Comptes rendus de l’Académie des sciences/Tome 1, 1835/10 août

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SÉANCE DU LUNDI 10 AOÛT 1835.
PRÉSIDENCE DE M. Ch. DUPIN, VICE-PRÉSIDENT.



CORRESPONDANCE.

M. Melloni, nouvellement élu correspondant de la section de Physique générale, remercie l’Académie.

M. Baudelocque (neveu) annonce qu’il vient de mettre en usage, dans deux nouveaux cas, et avec un nouveau succès, l’instrument qu’il nomme Céphalotribe, pour terminer des accouchemens qui n’avaient pu l’être par le forceps.

M. Laignel écrit qu’il désire soumettre à l’Académie un instrument de son invention, destiné à mesurer toute valeur de traction dans le charriage. Cet instrument, qu’il nomme tractiomètre, devient, par une légère addition, propre à mesurer le poids juste de chaque voiture. MM. Poncelet et Séguier sont nommés commissaires.

Anatomie. — M. Thomson communique les résultats de quelques recherches anatomiques sur les systèmes ligamenteux, musculaire, nerveux et artériel. Nous en extrayons et reproduisons, d’une manière sommaire, les propositions suivantes :

1o.Le muscle droit de l’abdomen n’est pas un muscle indépendant ; il est composé d’un certain nombre de fibres des tendons aponévrotiques des muscles grands et petits obliques, et du muscle transverse. Ces fibres tendineuses, après s’être entrelacées vis-à-vis les intersections aponévrotiques, se détournent un peu de leur trajet ordinaire pour prendre une direction plus verticale, devenir charnues et former les fibres ascendantes et descendantes qui constituent le muscle appelé droit de l’abdomen.

2o.Chaque muscle pyramidal est formé par un certain nombre de fibres des tendons aponévrotiques des muscles grands et petits obliques, et par des fibres tendineuses situées au bord interne du muscle droit de l’abdomen. Toutes ces fibres s’entrelacent vers la ligne médiane, et deviennent charnues pour constituer le muscle pyramidal.

3o.Les aponévroses qui couvrent les parties charnues des muscles abdominaux, et celles qui se trouvent situées entre les parties charnues de ces muscles, de même que le fascia transversalis, sont formées par des extensions fibrillaires des tendons aponévrotiques des muscles correspondans.

4o.Enfin, toutes les aponévroses d’enveloppe des membres sont également formées par des tendons aponévrotiques des muscles des extrémités.

À ces propositions sur la formation des muscles abdominaux et des aponévroses, nous en ajouterons deux autres : la première sur le système nerveux, la seconde sur le système artériel.

1o.Le nerf obturateur fournit à l’articulation coxo-fémorale et à l’articulation du genou, des branches qui se distribuent très finement sur les membranes synoviales.

2o.Les artères et les veines mésentériques, ont leur tunique moyenne formée de deux séries de fibres, dont une circulaire et interne, l’autre longitudinale et externe.

Voyage à la recherche de la Lilloise.M. de Freycinet communique une lettre qu’il a reçue de M. Gaimard, chirurgien-naturaliste de la Recherche, datée d’Olafsvik (Islande), le 4 juillet 1835, et dont nous transcrivons l’extrait suivant :

« Me voici maintenant dans le golfe de Breedebugt, où l’on avait dit que s’était perdue la Lilloise ; je puis vous affirmer qu’il est absolument impossible qu’un navire se perde en ce lieu sans que les habitans en aient connaissance. Je pense donc que le bâtiment de M. Jules de Blosseville se sera perdu en se rendant sur les côtes du Groënland, et peut-être même près du cap Nord de l’Islande, en cherchant à se rendre à cette destination. Pour vérifier cette présomption, M. le capitaine Tréhouart, à bord de la Recherche, et moi par terre, nous allons nous rapprocher de ce dernier point ; mais les glaces solides empêchent en ce moment toute espèce de navigation sur la côte septentrionale de l’Islande.

