Contes coréens/La Femme de l’esclave

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Traduction par Serge Persky.
Contes coréensLibrairie Delagrave (p. 113-116).

LA FEMME DE L’ESCLAVE


Un ministre avait une fille d’une beauté extraordinaire. On avait tant soin d’elle, on la surveillait si étroitement qu’elle ignorait ce qu’était le soleil, car elle ne sortait jamais de la maison. Pour elle, l’éclat de l’or remplaçait celui du soleil.

Néanmoins, quand le temps d’aimer fut venu, la jeune fille s’éprit de l’esclave de son père.

La loi punit de mort civile l’amour pour un esclave. Le coupable est considéré comme mort, on enterre son cercueil, on grave son nom sur la tombe, on pleure son trépas et on le chasse de la maison.

Quand le crime fut découvert, le ministre proposa à sa fille de quitter la maison. Mais comme elle s’y refusait, il envoya un de ses gardes chercher par tout le royaume le plus pauvre de tous les hommes. Le garde ramena un bûcheron qui habitait une grande forêt.

« Veux-tu prendre ma fille comme femme ? demanda le père.

— Je veux bien, » répondit le bûcheron.

Et il emmena la jeune fille chez lui dans la forêt.

Quand elle vit sa nouvelle habitation, l’épouse du bûcheron prit peur. C’était une hutte démolie, ouverte à la pluie et à tous les vents. Le garde-manger était vide ; on n’y aurait pas trouvé une poignée de millet.

« Qu’allons-nous manger ? » pensa-t-elle tout haut.

Sur le seuil, une vieille femme, la mère du bûcheron était assise.

« Nous allons porter du bois au marché, dit-elle, et nous achèterons du millet pour demain. Et demain, nous achèterons pour le jour suivant. Nous vivons comme vivent les gens de notre état. »

À ce moment-là, la femme du bûcheron remarqua la pierre jaune dont était fait le soubassement de leur maisonnette.

Si elle ne connaissait pas encore le soleil, en revanche, elle connaissait l’or.

« Prends une de ces pierres, dit-elle à son mari, porte-la en ville et vends-là pour le prix qu’on t’en donnera »

Le mari alla en ville et ramena plusieurs chars pleins d’argent.

Alors ils vendirent tout l’or qu’ils trouvèrent, et devinrent aussi riches que leur père.

« Sais-tu lire et écrire ? demanda ensuite la jeune femme à son mari.

— Non.

— Il faut apprendre. »

Elle lui chercha des maîtres et dix ans plus tard, il était aussi instruit que son beau-père.

Puis la jeune femme lui acheta une charge de ministre et le père fut le premier à venir les féliciter.

Le bûcheron emmena la jeune fille.