Confession priapale/Prologue

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G. Lebaucher, Libraire-éditeur, Montréal, 1899.
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PROLOGUE

Un grand philosophe a dit que, comme l’esprit, la queue pensait.

Profonde vérité que cette assertion !

La queue pense ; seulement elle est tributaire de l’esprit et celui-ci la sauce souvent dans des trous qu’elle dédaignerait s’il la consultait.

D’après cela, on ne s’étonnera pas que, parlant de l’heureux mortel dont j’ornais le dessous du ventre, je le qualifie du titre de : – mon maître.

Mon maître ! Oh, il l’était bien, et maintes fois je lui gardai rancune des tours qu’il me joua.

Mais ce n’est pas pour écrire des récriminations avant l’heure, que je commence cette confession. Entrons dans le récit des hauts faits qui illustrèrent ma carrière.

J’espère, ô mes adorées lectrices, que la fidèle narration de mes aventures vous intéressera, et vous poussera à être douces et clémentes envers mes frères, les autres priapes.

Sachez ceci, mes chères belles, une queue n’a été créée et mise au monde que pour enfourner le plus de cons possible, et un con n’est digne d’appartenir à une jolie femme qu’autant qu’il refuse le moins possible de queues.

Tout ce qu’on vous dira contre cette maxime n’est que de la pure blague.

Seuls les gens qui éprouvent des difficultés à baiser désirent empêcher de baiser ceux qui sont en état de le faire.

Chères chéries, vous ne vous douterez jamais de l’effet que nous produit votre beauté, alors que nous sommes cachés dans la culotte de notre maître : vous ignorerez toujours le supplice de Tantale qu’est le nôtre, tandis qu’il hésite à déclarer sa flamme, au moment même où nous aspirons déjà toutes les divines promesses de votre adorable conin !

L’imbécile, l’animal vous conte des histoires sentimentales à dormir debout, et nous, nous battons la générale, crachons sur l’odieux pantalon qui s’oppose à notre sortie ; nous maudissons les étoffes qui recouvrent votre corps et nous séparent de vos cuisses, de ces trésors que nous fêterions sans retard et à grands esbattements.

Ô ces braguettes d’homme, ces jupons de femme, celui qui les inventa dans un jour de malheur, aurait mérité de recevoir en plein gosier tout le purin féminin et tout le purin masculin.

Lisez ceci, mes charmantes, et tirez-en votre profit, afin que vous soyez tirées autant de fois que l’exige l’incontestable splendeur de vos formes.

Ne connaissant autre chose des conventions qui régissent les sociétés, que pour en avoir souffert, je les mépriserai, suivant la coutume de tous les bons fouteurs, et ne vous cèlerai aucune de mes pensées.

La queue pense comme l’esprit, ne l’oubliez pas.