» L’Histoire Naturelle n’a point été négligée, malgré les contrariétés de toute espèce que nous avons éprouvées, M. Robert, mon compagnon de voyage, et moi. Nos collections en Zoologie, Minéralogie, Botanique, etc., sont nombreuses, et contiennent des faits qui seront précieux pour la science. Au nombre des animaux se trouve le squalus glacialis, nommé par les Islandais Hâkall, qui n’a pas moins de 15 pieds de long.

» À bord de la Recherche, mon second, M. Le Guillou, recueille, décrit et dessine, avec beaucoup de zèle et de talent, tout ce qui lui tombe sous la main. Notre expédition étant ainsi moitié terrestre et moitié nautique, n’en sera que plus utile aux savans. Je m’occupe aussi, avec soin, de tout ce qui est relatif à l’étude de l’homme.

» Le baromètre que je portais avec moi à terre s’est brisé de bonne heure ; mais je multiplie les observations thermométriques aux heures les plus convenables. Je prends la température de l’air, celle des sources, des rivières, de la mer et des cabanes islandaises (sous le point de vue médical). Dans notre ascension au sommet du Snœfiells Jôkul, l’un des glaciers les plus célèbres de l’Islande, le thermomètre centigrade, qui était à +14°,3 à Olafsvik, s’est abaissé au sommet jusqu’à +3°,3.

» Après un grain violent du N.-O., le baromètre a varié de 18 millimètres en quelques heures, le 15 juin.

» Je vais continuer ma course vers le cap Nord ; de là je traverserai l’intérieur de l’Islande, et visiterai Thingvalla, le Geyser, et l’Hékla, et me rendrai enfin à Reykiavik, où le capitaine Tréhouart viendra me reprendre vers le 20 du mois d’août, à moins d’accidens. »

M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, qui a reçu aussi, de son côté, deux lettres de M. Gaimard, datées également d’Olafsvik, en Islande, mais des 6 et 7 juillet, ajoute que ce naturaliste, n’imitant point en cela la plupart des voyageurs, qui ont beaucoup trop négligé ce genre d’observations, étudie et recueille les animaux domestiques du pays. Déjà même il compte pouvoir ramener en France le cheval, le mouton et le chien d’Islande, races fort intéressantes, et qui toutes, à l’exception du mouton, sont encore inconnues.

MÉMOIRES PRÉSENTÉS.
Économie rurale.Des feuilles du Maclura aurantiaca (Nuttal), comme succédanées de celles du mûrier ; par M. Bonafous, de Turin, correspondant de l’Académie.

Déjà de nombreuses recherches ont été faites pour trouver une plante propre tout-à-la-fois, et à remplacer la feuille du mûrier comme nourriture du ver à soie, et à résister aux gelées tardives du printemps ; gelées qui si souvent suspendent la végétation de cet arbre, et la suspendent au moment même où le ver à soie est sur le point d’éclore. L’auteur de ce Mémoire étant à Montpellier au mois d’avril 1834, remarqua que le maclura aurantiaca, arbre qui, d’ailleurs, a tant de rapports avec le mûrier, résistait à un abaissement de température que ne pouvaient supporter ni le mûrier blanc, ni le mûrier noir, ni le mûrier des Philippines, ni celui de Constantinople ; et il songea aussitôt à s’assurer s’il pouvait être employé à la nourriture du ver à soie.

À cet effet, « il fit éclore des vers à soie d’une variété de Syrie, qu’il venait de recevoir, et, à peine les vers nés, il en forma deux divisions, qu’il nourrit, dans le même local, l’une avec des feuilles du maclura, et l’autre avec des feuilles du mûrier blanc. » Le résultat de cette expérience comparative fut, que les vers nourris avec le maclura eurent d’abord un accroissement plus rapide pendant les deux premiers âges ; mais qu’ensuite ceux nourris avec le mûrier blanc prirent, à leur tour, le dessus, et le conservèrent jusqu’à la montée. Néanmoins, et ceci est le point important de l’expérience, quoique en retard de sept à huit jours, les premiers, les vers nourris avec le maclura, ont formé des cocons d’une structure régulière et d’un tissu aussi ferme que ceux des vers nourris avec les feuilles du mûrier.

