleurs la pratique diffère fort souvent de la théorie. Il est du moins vrai que le cabinet a fait une profession de foi assez explicite. Le ministre de l’intérieur, M. Posada Herrera, vient d’adresser à l’occasion des élections, à tous les gouverneurs des provinces, une circulaire qui résume la pensée du gouvernement. Or le programme que M. Posada Herrera donne pour guide aux gouverneurs des provinces ne s’éloigne nullement des principes conservateurs ; mais ces déclarations formelles, en donnant un caractère plus net à la politique actuelle de l’Espagne, ne changeront-elles pas jusqu’à un certain point la situation du cabinet et les dispositions des partis à son égard ? Jusqu’ici, les progressistes se sont plu à espérer des concessions plus larges, et c’est pour cela qu’ils ont paru soutenir le ministère. Aujourd’hui il commence à n’en être plus de même. Le général O’Donnell pourra rallier encore quelques hommes sensés de ce parti ; les fractions plus avancées prennent déjà une attitude décidée d’hostilité. D’un autre côté, les modérés, après avoir fait une rude guerre au président du conseil dans le premier instant, reviendront-ils vers lui au moment où il atteste des sentimens conservateurs ? Il y a de terribles incompatibilités d’humeur à vaincre. Le ministère du général O’Donnell est, comme on le voit, réduit à lutter sur un terrain périlleux, ayant contre lui des adversaires acharnés et obligé de se créer un parti, s’il veut vivre.

La Hollande vient d’inaugurer par de brillantes fêtes, auxquelles le pays tout entier s’est spontanément associé, la majorité politique du prince d’Orange. Amsterdam et La Haye ont rivalisé pour donner un relief particulier à ces fêtes, et c’est encore sous l’impression de ces solennités dynastiques et populaires que le roi a ouvert la session nouvelle des états-généraux, accompagné pour la première fois par l’héritier présomptif de la couronne. Cette session, ouverte il y a peu de jours, offre d’ailleurs un certain intérêt, soit par les conditions dans lesquelles elle s’accomplit, soit par les questions qui seront sans doute l’objet d’une discussion publique. Le ministère actuel de La Haye est presque tout nouveau pour le parlement. Lorsqu’il se formait il y a quelque mois, les chambres étaient suspendues de fait pour quelque temps. On voulait laisser au cabinet nouveau la liberté nécessaire pour combiner ses plans et étudier les affaires demeurées sans solution par suite de luttes prolongées. C’est donc à peu près pour la première fois que le ministère se trouve devant les chambres, et il se présente avec un esprit sincèrement constitutionnel, avec l’intention, hautement avouée dès le premier instant, de pratiquer au pouvoir un libéralisme modéré. Quant aux projets importans et divers dont le cabinet s’est occupé dans l’intervalle des deux sessions, ils sont énumérés dans le discours du roi, qui est le meilleur résumé de la situation du pays, et qui constate la marche sûre et prospère de la Hollande. Maintenant il faut savoir si des luttes des partis ne se réveilleront pas, si les rapports entre le ministère et les chambres ne seront point troublés.

Jusqu’ici, le discours royal n’a produit que de favorables impressions, et le cabinet n’a point à se plaindre des premières opérations du parlement. C’est le candidat du parti libéral modéré, M. van Reenen, qui a été élevée la présidence de la seconde chambre ; il avait pour concurrent M. Dussert, qui appartient à une nuance de libéralisme plus avancée, et dont la candidature a rallié du reste à une minorité assez compacte. Quoi qu’il en soit, le résultat définitif a été favorable à M. van Reenen, qui a été ministre de l’intérieur pendant plusieurs années et qui est un homme considéré, jeune encore, laborieux et franchement constitutionnel. C’est sans doute à propos de toutes les affaires d’intérêt positif que des discussions sérieuses s’élèveront au sein des chambres hollandaises. Le parlement de La Haye va notamment avoir à s’occuper d’une question qui a singulièrement agité les esprits depuis quelques mois, et qui est en effet d’une réelle importance dans un pays placé comme la Hollande : c’est la question des chemins de fer. Après bien des combinaisons proposées, abandonnées, reprises et remaniées, le ministère, s’est décidé enfin, dans l’intervalle des deux sessions, à concéder provisoirement les lignes du nord-est à une compagnie nationale, et cette concession est devenue l’objet d’une controverse fort animée. Les autres lignes du centre et du midi ont mis également en jeu tous les intérêts rivaux. Aujourd’hui tous ces débats vont passer dans le parlement, et les chemins de fer ne sont pas la seule question dont se soit occupé le cabinet de La Haye. Le discours royal promet aux chambres un projet sur l’émancipation des esclaves aux Indes, puis encore une série de propositions d’un ordre tout intérieur concernant l’organisation judiciaire, la fixation des principes d’une réforme pénale, une répartition nouvelle du royaume en districts électoraux, une réorganisation de la milice nationale. Comme ont voit, le ministère hollandais n’est point resté inactif pendant la suspension des chambres, et ce ne sont point les alimens qui manqueront à la session récemment ouverte à La Haye.

