Collection d’antiquités de M. Baradère

La bibliothèque libre.

COLLLECTION D’ANTIQUITÉS MEXICAINES.

On a long-temps cru que l’Amérique était toujours demeurée étrangère à la civilisation. M. le baron de Humboldt, dans son bel ouvrage sur ce continent, et M. Warden, dans un savant Mémoire sur ses antiquités, ont prouvé que les arts n’ont pas été inconnus à ses habitans. La précieuse collection que M. Baradère a apportée du Mexique, jette un nouveau jour sur l’histoire et l’industrie d’un peuple qui a dû précéder ces Mexicains dont Fernand Cortès triompha avec tant de facilité. Jusqu’ici on n’a vu que l’Égypte. Les monumens de l’Amérique sont également dignes de fixer l’attention des savans.

Vers la fin du siècle dernier, le colonel Dupaix fut chargé par le roi d’Espagne, Charles iv, d’explorer le Mexique, et de dessiner et décrire les monumens anciens qu’il y découvrirait. Il exécuta, pour cet objet, trois expéditions successives, qui eurent pour fruit la découverte de la ville de Palenquè, avec ses pyramides, ses temples, ses palais, ses ponts, ses aqueducs, etc. et celle du palais de Mitla, sépulture des rois Toltèques.

Ces expéditions coûtèrent au gouvernement une somme de cent mille dollars, qui toutefois ne furent point perdus pour la science, qu’elles enrichirent d’une foule de monumens curieux. M. de Humboldt, lors de son voyage à la Nouvelle-Espagne, se procura des renseignemens sur les ruines de Palenquè mais ne put les visiter. Il a même fait graver deux bas reliefs qui s’y trouvent, l’un représentant le triomphe d’un guerrier, et l’autre l’adoration d’une croix. Ce savant arriva à Mexico, au moment où la collection de Dupaix était en route pour Madrid. Oubliée à la Vera-Cruz, elle ne parvint point à sa destination, et, depuis la révolution, M. Esteva, ministre des finances, l’a renvoyée à Mexico.

Plus heureux que M. de Humboldt, M. Baradère, a acquis cent cinquante des dessins originaux, exécutés par Castenada, qui accompagna Dupaix en qualité de dessinateur, et dont la signature atteste l’authenticité de la collection. M. Baradère possède aussi quantité d’autres objets précieux, tels que : un tableau figurant un sacrifice humain, peint par les Astèques, sur papier d’Agave ; un plan du lac de Tezcuco et de la ville de Mexico, sur papier de palmier, qui remonte à l’établissement des Mexicains dans la plaine voisine ; un état des tributs payés à Montezuma, sur même papier ; une généalogie des premiers rois mexicains, comprenant une période de 145 ans ; un manuscrit de 800 pages, moitié en hiéroglyphes, moitié en espagnol, qu’on suppose être l’organisation fiscale du pays, sous les premiers conquérans espagnols ; une noix de coco, extraite d’un sépulcre aux environs de Mitla, un crâne en marbre sculpté en profil, provenant de Palenquè, une cinquantaine d’idoles en terre cuite, de forme plus ou moins bizarre, des flageolets aussi en terre cuite, un lapin en pierre, un miroir en lave, des caractères imprimés sur papier d’Agave, trois vases, dont un fort remarquable, un exposé de la doctrine chrétienne, envoyé à Montezuma par les espions qu’il avait auprès de Fernand Cortès, etc.

Le gouvernement mexicain s’est engagé de délivrer à M. Baradère une copie de l’itinéraire de l’expédition de Dupaix et de l’explication des monumens dont il possède les dessins. Ces derniers étaient ensevelis dans le cabinet d’histoire naturelle de Mexico. En les exhumant, ce voyageur a rendu un véritable service à la science et aux arts, et il est à désirer que sa collection ne passe point, comme celle de M. Latour-Allard dans des mains étrangères. M. Baradère espère, à l’aide de ses relations avec le Mexique, enrichir sa patrie de quantité d’autres monumens encore enfouis dans le palais de Mitla, dont les sépultures royales sont entièrement inconnues. Il est bon aussi de remarquer qu’il est le seul Européen auquel le gouvernement mexicain ait donné l’autorisation de recueillir les antiquités du pays et d’y exécuter des fouilles, depuis qu’il a été rendu une loi pour les défendre aux étrangers.

B…