M. Bonafous en conclut que le maclura aurantiaca, sans offrir au même degré les qualités qui rendent le mûrier si propre à l’éducation des vers à soie, a toutefois sur lui le précieux avantage de pouvoir résister à des degrés de froid que celui-ci ne peut supporter. Dans les cas où le mûrier se trouve atteint par la gelée, il pourrait donc, du moins pour un certain temps, et jusqu’à ce qu’il eût poussé ses secondes feuilles, être remplacé par le maclura. C’est un point qui ne peut manquer d’appeler l’attention des agriculteurs qui s’occupent de la production de la soie. Un maclura de 12 à 15 pieds suffit pour nourrir, pendant les deux premiers âges, une quantité de vers provenant de 2 ou 3 onces de graine.

Cet arbre, récemment introduit en Europe, est originaire, comme on sait, de l’Amérique du Nord ; il est de la famille des Urticées ; il se reproduit aisément par semis, par greffe sur le mûrier à papier (Broussonetia papyrifera), et mieux encore par boutures des jeunes branches et des racines.

LECTURES.
Embryologie.Recherches sur la structure du cordon ombilical, et sur sa continuité avec le fœtus ; par M. Flourens.

L’auteur a fait voir, par un premier mémoire (séance du 20 Juillet 1835), que le cordon ombilical des pachydermes, des ruminans et des rongeurs, se compose, outre ses élémens vasculaires, de cinq lames ou membranes enveloppantes, savoir, deux feuillets de l’amnios et trois feuillets celluleux sous-amniotiques ; et que chacun de ces feuillets se continue avec un tissu distinct du fœtus : le feuillet extérieur de l’amnios avec l’épiderme du fœtus ; le feuillet intérieur avec le derme ; le premier feuillet sous-amniotique avec le tissu cellulaire sous-cutané abdominal ; le second avec l’aponévrose des muscles abdominaux ; et le troisième, ou le plus profond, avec le péritoine.

Dans ce second mémoire, il montre que les carnassiers rentrent entièrement sous les mêmes lois que les animaux qui viennent d’être indiqués, et par la nature, par le nombre des lames ou membranes enveloppantes du cordon, et par les rapports de ces membranes avec les tissus divers du fœtus.

Quant au cordon ombilical du fœtus humain, il offre bien encore cinq membranes, comme celui des quadrupèdes ; mais deux de ces membranes, savoir, deux des membranes celluleuses sous-amniotiques, y sont remplacées par deux lames du chorion. En effet, ce chorion a deux lames comme l’amnios ; ce chorion et cet amnios fournissent chacun une double gaîne au cordon ; à quoi il faut ajouter une cinquième lame, placée dans l’homme sous le chorion, et pareille aux trois lames celluleuses placées sous l’amnios dans les quadrupèdes ; et voici les rapports de chacune de ces cinq membranes du cordon avec chacun des tissus donnés du fœtus. Le feuillet extérieur de l’amnios se continue avec l’épiderme ; le feuillet intérieur avec le derme ; le premier feuillet du chorion avec le tissu cellulaire sous-cutané abdominal ; le second avec l’aponévrose des muscles abdominaux ; et le feuillet celluleux sous-chorial avec le péritoine.

Le caractère particulier du cordon ombilical humain consiste donc en ce que le chorion l’accompagne et lui fournit une double gaîne, tandis qu’il reste tout-à-fait extérieur par rapport à l’œuf, et par-là entièrement étranger au cordon, dans les quadrupèdes. Mais, soit que l’on considère l’homme ou les quadrupèdes, on voit partout les preuves de ce grand fait, que l’œuf et le fœtus sont essentiellement continus l’un à l’autre par le cordon ombilical, et non-seulement par ce cordon pris en masse, mais par ce cordon pris dans chacun des élémens distincts qui le constituent.

