Correspondance 1812-1876, 6/1871/DCCCXXIX

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 170-171).


DCCCXXIX

À M. BERTON PÈRE, À PARIS


Nohant, 8 octobre 1871.


Cher pauvre enfant,

Je me doutais bien, à ton silence, que cette tournée n’était pas brillante. Je ne t’en voulais pas. Je m’en attristais. Le moment était si malheureux ! On a tant souffert, tant perdu ! Le provincial est économe et ne s’amuse pas quand ses affaires ne vont pas, et peut-être manquiez-vous d’un Barnum. C’est surtout cela qu’il faut dans les pays arriérés. Ne t’inquiète pas du proverbe. S’il pouvait te faciliter un arrangement quelconque, garde-le ; sinon, tu me le rendras, en le faisant déposer chez moi : rue Gay-Lussac, 5, à madame Martine, pour madame Sand.

Que vas-tu faire ? On dit Chilly très gravement malade. Duquesnel est-il titulaire au même degré ? Pourra-t-il continuer seul ? Seras-tu forcé, pour prendre un engagement quelque part, de baisser ton prix ? Il ne faut pas se dissimuler que tout le monde, artiste ou non, est dans la panne, et il faut travailler quand même. La Prusse et la Commune nous ont porté de rudes coups. Gardons la seule chose qu’elles n’aient pu nous ôter : le courage. Tiens-moi au courant de ce qui peut survenir. J’ai été inquiète de ton long silence. Je t’embrasse bien tendrement, ainsi que ton fils et tous les chers mioches.