Coran Savary/008

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Traduction par Claude-Étienne Savary Voir et modifier les données sur Wikidata.
G. Dufour (1p. 168-178).





LE BUTIN.


donné à médine, composé de 76 versets
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Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


Ils t’interrogent au sujet du butin[1]. Réponds leur : Il appartient à Dieu et à son envoyé. Craignez le Seigneur. Que l’amitié règle vos partages ; et, si vous êtes fidèles, obéissez à Dieu et au prophète.

Les croyans que la parole de Dieu pénètre de crainte, qui sentent augmenter leur foi au récit de ses merveilles, qui mettent en lui leur unique confiance,

Qui font la prière, et versent dans le sein de l’indigent une portion des biens que nous leur avons dispensés,

Sont les vrais fidèles. Ils occuperont des degrés sublimes dans le royaume céleste. Ils jouiront de l’indulgence et des bienfaits de Dieu.

C’est Dieu lui-même qui t’a fait quitter ta maison, malgré l’opposition d’une partie des fidèles.

Ils combattaient contre toi la vérité, dont l’évidence frappait leurs yeux, comme si on les eût conduits à la mort, et qu’ils l’eussent vue présente.

Le Seigneur vous promit qu’une des deux nations devait tomber sous votre glaive. Vous désiriez qu’il vous livrât celle qui était sans armes ; mais le ciel voulut accomplir ses promesses, et exterminer jusqu’au dernier des infidèles,

Afin que la vérité brillât, que la vanité s’anéantît, malgré les efforts des impies.

Lorsque vous implorâtes l’assistance du Très-Haut, il répondit : Je vous enverrai un secours de mille anges[2].

Il vous fit cette promesse, afin de porter dans vos cœurs la joie et la confiance. Toute aide vient de celui qui est puissant et sage.

Dieu vous envoya le sommeil de la sécurité. Il fit descendre la pluie du ciel pour vous purifier et vous délivrer de l’abomination de Satan, pour lier vos cœurs par la foi, et affermir votre courage.

Il dit à ses anges : Je serai avec vous ; encouragez les croyans ; j’épouvanterai les impies. Appesantissez vos bras sur leurs têtes ; frappez-les sur les pieds et les mains, et n’épargnez aucun d’eux.

Qu’ils soient punis du schisme qu’ils ont fait avec Dieu et son apôtre. Quiconque se séparera de Dieu et du prophète éprouvera qu’il est terrible dans ses vengeances.

Qu’ils subissent le tourment du feu, préparé aux infidèles.

O croyans ! lorsque vous rencontrerez l’armée ennemie marchant en ordre, ne prenez pas la fuite.

Quiconque tournera le dos au jour du combat, à moins que ce ne soit pour combattre, ou pour se rallier, sera chargé de la colère de Dieu, et aura pour demeure l’enfer, séjour de misère.

Ce n’est pas vous qui les avez tués ; ils sont tombés sous le glaive du Tout-Puissant. Ce n’est pas toi, Mahomet, qui les a assaillis ; c’est Dieu, afin de donner aux fidèles des marques de sa protection. Il sait et entend tout.

Son bras vous a protégés ; c’est lui qui renverse les stratagèmes des ennemis.

Infidèles, la victoire a assuré la décision de notre cause. Il vous importe de quitter les armes. Si vous retournez au combat, vous nous trouverez prêts ; mais quelque nombreuse que soit votre armée, vous n’éprouverez pas un meilleur sort. Le ciel protège les fidèles.

O croyans ! obéissez à Dieu et à son apôtre ; ne vous écartez jamais de ce devoir. Vous écoutez sa parole.

Ne ressemblez pas à ceux qui disent : Nous entendons et ils n’entendent point.

Un état plus vil que celui de la brute, aux yeux de l’Éternel, est d’être sourd, muet, et de ne point comprendre.

Si Dieu leur eût connu quelque bonne disposition, il leur aurait donné l’entendement ; mais ce bienfait n’eût servi qu’à les rendre plus obstinés dans leur éloignement pour la foi.