Physiologie animale. (Second Mémoire sur la chaleur animale.) Expériences sur différens cas pathologiques ; par MM. Becquerel et Breschet.

La première partie de ce mémoire est consacrée à décrire l’appareil à température constante, à laquelle les auteurs rapportent celle de la partie explorée. La construction de cet appareil, imaginé par M. Sorel, et accommodé par M. Becquerel au besoin de ses nouvelles expériences, repose sur la dilatation de l’air renfermé sous une cloche entièrement plongée dans un liquide dont on élève la température au degré fixe qu’exige l’expérience. La cloche communique avec un registre qui agit, au besoin, sur un courant d’air, pour diminuer ou augmenter la combustion nécessaire à l’entretien d’une lampe placée au-dessous de l’appareil qu’elle échauffe, en même temps qu’il intercepte ou établit la communication du foyer avec l’espace qui doit être maintenu à une température constante.

Cet appareil, une fois réglé, ne varie plus, de temps à autre, que d’un dixième de degré en plus ou en moins. Souvent même, dans l’espace de plusieurs heures, il ne varie plus d’une quantité appréciable.

La seconde partie du mémoire de MM. Becquerel et Breschet a pour objet l’exposition des résultats qu’ils ont obtenus. Nous reproduisons ici les moyennes de ces résultats dans les termes mêmes des auteurs.

« 1o .Un homme, âgé de 32 ans, atteint d’une fièvre typhoïde compliquée de bronchyte :

Le pouls donnait 116 pulsations à la minute.
Température centigrade du muscle biceps brachial
38°,80
Température de la bouche
39,65

» 2o.Un homme, âgé de 24 ans ; entérite compliquée de bronchyte :

116 pulsations à la minute.
Température du biceps brachial droit
39°,50

» 3o .Jeune fille scrofuleuse dans un état fébrile bien marqué :

Température de la bouche
37°,50
Idemd’une tumeur scrofuleuse enflammée à la partie inférieure du cou
40,00
Idemd’une tumeur fongueuse dans le tissu cellulaire
40,00
Idemdu biceps brachial
37,25

» 4o .Demoiselle, de 30 ans, tumeur du même genre :

Température de la bouche
36°,75
Idemd’une tumeur au col
37,50
Idemdu biceps brachial
37,00
Idemdu tissu cellulaire adjacent
35,00

» 5o .Femme atteinte d’un cancer au sein :

Température de la bouche
36°,60
Idemdu cancer
36,60
Idemdes fongosités exubérantes
36,60
Idemdu muscle biceps brachial
36,60

» 6o .Jeune homme dans un état fébrile très prononcé :

Température du muscle biceps brachial
38°,90

» 7o .Jeune homme atteint d’une carie scrofuleuse des os du pied :

Température de la bouche
36°,50
Idemdu biceps brachial
37,50
Idemde la plaie
32,00

L’aiguille traversait le tissu cellulaire et l’aponévrose plantaire.

» 8o .Un homme, âgé de 45 ans, atteint d’une hémiplégie du côté gauche, avec commencement de gangrène sénile aux membres inférieurs :

Température du muscle biceps brachial, côté sain
36°,40
Idemcôté malade
36,60
Idemde la bouche
36,40
Idemdu muscle du mollet, côté paralysé
36,60
Idemcôté sain
36,60

» 9o .Une femme, âgée de 49 ans ; engourdissemens et douleurs vives dans les membres inférieurs, à la suite d’une paraplégie :

Son pouls donnait 84 pulsations à la minute.
Température du muscle biceps brachial
37°,14
Idemdes adducteurs de la cuisse
37,55

» 10o .Un homme, âgé de 60 ans, atteint d’un tremblement mercuriel :

Température du biceps brachial droit, côté qui tremble le plus fort
37°,04
Idemdu biceps brachial gauche, côté qui tremble le moins
37,15

