Correspondance 1812-1876, 4/1861/CDXCVIII

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CDXCVIII

À M. CHARLES PONCY, À TOULON


Nohant, 20 octobre 1861.


Enfin, Maurice est revenu sain et sauf et je le tiens depuis huit jours ! Il en a mis sept pour faire la traversée de Terre-Neuve à Brest. Il a vu les grands lacs, la grande prairie, les sauvages, le Niagara, les aurores boréales dans le Nord, les brumes de Terre-Neuve, les jardins du Midi pleins de colibris, les champs de bataille, les camps des deux armées, les forêts vierges, que sais-je ! C’est une course au clocher, mais, en somme, une course bien intéressante, et il est très content de son voyage.

Il est fort comme un Turc ; il a passé brusquement par tous les climats et tous les régimes, sans avoir la plus légère indisposition.

Vous jugez si je suis contente, moi ! Je commençais à manquer un peu de courage et de force physique. Je me remets et je vais reprendre mon travail.

Et vous, vous avez bien trotté par cette chaleur ! nous en avons eu aussi une fière dose : 35 degrés centigrades à l’ombre pendant tout l’été et encore 25 à présent ; une sécheresse fâcheuse pour nos cultures, mais que j’aime bien pour ma consommation personnelle ; pas un souffle de vent, et un ciel aussi bleu que le vôtre.

J’ai reçu, par madame Trucy, de bonnes nouvelles de sa famille et de Tamaris. Tout y va bien, même le cher Bou-Maza, dont vous nous avez fait porter le deuil je ne sais pas pourquoi.

Il y a bien longtemps que je veux vous écrire ; mais j’ai tant de monde en septembre et en octobre, qu’il n’y a pas moyen de causer avec les absents. La maison ne peut pas désemplir. Mais, en novembre, tout file et on reprend les occupations raisonnables.