O croyans ! répondez à la voix de Dieu et du prophète, puisqu’il vous fait vivre. Souvenez-vous qu’il est entre l’homme et son cœur, et que vous retournerez tous à lui.

Craignez la rébellion. Les impies ne seront pas les seuls parmi lesquels elle se fera sentir. Sachez que le Tout-Puissant est terrible dans ses vengeances.

Souvenez-vous que faibles, et en petit nombre dans les murs de la Mecque, vous craigniez d’être exterminés par vos ennemis. Le ciel a protégé votre faiblesse. Il vous a donné un asile, une nourriture abondante, afin que vous soyez reconnaissans.

O croyans ! gardez-vous de tromper Dieu et le prophète. Écartez la fraude de vos traités, puisque vous êtes éclairés.

Songez que vos richesses et vos enfans sont un sujet de tentation, et que la récompense que Dieu vous prépare est magnifique.

O croyans ! si vous craignez le Seigneur, il vous séparera des méchans ; il expiera vos fautes ; il vous les pardonnera, et versera sur vous les trésors de ses libéralités.

Tandis que les infidèles te tendaient des embûches, tandis qu’ils voulaient te saisir, te mettre à mort ou te chasser, Dieu, dont la vigilance surpasse celle du fourbe, détruisait leurs complots.

Qu’on lise aux incrédules la doctrine divine, ils répondent : Nous l’avons entendue. Il nous serait facile d’en produire autant. Ce n’est qu’un tissu des rêveries de l’antiquité.

Dieu tout-puissant, se sont-ils écriés, si le Coran renferme la vérité, fais pleuvoir les pierres sur nos têtes, fais-nous éprouver les plus terribles fléaux.

Le ciel ne les punit pas, parce que tu étais avec eux, et qu’ils implorèrent leur pardon.

Dieu pouvait leur faire éprouver ses vengeances, quand ils détournaient les fidèles du temple de la Mecque. Ils n’étaient pas ses amis. Les hommes vertueux méritent seuls de l’être, et la plupart l’ignorent.

Leur prière dans le lieu saint n’était qu’un sifflement des lèvres et un battement de mains. Ils entendront ces mots : Goûtez la peine de votre impiété.

Ils emploient leurs richesses pour combattre la religion. Ils les dissiperont. Un repentir amer en sera le fruit, et ils seront vaincus.

Tous les infidèles seront réunis dans l’enfer.

Dieu séparera les bons d’avec les méchans. Il rassemblera les scélérats, et les livrera aux tourmens du feu. Leur perte sera consommée.

Dis aux pervers que, s’ils abandonnent l’infidélité, ils obtiendront le pardon du passé ; mais que s’ils y retombent, ils ont sous les yeux l’exemple des anciens peuples.

Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de schisme, et que la religion sainte triomphe universellement. S’ils se convertissent, Dieu sera le témoin de leur action.

S’ils persistent dans la révolte, songez que Dieu est votre maître, et que vous devez compter sur sa protection puissante.

Souvenez-vous que vous devez la cinquième part du butin à Dieu, au prophète, à ses parens, aux orphelins, aux pauvres et aux voyageurs, si vous croyez en Dieu, et à ce que nous révélâmes à notre serviteur, dans ce jour mémorable où les deux armées se rencontrèrent. La puissance du Seigneur est infinie.

Vous étiez postés près du ruisseau[3], les ennemis étaient sur la rive opposée. Votre cavalerie était inférieure. Malgré vos conventions la discorde se serait mise parmi vous ; mais le Tout-Puissant voulut accomplir ce qui était arrêté dans ses décrets ;

Afin que celui qui devait périr succombât, et que celui qui devait survivre à la victoire fût témoin de sa gloire. Dieu sait et entend tout.

Dieu vous montra en songe l’armée ennemie peu nombreuse. S’il vous l’eût fait paraître plus formidable, vous auriez perdu courage, et la discorde vous eût désunis. Il vous épargna ce tableau parce qu’il connaît le fond des cœurs.