» 11o .Hydropisie du ventre, avec affection du cœur :

Température du muscle biceps brachial
37°,05
Idemdu liquide se trouvant dans l’abdomen
37,65

» 12o .Homme, âgé de 66 ans, atteint d’une hémiplégie :

Température du muscle biceps brachial, côté paralysé
36°,85
Idemcôté sain
36,85

» 13o .Il était intéressant d’étudier la diminution de la température dans un moribond, peu d’instans avant qu’il rendît le dernier soupir ; nous avons en conséquence expérimenté sur un homme ayant une variole confluente, arrivée au dernier degré. Le pouls battait 144 pulsations très faibles à la minute :

Température du muscle biceps brachial
35°,85
Idemde la main sur l’éminence thénar
32,00
L’individu est mort quelques minutes après.

» En résumé, nous voyons, en nous rappelant que la température des muscles est ordinairement d’environ 36°,87 :

»1o .Que l’état fébrile donne un accroissement de température dans ces organes, qui peut aller jusqu’à 3° centigrades ;

»2o .Que les tumeurs scrofuleuses fortement enflammées n’ont pas donné un accroissement plus considérable de température. Nous ferons remarquer que les parties purulentes ne participent pas à cet accroissement ;

»3o .Que le cancer n’a rien offert de particulier, si ce n’est un léger abaissement de température dans toutes les parties explorées ;

»4o .Que la paralysie n’a présenté non plus aucune différence bien sensible entre la température du membre malade et celle du membre paralysé

»5o .Qu’à l’instant de mourir, la température du biceps brachial était déjà abaissée d’un degré  et celle de la main, dans l’intérieur de l’éminence thénar, d’environ cinq degrés. »

Physique mathématique.Note sur les inégalités diurnes et annuelles de la Terre, correspondantes à celles de la chaleur solaire ; par M. Poisson.

