Contes du lit-clos/La Pitié des fleurs

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Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 247-248).


LA PITIÉ DES FLEURS




Triste, le cœur jaloux et l’âme en proie au Doute,
Loin de ma douce amie — hélas ! — pauvre exilé !
Par un matin de Juin j’ai quitté la Grand’Route
Et suis tombé, pleurant, dans un grand champ de Blé.

Et là, le cœur battant sur le cœur de la Terre,
J’ai conté mon chagrin aux épis jaunissant…
Mais rien n’a répondu dans le champ solitaire…
Que la Brise d’Été qui chantait en passant !

Et j’ai dit à la Brise : « Où donc est mon amie ?
Songe-t-elle toujours à me garder son cœur ? »
Mais la Brise s’est tue… et, durant l’accalmie,
Vint à moi la chanson d’un oiselet moqueur !

Et j’ai dit à l’Oiseau : « Vite, parle-moi d’Elle ?
Tu l’as sans doute vue, ô petit oiselet ? »
Mais, ainsi que le Vent, s’en alla l’hirondelle…
Et je n’entendis plus que l’eau d’un ruisselet !

Et j’ai dit au Ruisseau : « Montre-moi son visage !
Elle a dû se mirer en toi, petit ruisseau ! »
Mais l’Eau s’en fut, sans me répondre davantage
Que les Épis, la Brise et le petit Oiseau !…



… C’est alors que, voyant ma Douleur sans pareille,
Un fier coquelicot m’a dit : « Je la connais :
La lèvre de ta Douce est plus que moi vermeille ;
Or, puisqu’Elle a ma bouche, elle ne ment jamais ! »

C’est alors qu’un bleuet m’a chanté même antienne :
« Je connais ton Amie et je connais ses yeux ;
Ses yeux ont la couleur du ciel… aussi la mienne ;
Elle ne ment jamais puisqu’Elle a les yeux bleus ! »

Et c’est alors, enfin, qu’une humble pâquerette
M’a dit. « Effeuille-moi, trop incrédule amant !
Arrache, sans pitié, vite, ma collerette
Vois, Elle t’aime, un peu, beaucoup… énormément ! »

Alors, j’ai tendrement baisé chaque fleurette ;
Puis, rebouclant mon sac, malgré l’ardent Midi,
J’ai repris mon Chemin, en chantant à tue-tête,
Sûr d’être aimé… puisque les Fleurs me l’avaient dit !




(Cette poésie est éditée séparément. — G. Ondet, éditeur.)