Lorsque vous commençâtes le combat, il diminua à vos regards le nombre des ennemis ; il diminua de même à leurs yeux le nombre de vos soldats, afin d’accomplir ce qui était déterminé dans ses décrets. Il est le terme de toutes choses.

O croyans ! lorsque vous marchez aux ennemis, soyez inébranlables. Rappelez-vous à chaque instant le souvenir du Seigneur, afin que vous soyez heureux.

Obéissez à Dieu et au prophète. Craignez la discorde, de peur qu’elle n’éteigne le feu de votre courage. Soyez fermes. Dieu est avec ceux qui souffrent avec constance.

Ne ressemblez pas à ceux qui quittent leurs foyers avec ostentation, et détournent leurs semblables des voies du Seigneur. Il voit leurs actions.

Le diable exaltant le mérite de leurs exploits leur dit : Aujourd’hui vous serez invincibles ; je marcherai à votre tête. Lorsque les deux armées furent en présence il revint sur ses pas. Je vous abandonne, ajouta-t-il : Je vois ce qui échappe à vos regards[4]. Je crains Dieu dont les chatimens sont terribles.

Les incrédules, et ceux dont le cœur est corrompu disaient : Leur foi les a trompés ; mais celui qui met sa confiance en Dieu éprouve qu’il est savant et sage.

Quel spectacle lorsque les anges donnent la mort aux infidèles[5] ! Ils frappent leurs visages et leurs reins, et font entendre ces paroles : Allez goûter la peine du feu.

Ce supplice est dû à leurs crimes ; car Dieu n’est point injuste envers ses serviteurs.

Ils ressemblaient à la famille du pharaon et aux incrédules qui les ont précédés. Dieu les a surpris au milieu de leurs forfaits, et il est terrible dans ses châtimens.

Il ne retire ses grâces d’un peuple que quand il est perverti. Il voit et entend tout.

Ils ressemblaient à la famille du pharaon et à ceux qui avant eux ont nié notre doctrine. Notre vengeance les a surpris au milieu de leurs crimes ; ainsi nous fîmes périr l’armée du pharaon dans les flots, parce qu’elle était impie.

L’incrédule qui refuse de croire à l’islamisme est plus abject que la brute aux yeux de l’Éternel.

Ceux qui violent à chaque occasion le pacte qu’ils ont contracté avec toi, n’ont point la crainte du Seigneur.

Si le sort des armes les fait tomber entre tes mains, effraye par leur supplice ceux qui les suivent, afin qu’ils y songent.

Rejette la crainte de ceux dont tu crains la fraude. Traites-les comme ils agissent ; parce que Dieu hait les trompeurs.

Que l’infidèle ne croie pas se soustraire à la vengeance divine. Il ne saurait la suspendre.

Unissez vos efforts, rassemblez vos chevaux, afin de jeter l’épouvante dans l’âme des ennemis de Dieu, des vôtres, et de ceux que vous ignorez. Dieu les connaît. Tout ce que vous aurez dépensé pour son service, vous sera rendu. Vous ne serez point trompés.

Donne ton consentement à la paix, s’ils la recherchent. Mets ta confiance dans le Seigneur. Il sait et entend tout.

S’ils voulaient te trahir, Dieu arrêtera leurs complots. Il t’a fortifié de son aide et de celui des fidèles. Il a uni leurs cœurs. Tous les trésors de la terre n’auraient pu produire cette union. Elle est un effet de sa bonté. Il est puissant et sage.

O prophète ! la protection de Dieu est un asile suffisant pour toi et pour les fidèles qui te suivront.

O prophète ! encourage les croyans au combat. Vingt braves d’entr’eux terrasseront deux cents infidèles. Cent en mettront mille en fuite, parce qu’ils n’ont point la sagesse.

Dieu veut adoucir votre tâche. Il connaît votre faiblesse. Cent braves d’entre vous vaincront deux cents ennemis, et mille triompheront de deux mille, par la permission de Dieu qui est avec les hommes courageux.