« En considérant les inégalités de la chaleur de la Terre près de sa surface, Fourier a supposé donnée la température de la surface même, et s’est borné à déterminer, d’après ses variations, celles de la température à une profondeur quelconque. Cette solution laissait inconnus les rapports qui doivent exister entre les températures extérieure et intérieure ; pour les déterminer, Laplace a pris, pour la température extérieure, celle que marque un thermomètre suspendu dans l’air et exposé à l’ombre, que l’on appelle la température climatérique, et qui dépend, d’une manière inconnue, de la chaleur atmosphérique et de la chaleur rayonnante de la Terre. Je n’ai pas connaissance que l’on ait déterminé les inégalités diurnes et annuelles de la température de la Terre, produites par la chaleur du Soleil qui tombe sur sa superficie, autre part que dans l’ouvrage auquel j’ai donné le titre de Théorie mathématique de la Chaleur. Les savans qui jetteront les yeux sur la thèse soutenue, il y a un an, devant la Faculté des Sciences de Paris, et dont il a été question dans une des dernières séances de l’Académie, s’assureront sans peine qu’elle ne contient réellement rien qui soit relatif à cette partie du problème de la chaleur du globe. Mon premier mémoire sur la Distribution de la Chaleur dans les corps solides, renfermait l’expression de la température près de la surface, quand celle du dehors est représentée par une somme d’un nombre quelconque de termes périodiques, et j’avais montré comment cette formule pouvait s’étendre au cas où la température extérieure serait une fonction du temps tout-à-fait arbitraire, continue ou discontinue. Mais cette extension n’était pas nécessaire pour déterminer les inégalités de température de la Terre, correspondantes à celles de la chaleur solaire. Pour y parvenir, j’ai considéré l’expression de la chaleur du Soleil, incidente en un point de la Terre et à un instant donnés, comme une fonction discontinue, dont la valeur est zéro pendant tout le temps que le Soleil se trouve au-dessous de l’horizon, et qui change aussi plusieurs fois de forme, dans les régions polaires, par rapport à la longitude de cet astre. Il a suffi ensuite de développer cette fonction en une série convergente de sinus ou de cosinus des multiples de l’angle horaire et de la longitude moyenne du Soleil, considérés comme des angles indépendans l’un de l’autre ; c’était là toute la solution du problème ; mais la simple indication d’un développement suivant les multiples de l’un de ces deux angles, et en regardant l’autre comme une fraction ou un multiple de celui-là, aurait été illusoire et n’eût conduit à aucun résultat. La partie indépendante des inégalités diurnes et annuelles dans l’expression de la température de la Terre que j’ai obtenue de cette manière, est sa température moyenne près de la surface et en un lieu quelconque, résultante de l’action du Soleil. Sa valeur dépend des fonctions elliptiques ; et j’ai pu la calculer à l’équateur et à la latitude de Paris, au moyen des tables de Legendre. On peut transformer ces fonctions de bien des manières différentes, et découvrir beaucoup de propriétés intéressantes dont elles jouissent ; mais ce qui importait pour leurs usages, c’était de les réduire à leur moindre nombre, de les exprimer sous forme périodique, comme Lagrange l’avait seulement indiqué, et surtout de former des tables de leurs valeurs numériques. Tel est, en effet, le service durable que l’illustre auteur du Traité des Fonctions elliptiques a rendu aux sciences, et l’immense travail auquel il a consacré la plus grande partie de sa longue carrière. Le coefficient de la partie principale de l’inégalité annuelle de température s’exprime plus simplement, et ne dépend pas des fonctions elliptiques. Il est nul à l’équateur ; ce qui rend cette inégalité très petite en ce lieu de la Terre, conformément aux observations de M. Boussingault. On a calculé, pour la latitude de Paris, les grandeurs et les époques du maximum et du minimum de la température annuelle, en tenant compte des deux premiers termes de son expression en série, telle qu’elle est donnée dans mon ouvrage. Après avoir déterminé les deux constantes qu’elle renferme, et qui dépendent de la nature du terrain, au moyen d’une partie des observations qui m’ont été communiquées par M. Arago, j’ai ensuite comparé les résultats du calcul à la totalité de ces observations ; cette comparaison a présenté un accord remarquable entre la théorie et l’expérience, propre à vérifier également l’une et l’autre : relativement à l’excès du maximum sur le minimum des températures annuelles, la différence entre le calcul et l’observation est moindre qu’un trentième de sa grandeur, et par rapport aux époques de ces températures extrêmes, elle s’élève tout au plus à un jour ou deux.

» D’après des observations que notre confrère m’a aussi communiquées, il arrive souvent que la température de la surface de la Terre excède de beaucoup celle que marque un thermomètre suspendu dans l’air et exposé à l’ombre ou au Soleil. Cependant la moyenne des températures de la surface pendant l’année entière est à peu près égale à celle des températures indiquées par le thermomètre abrité, autant qu’il est possible, des rayons du Soleil. J’ai vérifié cette égalité à notre latitude et à l’équateur ; toutefois, il sera difficile d’en assigner la cause ; et il se peut qu’elle n’ait pas lieu aux pôles et à de hautes latitudes. Mais la différence entre la température de la surface et celle du thermomètre extérieur se retrouve dans leurs valeurs extrêmes. Ainsi, il résulte des formules de mon ouvrage, qu’à Paris l’excès de la plus grande sur la plus petite température de la surface pendant l’année s’élève à près de 24 degrés ; tandis que la différence des températures moyennes, marquées par le thermomètre de l’Observatoire en juillet et en janvier, où elles atteignent leur maximum et leur minimum, est à peine de 18 degrés.

