Contes du Sénégal et du Niger/Chapitre 25
LES DJIDÉ DE DJENNÉ[1]
À Djenné il y a un marigot appelé Boloumboloum Koumba :
les gens de Djenné
peuvent s’y baigner, puiser de l’eau, pêcher
sans que le djidé[2] leur fasse mal.
Un marabout, Alfamoué Niaté, envoya un de ses élèves puiser de l’eau : il fut emporté par le djidé, mais sa calebasse resta sur le bord de l’eau. Les gens coururent prévenir Alfamoué qui vint sur le bord du marigot, et frappa de son bâton l’eau qui s’ouvrit en deux : le marabout descendit dans le fleuve et vit au fond le djidé. Il lui dit qu’il allait le tuer. Le djidé lui demanda grâce et lui rendit son élève. Le marabout déclara que cela ne suffisait pas, et qu’il voulait le tuer. Alors le djidé implora les vieillards qui étaient avec Alfamoué et leur dit d’empêcher le marabout de le tuer. Les vieillards ont imploré Alfamoué, qui refusa. Le djidé se mit à pleurer. Le marabout, ému, lui a dit : « Je te laisse la vie si tu me promets que tu ne feras aucun mal aux bêtes, aux gens, aux pirogues de mon quartier. Je ne veux pas qu’un caïman prenne jamais quelqu’un, ni qu’un poisson puisse piquer quelqu’un (avec les épines de son dos). Même si les gens n’ont passé qu’une journée dans mon quartier, tu ne les tueras pas. » Le djidé accepta et promit que ni lui, ni ses descendants ne feraient jamais de mal aux gens du quartier. Le marabout accepta et lui permit de rester dans le fleuve.
Le fait s’est passé lorsque les blancs ont pris Djenné.
Dans le marigot de Tintinka à côté de Djenné il y a un djidé, Tintinka nialé, qui attrape les enfants et les emporte dans le fond de l’eau. Pour cela il fait flotter sur l’eau une calebasse, ou un joli canari. L’enfant se met dans l’eau pour l’atteindre et se noie.
Les étrangers ne peuvent entrer dans Tintinka : ils peuvent puiser de l’eau dans leurs mains pour boire et se laver, mais ensuite il faut qu’ils fuient. S’ils entrent dans l’eau le djidé leur arrache le nez et le nombril.
Il y avait un vieillard Amil Dagnéré[3] à Djenné, qui était cul-de-jatte. Il entra une fois dans le Bambana[4] et resta deux mois dans le fond. Quand il ressortit, il alla trouver le chef de Djenné et lui déclara que le djidé exigeait que l’on lui donne de la crème, du riz, du petit mil, du gros mil, du coton, des cauris, sinon il serait méchant dans le cours de l’année. Il donna le tout au djidé et tout alla bien.
Depuis qu’il est mort, le Bambana a été méchant et a noyé des personnes.