Correspondance 1812-1876, 6/1875/CMXXXI

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 343-345).


CMXXXI

À M. EDMOND PLAUCHUT, À PARIS


Nohant, 18 mai 1875.


Nous aussi, nous avons de grosses chaleurs, mais avec du bon air et de belles pluies d’orage qui rendent heureux les hommes, les bêtes et les plantes. L’année s’annonce abondante, sauf les foins qui, pourtant, se ragaillardissent depuis quelques jours. J’ai signé ce matin un traité signé de la Comédie-Française qui m’assure Victorine et Villemer consécutivement en bonne saison, en deux ans. M. Perrin se réserve de faire passer d’abord, soit Villemer, soit Victorine, selon que les circonstances et la distribution seront dans l’intérêt de la pièce. Il a été fort aimable dans toute l’affaire ; il m’assure madame Plessy pour la marquise de Villemer.

Mais, en même temps que je faisais stipuler la chose, j’écrivais à madame Plessy pour la prier de l’agréer. Elle me répond : « Oui certainement ; mais, si c’est l’autre hiver après celui qui vient, je n’y serai plus : je prends ma retraite le 15 mai 1875. Elle serait donc déjà retirée et ne jouerait en ce moment que pour son plaisir. Je désire que tu la voies de ma part, que tu lui demandes explication du fait, afin que j’en écrive à M. Perrin en connaissance de cause ; car je ne sais si elle ne s’est pas trompée de chiffre en m’écrivant.

Je suis seule à la maison tous ces jours-ci : c’est le concours agricole à la Châtre et ça dure plusieurs jours. Maurice est nommé expert à peu près pour tous les genres de produits, industrie, sciences et arts. Il te racontera la chose et mettra probablement Balandard aux prises avec les incidents burlesques de cette solennité. Les petites sont très fières d’être exposantes, elles ont mis des cadres de papillons et d’insectes.

Mais la grande splendeur du concours, c’est, pour elles, les chevaux de bois. Et puis le cousin Edme est avec elles pour trois jours, et un autre jeune homme de Nîmes, un ami de Titite, et elles font les fiérettes avec ces cavaliers de vingt-cinq ans. Gare à ta coiffure, mon vieux gendre !

Pour la question Paris, je te répondrai demain ou après-demain. Il faut que je voie Maurice, que je ne peux plus saisir un instant depuis qu’il est affairé à la Châtre ; je voudrais emmener Lolo, qui a toujours ses maux de tête et que je voudrais faire examiner à Favre. S’il dit oui, je te prierai de venir nous chercher, je ne me sens plus assez forte pour voyager avec un enfant. S’il dit non, je ne veux pas te déranger pour moi seule, je me tirerai bien d’affaire ; ce serait, en tout cas, pour les premiers jours de juin. Si j’ai mon Aurore, j’irai aux spectacles de jour, et je me lèverai de bonne heure pour la promener.

Sur ce, je te bige bien fort, au son d’une aubade dont la musique de Châteauroux me régale en se rendant au concours de la Châtre ; ce n’est pas trop mauvais.