Aucun prophète n’a jamais fait de prisonniers, qu’après avoir versé le sang d’un grand nombre d’ennemis. Vous désirez les biens terrestres, et Dieu veut vous donner les trésors du ciel. Il est puissant et sage.

S’il ne vous avait envoyé ses préceptes, les dépouilles que vous avez remportées vous auraient attiré sa vengeance.

Nourrissez-vous des biens licites enlevés aux ennemis, et craignez le Seigneur. Il est clément et miséricordieux.

O prophète ! Dis aux prisonniers que vous avez faits : Si Dieu voit la droiture dans vos cœurs, il vous donnera des richesses plus précieuses que celles qu’on vous a enlevées, et il vous pardonnera, parce qu’il est indulgent et miséricordieux.

S’ils veulent te tromper, ils ont été fourbes envers Dieu. Il t’établit l’arbitre de leur sort, il est savant et sage.

Les croyans qui auront abandonné leurs familles, pour défendre, de leurs biens et de leurs personnes la cause de Dieu, partageront le butin avec ceux qui ont donné du secours et un asile au prophète. Vous n’aurez point de société avec les fidèles qui auront resté dans leurs maisons jusqu’à ce qu’ils aient marché au combat. S’ils implorent votre appui pour la défense de leur religion, vous le leur accorderez, à moins que ce ne soit contre vos alliés. Le Très-Haut est témoin de vos actions.

Les infidèles sont unis entr’eux. Si une semblable union ne règne parmi vous, le schisme et la corruption couvriront la terre.

Les croyans qui ont quitté leur patrie pour combattre sous l’étendard de la foi, et ceux qui ont donné un asile et du secours au prophète, sont les vrais fidèles. Ils jouiront de l’indulgence du Seigneur et des avantages glorieux du paradis.

Ceux qui dans la suite embrasseront la foi, qui s’expatrieront et combattront pour la défense de l’islamisme, deviendront vos compagnons. Ceux qui vous sont unis sont plus ou moins honorablement écrits dans le livre, parce que la science du Tout-Puissant embrasse l’univers.


  1. Le partage du butin après le combat de Beder ayant fait naître des différens entre les croyans, Mahomet fit descendre ce chapitre où il établit les lois que l’on doit observer à ce sujet.
  2. Les compagnons de Mahomet étaient sur le point de prendre la fuite. Il les rassure en leur promettant un secours de mille anges. Il leur persuada si fortement que cette milice céleste combattait pour eux, qu’il les rendit invincibles. (Vie de Mahomet.)
  3. Mahomet était campé près de Beder. C’est le nom d’un puits. Ce poste était très-avantageux, parce qu’il le mettait à portée de l’eau qui est très-rare en Arabie. Le courage qu’il sut inspirer à ses soldats les fit triompher des Coreïshites, trois fois supérieurs en nombre.
  4. Gelaleddin explique ainsi ce passage :
      Satan ayant pris la ressemblance de Saraca, fils de Malec, prince de cette contrée, marchait à la tête des Coreïshites. Il tenait la main de Harès, fils de Hascem. Ayant aperçu les anges qui se préparaient à combattre avec les fidèles, il prit la fuite. Les idolâtres lui ayant reproché de les abandonner dans un danger éminent : Je vous quitte, répondit-il, parce que je vois des anges que vous n’apercevez pas. Gelaleddin.
  5. Lorsque l’homme meurt, Monker et Nakir, deux anges terribles, viennent l’examiner. Ils font tenir debout le patient et l’interrogent sur l’unité de Dieu et la mission du prophète. Quel est ton Dieu, ton prophète, ton culte, lui demandent-ils ? S’ils le trouvent infidèle, ils le frappent d’une manière épouvantable. El-gazel.
      Les Thalmudistes ont à peu près la même croyance. Lorsque l’homme meurt, disent-ils, l’ange de la mort, vient s’asseoir sur le sépulcre ; aussitôt l’âme se réunit au corps. Le patient se lève sur ses pieds. L’ange lui fait subir un examen, et s’il est coupable, il le frappe avec une chaîne dont la moitié est de fer et le reste de feu. Thalmud.