La vie publique ne s’interrompt jamais chez nos voisins : elle ne fait que changer de forme. Les hommes politiques, les membres de la chambre des communes, en quittant le parlement, aiment à se retrouver devant leurs compatriotes rassemblés, et, suivant les circonstances, à tâter ou à stimuler l’opinion. Ici ce sont les dernières luttes et les luttes prochaines qui sont l’objet de harangues familières ; là ce sont des questions supérieures aux débats des partis, des intérêts généraux sur lesquels toutes les divergences se confondent dans un commun patriotisme, des intérêts tels par exemple que l’éducation populaire. Parmi les manifestations de ce genre, on a remarqué récemment les discours de quelques-uns des membres réputés les plus rétrogrades du parti tory, de M. Henley, président du bureau du commerce, et de M. Newdegate. Ces conservateurs vétérans ont réclamé avec vivacité le droit de se dire amis du progrès. Les protestations en faveur du progrès émanant de pareils hommes sont un indice favorable du travail salutaire qui s’accomplit au sein du parti tory. Chez les libéraux, l’aspiration vers le progrès n’est point sans doute, la tendance qui attire l’attention ; ce qu’on voudrait apprendre de leurs discours d’été, c’est s’ils se préparent à rétablir parmi eux la discipline et s’ils sont prêts à reconnaître un leader unique. Un membre avancé de la chambre des communes, a, sous ce rapport, donné un exemple qui devrait être suivi. Il a déclaré devant les électeurs de Tavistock qu’à ses yeux le parti libéral ne peut avoir d’autre chef que lord John Russell ; c’est à cette conclusion qu’il faudra en venir le jour où le parti libéral anglais voudra se masser et reprendre le pouvoir : Mais quelque intéressantes que soient ces démonstrations quotidiennes par lesquelles se continue sans interruption la vie politique d’un peuple qui se gouverne par la libre opinion, l’Angleterre a entendu ces jours passés une de ses voix les plus retentissantes et les plus admirées s’élever en l’honneur d’une gloire supérieure à la gloire politique. L’élite des savans anglais se réunissait le 21 septembre à Grantham pour l’inauguration d’une statue de Newton, au lieu même de sa naissance. C’est lord Brougham qui présidait à cette noble cérémonie, et c’est lord Brougham qui a célébré dans un magnifique discours le génie révélateur de l’immortel astronome. Le discours de lord Brougham a été un tissu extraordinaire d’érudition, d’appréciations scientifiques pleines de profondeur et de haute éloquence. C’est une merveille qu’un homme qui a atteint sa quatre-vingtième année puisse encore, après une vie si pleine et si agitée, donner un aussi splendide exemple de vigueur et de jeunesse d’esprit. Où est le secret de ce perpétuel rajeunissement intellectuel qui dompte les défaillances de la nature physique, et permet à un vieillard de quatre-vingt-six ans, comme lord Lyndhurst, de prendre une part active et influente aux débats de la chambre des lords, à un septuagénaire tel que lord Palmerston de gouverner le plus puissant empire du monde à travers les longues et orageuses nuits de la chambre des communes, et à Henry Brougham de se jouer avec une puissante sérénité dans les hauteurs les plus abstraites de la science ? Il y a je ne sais quoi d’héroïque dans cette vitalité persistante du talent, et cette vitalité, où le talent la nourrit-il chez nos voisins, si ce n’est dans les virils labeurs de la liberté politique ? e. forcade.




Les appréciations biographiques sont bien la chose la plus délicate, et rarement évitent-elles de provoquer quelque réclamation de la part de ceux qui s’y croient intéressés. S’il en fallait une nouvelle preuve, la lettre suivante, adressée au directeur de la Revue par M. A. Danican Philidor, la fournirait :

« Monsieur,

« Dans le n° de la Revue du 15 août dernier, vous avez publié un article de M. Scudo, intitulé le Dernier des Philidor.

« Au nom de huit petits-fils de François-André Danican Philidor, qui, dans le siècle dernier, conquit dans les arts une place considérable en créant le genre de l’opéra-comique, et composant vingt et un opéras applaudis par Grétry et les maîtres de l’époque, je viens affirmer que M. Alphonse Philidor, dont M. Scudo écrit la biographie comme celle du dernier des Philidor musiciens, n’était point de notre famille. Pour justifier mon assertion, je n’ai qu’un mot à dire : mon grand-père n’eut pas de frère, partant nul n’a le droit de se dire son neveu ou son petit-neveu. »

Notre réponse sera aussi courte que simple. Nous sommes lié, depuis une vingtaine d’années, avec une famille qui a longtemps habité Chartres, où elle a connu le fils aîné du célèbre compositeur, et qui connaît encore plusieurs de ses petits-fils. Il ne pouvait donc pas entrer dans notre pensée d’affirmer le contraire d’un fait qui nous était parfaitement connu, et M. A. Danican Philidor n’a pas compris le véritable sens qu’il fallait attacher au titre de notre article. Quoi qu’il en soit, l’artiste de mérite dont nous avons raconté la vie appartient bien évidemment à la grande famille des Philidor, qui descend tout entière du premier hauboïste de Louis XIII, et il était seul digne, selon nous, par son talent, d’appartenir à la branche des Philidor qui a donné à la France un des créateurs de l’opéra-comique, l’auteur du Maréchal ferrant et de Tom Jones.


P. SCUDO.


V. DE MARS.