Correspondance 1812-1876, 4/1861/CDLXXI

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CDLXXI

À M. JULES BOUCOIRAN, À NÎMES


Tamaris, 25 février 1861.


Cher ami,

Nous sommes arrivés, par un temps de chien (le 18 courant), à Toulon, où Maurice, pressé de me trouver un gîte convenable aux environs, était depuis huit jours, courant d’une campagne à l’autre, et par conséquent ne pouvant songer à aller vous voir. Il a été à Hyères, il en est revenu mécontent, ne trouvant rien là de possible pour mes goûts de solitude et de vraie campagne. Il s’est rabattu sur la rade de Toulon et sur les golfes voisins. Enfin, la veille de mon arrivée, il a trouvé une maisonnette toute petite, mais bien propre, dans un pays idéalement beau. Je ne vous en dis rien : vous verrez notre site et nos environs. L’endroit s’appelle Tamaris. (Je m’y suis installée le 19.) — Mais, pour y arriver, soit par mer, soit par terre, il faut quelques renseignements locaux. Donc, quand vous viendrez nous voir, il faudra aller par le chemin de fer jusqu’à Toulon. Là, vous irez trouver Charles Poncy, notre ami, rue du Puits, n° 7. Il vous amènera ou vous fera conduire, et, en même temps, il vous remettra ou vous fera remettre une clef au moyen de laquelle vous aurez, chez nous, un gîte ; car nous n’avons qu’une partie de la maison ; mais notre propriétaire, homme très aimable, nous a promis une chambre d’ami dès que nous en aurions besoin. Voilà ! Nous n’avons encore eu que deux jours de beau temps sur six. Ne venez pas sans que le temps soit remis ; car je ne pense pas que nous différions beaucoup de température, sauf qu’ici nous avons des pluies insensées quand le ciel s’y met, et nos chemins sont laids, notre horizon triste, notre campagne maussade par conséquent. Il faut que nous puissions vous promener dans le soleil.

Sur ce, à bientôt, j’espère, cher enfant. Ce sera une joie de famille, et, en attendant, on vous embrasse de cœur.

G. SAND.