» J’ai expliqué, dans cet ouvrage, ce qu’il faudrait faire pour calculer le degré de chaleur de l’espace au lieu où la Terre se trouve actuellement par suite du mouvement de translation commun au Soleil et aux planètes, et comment nous manquons des données de l’observation que ce calcul exige. Néanmoins, pour fixer les idées sur la grandeur de cette température, qu’il serait si intéressant de connaître, j’ai supposé que la chaleur qui vient des étoiles soit la même en tous les points de la Terre. À Paris, j’ai déterminé avec beaucoup de précision la température moyenne de la surface et la partie dépendante de la chaleur solaire absorbée par la Terre. On conclut de cette hypothèse et de ces données, que la température de l’espace serait d’à peu près 13 degrés. À la vérité, dans cette évaluation, on n’a point eu égard à l’effet produit par l’atmosphère ; mais on a fait remarquer que cet effet inconnu ne pourrait qu’augmenter la température extérieure qu’on voulait estimer ; en sorte qu’elle est sans doute peu différente de zéro, et non pas, comme on l’avait dit, au-dessous des températures les plus basses de la surface du globe, et, par exemple, au-dessous de la température où le mercure se solidifie. L’expérience seule peut d’ailleurs décider, d’une manière péremptoire, si la quantité de chaleur stellaire qui parvient à la Terre, est ou n’est pas la même dans toutes les régions du globe, et, pour un même lieu, dans toutes les directions. C’est un des points les plus importans de la Physique céleste, sur lequel il était bon d’appeler l’attention des observateurs. »

NOMINATIONS.

M. Becquerel est adjoint à la commission qui doit rendre compte des mémoires de M. Leymerie, sur la fièvre jaune et sur le choléra-morbus.

M. Breschet est appelé à remplacer M. Dupuytren dans la commission qui est chargée de l’examen des pièces relatives à la question de l’emploi de la gélatine, considérée comme aliment.


L’Académie désigne, au scrutin, trois commissaires, qui devront assister, en son nom, à la cérémonie de l’inauguration de la statue de G. Cuvier, sur une des places de la ville de Montbéliard, inauguration qui doit avoir lieu le 23 août, jour anniversaire de la naissance de ce grand homme.

Ces commissaires sont MM. Duméril, Mirbel et Flourens.

La séance est levée à 5 heures.

F.

Bulletin bibliographique.

L’Académie a reçu dans cette séance les ouvrages dont voici les titres :

Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, no 11, in-4o.

Expédition scientifique de Morée, sous la direction de M. Bory de Saint-Vincent ; 34me livraison, in-folio.

Mémoires de l’Académie royale des Sciences de Berlin, année 1833, Berlin, 1835 ; un vol. in-4o (en allemand).

Syllabus of lectures on the diseases of the nervous system ; by Marshall Hall ; London 1835, in-8o.

Le Mont-d’Or et ses environs ; par M. H. Lecoq ; un vol. in-8o, Paris, 1835.

Traité théorique et pratique des Machines locomotives, etc., suivi d’un appendice ; par M. Guyonneau de Pambour ; Paris, 1835, in-8o.

Histoire et Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, années 1828–1833, tome 3, 1re  et 2e  partie, Toulouse, in-8o.

Œuvres chirurgicales complètes de Sir Astley Cooper, traduites de l’anglais, par MM. Chassaignac et Richelot ; 1re  et 2e  livraison, Paris, in-8o.

Archives générales de Médecine, par une société de médecins ; 2e  série ; tome 8, Paris, in-8o.

Philosophie anti-newtonienne, ou Essai sur une nouvelle physique de l’Univers ; par M. Dauter ; 1re  livraison, Lille 1835, in-8o.

Énumération des mousses et des hépatiques recueillies par M. Leprieur, dans la Guyane centrale ; par M. C. Montagne, in-8o.

Journal de Chimie médicale, de Pharmacie et de Toxicologie ; no 8, tome I, 2e  série, in-8o.

Journal de Pharmacie et des sciences accessoires, no 8, 21e année, in-8o.

Bulletin clinique, in-4o, 1er  août, in-8o.

Gazette médicale de Paris, no 32.

Gazette des hôpitaux, nos 92 et 94.

Écho du monde savant, no 71.